ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisJudas |
II- Du Judas de l’histoire
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3- Du Judas compagnon au Judas traître à Jésus |
PROLOGUE INTRODUCTION REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES DU JUDAS DE L’HISTOIRE AU JUDAS DES RÉCITS - La mort tragique de Judas - Accusations réciproques - Du compagnon au traître . L’annonce et le baiser . Les disciples face aux morts . Accusations des Juifs . Le témoignage des apôtres . Le traître du témoignage . L’alibi des apôtres - Raisons et intrigues - Dans le mystère du Christ ÉPILOGUE ANNEXES . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
La justification des apôtres et leur témoignage sur JudasCette accusation avait contraint les disciples à apporter des preuves qu’ils n’avaient pas trahi leur maître, mais qu’il avait été livré par Judas. Étrange ! Ils avaient tenté de chasser Judas de leur esprit en l’excommuniant et de dissiper ainsi le soupçon qui pesait sur eux. Accusés d’être des traîtres ils durent alors, pour se défendre, tirer Judas de l’oubli, pour servir d’alibi de leur innocence ! Mais cet alibi devait être étayé sur des témoignages fondés sur des faits et non sur la parole des Écritures. Ils devaient donc retrouver la mémoire de leur l’expérience vécue avec Judas et établir avec exactitude les faits, en vue d’un témoignage historique. Cependant, plusieurs problèmes se posaient au sujet de ce témoignage. Comment pouvaient-ils se présenter en témoins crédibles de la trahison de Judas, alors qu’ils n’avaient pas eu le courage de défendre leur maître, l’abandonnant après l’avoir renié ? Quelle valeur aurait pu avoir leur témoignage, quand ils étaient accusés eux-mêmes de trahison par ceux qui en avaient été les bénéficiaires ? Ils devaient donc changer de perspective et renoncer à l’interprétation des Écritures, pour se remémorer les faits tels qu’ils les avaient perçus. L’affirmation de Luc selon laquelle les évangélistes ont rapporté ce que « les témoins oculaires » avaient transmis (Lc 1:2), donne pour acquis que les événements relatés dans leurs écrits, y compris ceux qui concernent Judas, ont été restitués à partir du témoignage apostolique. C’est le sens de l’analyse approfondie des textes que nous avons entreprise : ces informations témoignent sur Judas avec la même certitude que sur les autres événements relatifs à Jésus. Cependant une question se pose : les apôtres ont-ils rapporté les faits tels qu’ils les avaient perçus, ou les ont-ils infléchis pour les accorder avec la signification de la foi au Christ ? Même si leur propos fut de relater des faits, l’ont-ils vraiment pu ? Reprenons en pensée leur cheminement, en utilisant leur critère d’appréhension des phénomènes. Au moment où les apôtres ont été les « témoins oculaires » des faits, ils ne croyaient pas encore que Jésus était le Christ, et ils n’avaient pas perçu les signes montrant que Judas avait l’intention de trahir son maître. Mais lorsqu’ils les eurent remémorés, ils crurent que Jésus était le Christ et aussi que Judas l’avait trahi. Dans la représentation du processus de mémorisation des apôtres, on doit donc tenir compte de leur double critère de connaissance, car ils ne pouvaient retrouver la mémoire de l’expérience de Judas qu’en l’interprétant à l’aide du critère épistémologique de la foi. Rappelons les faits. Jésus annonce à ses disciples que l’un d’entre eux doit le trahir, mais il leur fait comprendre qu’il s’agit d’une trahison simulée, afin de motiver le Sanhédrin à différer le moment de son arrestation, déjà probablement fixé pour cette nuit-là. Les disciples s’étant dérobés, il désigne Judas comme traître, et lui offre, en signe d’alliance, du pain trempé dans sa coupe. Judas s’en va le trahir. Les apôtres n’ont pas, à ce moment, de raisons d’interpréter différemment les faits. Certes, Jésus est un prophète, mais sa vie est en un tel danger qu’il doit user du même stratagème que David. Quant au choix de Judas, il s’accorde à son rôle de compagnon, auquel revenaient les tâches les plus secrètes et dangereuses concernant la mission et la vie de son maître. En se remettant ces faits en mémoire, les apôtres retrouvèrent ce qu’ils avaient vécu, mais ils les appréhendèrent avec des catégories qui n’étaient pas celles de leur expérience. En effet, si Jésus était le Christ, ils ne pouvaient pas admettre qu’il se sauve par un simulacre de trahison, puisqu’en tant que Fils de Dieu, il avait la force pour résister à ses ennemis et pour éviter un piège policier. Leur certitude les obligeait à interpréter l’offre du pain trempé à Judas, comme le signe qui le désignait comme le traître. Jésus devait l’annoncer afin que les Écritures soient accomplies, car il devait pour racheter les hommes être livré aux mains des pécheurs. De même, le baiser de Judas à Jésus devint le signe de sa trahison. Les apôtres se mirent alors à parcourir les Écritures pour trouver les annonces de trahison, dans la narration de l’histoire du peuple comme dans les oracles des prophètes. Plusieurs exemples durent s’offrir à leur mémoire : Joseph, livré par ses frères (Gn 37), ou Samson par Dalila (Jg 16) ; leur attention fut surtout attirée par David, trahi par son conseiller Ahitophel lors de la révolte de son fils Absalom. Ayant conseillé à Absalom de surprendre son père avec une armée de mille hommes, Ahitophel fut trompé par Hushaï, et il mourut comme traître, en s’étranglant. (2 S 15:12 ; 17:1-15 ; 17:23). Lors de la cène, les apôtres avaient entendu Jésus nommer David et, peut-être, Judas faire allusion à Hushaï, afin de calquer sa trahison sur l’exemple de l’action périlleuse du « compagnon » de David. Alors ils n’avaient pas compris, mais par la suite ils se persuadèrent, en interprétant les faits par les Écritures, que Judas avait agi comme Ahitophel et non comme le compagnon de David. D’ailleurs il s’était pendu, comme lui, vengeur de son propre crime. Les apôtres découvrirent aussi que David parlait dans un psaume d’une trahison, qu’il avait lui-même subie : « Celui-là même avec qui j’étais en paix, qui avait ma confiance, et qui mangeait mon pain, lève le talon contre moi » (Ps 41:10). Mais étant à la fois « figure » et prophète du Christ, il annonçait un événement christique accompli par lui-même comme parabole du Christ. Les apôtres comprirent alors qu’il s’agissait de la trahison d’Ahitophel, lors de la révolte d’Absalom, que David avait subie comme figure du Christ. Rappelons que la Bible annonce le Christ par les oracles des prophètes et en paraboles, à travers les récits de l’histoire du peuple d’Israël. De même que, selon les évangiles, Jésus a connu la trahison de Judas grâce aux paroles du psaume, les apôtres prirent ce psaume pour modèle de leur témoignage, puisque la figure du Judas des récits évangéliques puise son inspiration dans une profonde analogie avec celle du traître du psaume. Judas avait en effet toujours vécu en paix avec Jésus, au point de le servir même quand son maître était contumace. Il était resté l’homme de confiance, son compagnon véritable à qui Jésus confiait ses actions les plus secrètes et les plus personnelles. Et quand il s’en fut le trahir, n’avait-il pas pris le pain que Jésus lui avait offert après l’avoir trempé dans sa coupe ? En ce moment-là n’avait-il pas « levé le talon contre lui », en allant le livrer au lieu d’acheter des choses nécessaires à la fête ? (Jn 13:29). |
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t623400 : 12/12/2017