ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisL’écriture des évangiles |
La naissance de l’anti évangileLa source des informations juives au sujet de Jésus |
Sommaire Introduction La foi en Jésus-Christ Mort et résurrection Refoulement et sublimation de Jésus Tournant historique de l’Église Naissance de l’anti évangile - Excommunication des chrétiens - Source des informa- tions juives - Profil judiciaire de Jésus De l’Évangile aux évangiles Structure de l’anti évangile Structure des évangiles Le Jésus de l’histoire Genre littéraire et genre référentiel . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Où les juifs puisèrent-ils les informations nécessaires pour une telle entreprise ? Il fallait bien qu’ils eussent la possibilité de repousser une éventuelle contre-attaque des chrétiens par une accusation aussi documentée qu’elle était provocante et scandaleuse. À l’inverse des chrétiens, les juifs possédaient une mémoire de Jésus, puisqu’ils en furent les accusateurs. Il convient de répéter que Jésus n’avait pas été traduit en jugement de façon illégale, ni sans la recherche préalable des chefs d’accusation et des témoignages permettant d’obtenir sa condamnation. S’il fut pris par ruse et par traîtrise, il n’en reste pas moins que le sanhédrin avait émis contre lui un mandat d’arrêt, qui mettait fin à une enquête qui remontait probablement au commencement même de son activité auprès de Jean. Dans les évangiles, Jésus est toujours poursuivi par « des scribes et des pharisiens » qui épient ses mouvements et interviennent à l’occasion de ses discours. Leur présence étonne, si on considère que Jésus ne s’adressait pas aux intellectuels mais au peuple ignorant et aux milieux les plus déshérités et marginaux de celui-ci. S’ils mirent de côté leur distinction de classe et consentirent à se mêler à la foule, c’est qu’ils se proposaient de bien le connaître et de trouver des preuves à l’appui de l’image qu’ils s’étaient déjà faite de lui. Les évangélistes ont pris soin de préciser que, parmi eux, quelques-uns étaient venus de Jérusalem (Mc 3:22 ; 7:1 ; Mt 15:1) envoyés par les grands-pontifes (Jn 7:25 ; 32) dans le but de les renseigner sur Jésus et, si possible, de le prendre en flagrant délit. L’occupation romaine n’enlevait pas au sanhédrin son droit d’enquête et de poursuite. Les évangiles affirment que les pharisiens « persécutaient » (ediokon) Jésus (Jn 5:16 ; 15:20 ; Mt 5:10 ; 11:12), mais il s’agissait moins d’une opposition des personnes que d’une poursuite judiciaire, qui ne pouvait aboutir que si ses agents se déguisaient en interlocuteurs. Cette action s’accomplissait à trois niveaux, selon qu’elle visait l’enquête, l’interrogatoire ou la saisie du suspect. Quant à l’enquête (zetesis), elle visait à recueillir des renseignements sur les mouvements, sur l’enseignement et sur la pratique de vie de Jésus. C’était l’œuvre des indicateurs. Souvent ceux-ci ou d’autres entraient en débat avec Jésus dans le but de le « tenter » (peirazo). Le mot trahit le propos des écrivains d’assimiler l’intention de ces interlocuteurs à une action démoniaque. C’est qu’ils savaient qu’ils ne l’interrogeaient pas pour s’instruire mais pour l’amener à se contredire et à offrir un motif d’accusation. Aussitôt qu’on pouvait le prendre en faute grave, on devait chercher à le saisir, en prenant soin toutefois d’éviter toute émeute populaire. Dans le quatrième évangile, on trouve à plusieurs reprises le verbe « piasai » (saisir) : Jn 7:30 ; 32 ; 44 ; 8:20 ; 10:39). Face à cette action policière qui visait à l’encercler jusqu’à l’étranglement, Jésus ne demeura pas passif. Il manifesta au contraire beaucoup de clairvoyance, agissant toujours avec intelligence et circonspection. On peut aussi affirmer qu’il fit usage d’une tactique qui ne semble pas seulement intuitive mais voulue et raisonnée. Il fourvoyait les indicateurs-espions, ou il les évitait en décidant ses déplacements d’une façon brusque pour éviter toute prévision. Il n’hésitait pas non plus à les laisser sur place, quand il prévoyait de se trouver en mauvaise posture. Souvent il s’éclipsait, pour se retirer dans des lieux « déserts ». Entre les enquêteurs et lui, c’était le jeu du chat et de la souris. Le quatrième évangile a pris soin d’allégoriser ce jeu en le transposant du niveau du fait au niveau spirituel : « Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas, et vous ne pouvez pas venir où je suis » (Jn 7:34). Sa puissance dialectique dans les controverses avec les pharisiens est aussi étonnante, car il savait rivaliser avec eux dans les subtilités d’interprétation, exploitant avec aisance l’ambiguïté des mots et l’art de l’évasion. Dans la mesure où les récits évangéliques se rapportent effectivement aux débats contradictoires qu’il avait eu avec ses inquisiteurs et non aux controverses de l’Église, ils nous montrent un homme aussi exceptionnel dans la puissance de son verbe que dans son pouvoir de suggestion. Car en prévoyant la contradiction, il parvenait à la détourner d’avance : il prévoyait souvent le jugement que ses adversaires s’étaient proposé d’émettre contre lui, le retournant contre eux… et sa condamnation était féroce, prenant l’allure d’un oracle. Quant aux « sicaires », il sut échapper à leurs tentatives répétées de le capturer, soit en restant au milieu du peuple, soit en trouvant des astuces pour disparaître sans être vu. Mais s’il fut prévoyant dans la recherche des moyens de fuir, il était aussi trop lucide pour ne pas comprendre qu’il ne pourrait pas toujours échapper à cette chasse à l’homme : il serait un jour pris dans le filet tendu par la police juive. Lorsque les grands-pontifes parvinrent finalement à le saisir, leur police détenait des fiches d’accusation suffisantes pour obtenir sa condamnation. L’affirmation des évangiles selon laquelle ils ne pouvaient trouver de chefs d’accusation valables fait partie d’un autre dossier, postérieur au procès, qui fut propre à l’apologétique de l’Église. Le sanhédrin avait d’autant mieux préparé le dossier d’accusation qu’il ne pouvait agir en juge, mais seulement en accusateur devant un tribunal où on ne pouvait pas tricher. Le « procès » subi par Jésus devant le sanhédrin était en fait un interrogatoire ayant pour but de contraindre Jésus à s’avouer coupable. Cela explique que ses accusateurs soient aussi ses sbires, et qu’il a été fait usage, sinon de tortures, au moins de violences physiques et morales. Sans doute ses accusateurs voulaient-ils obtenir le chef d’accusation – l’aveu d’être le fils de Dieu – qui l’aurait rendu passible de la peine de mort. Ces remarques nous éclairent sur la source dans laquelle les juifs puisèrent leurs informations : celles-ci ne pouvaient venir que du procès de Jésus. Dans son attaque contre l’Église, le judaïsme ne fit que rendre public le dossier d’accusation du procès de Jésus. |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() tg05200 : 10/03/2021 |