Autobiographie

n mois plus tard, toujours en attente du visa, je vis dans l’église un pigeon qui voletait continuellement sous la voûte. J’en eus compassion. Je demandai au frère convers responsable de l’église s’il pouvait le faire sortir. « Impossible, me répondit-il, quand un pigeon entre ici, il est prisonnier, volant toujours en haut pour trouver une sortie, jusqu’à la mort ! » « À la mort ? » « Va à la chapelle de droite, et regarde der­rière le tableau de Cimabue. » J’y vais et je trou­ve cinq ou six cadavres de pigeons. Je retourne vers le frère qui, avec le rire moqueur et sarcastique du personnage comique d’une tragédie, ajoute : « Quand on entre dans la sainte Église de Dieu, on ne peut en sortir que mort ! »
    Je fus frappé de terreur, comme par une parole prophétique, je le laissais et courus jusqu’à ma cham­bre, répétant : « Non ! Je ne mourrai pas com­me un pigeon ! » Je me souvins alors que j’avais une somme de trois cent mille lires données par une per­sonne amie pour aller à Lourdes. J’allai de suite à la gare et pris un billet pour la France, pas pour Lour­des, mais pour Le-Chambon-sur-Lignon ! Où était Le-Chambon-sur-Lignon ? Je ne le savais pas, et ce­la ne m’intéressait pas de le savoir à ce moment. J’étais sûr qu’il était en terre française ! Et je ne pen­sais pas rencontrer d’obstacles à la frontière.