L’écriture  des  évangiles

   Nous serions dans l’impossibilité de connaître les accusations des juifs contre Jésus si les évangélistes eux-mêmes, pour des raisons dont je parlerai dans les chapitres qui suivent, ne les avaient pas gardées dans des transpositions contextuelles ou, pour les plus scandaleuses et les plus troublantes, dans l’infrastructure du texte.

   Les premières apparaissent en général associées à la présence des envoyés du sanhédrin qui avaient mission de mener l’enquête judiciaire. Ce sont des soupçons qu’ils manifestaient à l’égard des actions et des paroles de Jésus, ou des critiques et des jugements qu’ils voilent derrière des interrogations.
   Il est frappant de constater que, dans la description du double procès de Jésus, les évangélistes prennent soin de préciser que les grands-prêtres et Pilate ne trouvaient pas de chefs d’accusation suffisants pour condamner Jésus, alors que ces chefs d’accusation apparaissent tout au long de leur récit, émanant de ces personnes que les grands-prêtres avaient mandatées. Mais il n’y a chez les évangélistes aucune contradiction : conscients de la nature procédurale des renseignements, ils les ont ôté du procès pour le rendre douteux et injuste, et les ont disséminés au fil du récit pour en affaiblir la force de persuasion.