ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Jésus le charpentier





Du fils naturel au fils de Dieu :
du fils de Dieu au fils d’une adultère


Sommaire

Du fils naturel au fils de Dieu
Fils d’une adultère
- Fils de Dieu et de David
- Sans père et sans mère
- Fils adultère
  . Traditions
  . Un tel, bâtard
  . Blanchir le tombeau
- Fils de Marie
- Conclusion
La famille de Jésus
Délire ou extase ?
La solitude de Jésus
Qui est ma mère ?

La Métanoïa

Le défi et la crise

La bonne nouvelle




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Le fils d’une adultère :
« un tel, bâtard »


   « On appelle bâtard (manser) le produit d’un mariage interdit » suivant Rabbi Aquiba. Mais Rabbi Simeon restreint le titre à un enfant provenant d’un mariage interdit sous peine d’extermination, et la loi est dans ce sens. Rabbi Yosua l’étend à tous ceux qui sont passibles de mort infligée par le tribunal. Rabbi Simeon Azzay raconte avoir trouvé à Jérusalem une généalogie portant écrit : un tel, bâtard, provenant d’un mariage adultérin… ce qui corrobore l’opinion de Rabbi Yosua » (Jeb. N.4,13 ; Bonsr.1144).

   Ce passage vise à définir la notion juridique de « bâtard », notion qui est précisée selon le sens donné par la loi. Il fait appel à plusieurs interprétations, passant de l’opinion large de Rabbi Aquiba à l’acception stricte et rigoureuse de Rabbi Josua, pour lequel le bâtard implique une trans­gression grave du statut du mariage, à savoir l’adultère. L’autorité de Rabbi Simeon Ben Azzay est appelée à l’appui de cette thèse.

   Il apparaît cependant que les paroles de Rabbi Simeon ne s’inscrivaient pas, à l’origine, dans ce contexte. En effet, le document trahit moins l’intention de définir la notion de bâtard qu’une recherche à caractère judiciaire visant à prouver la légitimité ou l’illégitimité d’une naissance. Il trouve enregistrée la naissance d’un bâtard parce qu’il la recherche parmi les tableaux généalogiques of­ficiels. Or il doit s’agir d’une personne dont il convient de cacher le nom. Pourquoi le cache-t-il sous l’appellation de « un tel » ? Sans doute parce que le nom aurait pu compromettre la personne ou sa parenté.
   Mais un simple nom n’aurait pas pu constituer une occasion de diffamation, puisque les noms propres se répètent, sinon dans chaque famille eu moins dans chaque clan. Il devait alors s’agir d’un nom qui était susceptible d’indiquer la personne, dans la mesure où celle-ci était connue par tous. Le problème est résolu si on pense que Rabbi Ben Azzay a voulu se référer à Jésus, dont le nom était passé dans le domaine public.

   Ben Azzay était disciple de Rabbi Aquiba, dont l’activité s’était exercée avant la révolte de Bar Kochbah pendant la deuxième guerre de Judée. Le texte remonte donc au temps de la formation du Nouveau Testament. Il semble présupposer moins les récits de la naissance virginale de Jésus que les généalogies qui l’inscrivaient dans la descendance de David.
   Il convient alors de se rapporter à la période qui a précédé l’évangile de la naissance, pendant laquelle l’Église avait cherché à appuyer le messianisme de Jésus non plus exclusivement sur la résurrection, mais sur l’authenticité et la légitimité de sa descendance davidique : c’est dans ce but que l’Église avait rédigé ses généalogies. Mais en réalité celles-ci ont été comme des épées, à double tranchant, car si elles étaient utiles pour confirmer des croyants dans la foi acquise, elles étaient loin de constituer un document historique. Elles donnèrent au contraire aux juifs, qui demeuraient en dehors de la foi, l’occasion d’aller fouiller dans les archives publiques ainsi que dans la mémoire populaire afin d’en vérifier l’objectivité et la vérité. Rabbi Ben Azzay fut l’un de ces enquêteurs.
   Il est légitime de se demander s’il avait vraiment découvert un tableau généalogique écrit concernant la naissance de Jésus ou si, n’ayant rien trouvé, il en avait déduit qu’il était fils illégitime. En effet, était-il possible qu’un bâtard soit inscrit sur un tableau généalogique, alors qu’il était illégitime et ne possédait pas d’existence légale ?
   Mais Rabbi Simeon est clair et catégorique dans son affirmation. On peut alors penser qu’on a dû tenir compte de sa naissance par la suite, par exemple dans un acte de divorce ou à l’occasion du mariage de la divorcée avec un autre mari, cela dans le but de sauvegarder les droits d’héritage des enfants légitimes qui seraient nés de ce second mariage. Dans le cas où Marie était restée seule, elle a peut-être mis l’enfant sous la tutelle de ceux qui les avaient accueillis et la légalisation de cet état a pu entraîner l’inscription de Jésus en tant que bâtard. D’ailleurs, comment les habitants de Nazareth auraient-ils pu savoir qu’il était fils illégitime si le fait n’avait pas été légalisé ?
   Une raison me pousse à croire Rabbi Simeon : le fait que son témoignage rejoint la conviction que l’Église elle-même avait du fait de la naissance de Jésus. Car, même si elle était convaincue que Jésus était fils de David selon les Écritures, il n’en restait pas moins qu’en-deçà des Écritures Jésus lui était apparu comme un homme sans père et sans mère légitimes (1). La tradition rabbinique et la catéchèse de l’Église ne se séparaient donc pas en ce qui concerne le fait, mais l’interprétation de ce fait : pour l’Église il s’agissait d’une naissance virginale, pour les rabbins d’un simple adultère.

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(1) Voir.   Retour au texte
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c 1976




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tk113200 : 15/06/2020