ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Judas




II- Du Judas de l’histoire
au Judas des récits




5- Judas dans le mystère du Christ



PROLOGUE

INTRODUCTION

REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES

DU JUDAS DE L’HIS­TOIRE AU JUDAS DES RÉCITS
- La mort tragique de Judas
- Accusations réciproques
- Du compagnon au traître
- Raisons et intrigues
- Dans le mystère du Christ
  . La tentation d’Adam
  . La tentation de Jésus
  . Jésus, envoyé de Dieu
  . Judas, pour le croyant

ÉPILOGUE

ANNEXES


. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

Judas, et son rôle dans la conscience du croyant


   Des interprétations qui précèdent, il résulte que l’événement christique du salut des évangiles est conçu comme la reprise du drame du premier homme du récit biblique amené à une fin heureuse. Ce drame n’était pas, à proprement parler, tragique, car la mort, qui avait brisé l’existence du premier homme, n’était pas irrévocable. Fermée devant la justice de Dieu, l’existence de l’homme était toujours ouverte à sa miséricorde. Adam pouvait encore espérer se sauver, non par lui-même mais par une intervention divine qui aurait révoqué la condamnation.
   Cette révocation vint par la naissance comme homme du fils de Dieu. Son exploit de salut suit une trajectoire inverse de celle tracée par Adam. Celui-ci, existant comme homme, se croit être égal à Dieu, passant outre à son commandement concernant le fruit de la connaissance du bien et du mal. Ainsi, l’homme s’érige en Dieu en cédant à la tentation de Satan, mais il est condamné à une mort qui le fera retourner au néant d’avant sa création. Au contraire le Fils de Dieu, devenant homme par sa naissance d’une femme, fait sacrifice de la divinité qui le faisait l’égal de Dieu pour ne vivre que comme homme, jusqu’à subir la mort à laquelle Adam était condamné mais qui lui donne droit à la résurrection. Sa mort n’était donc qu’un sacrifice pour racheter l’homme du péché et de la mort. L’existence de l’homme se trouve située sur le chemin d’une vie éternelle, par grâce.

   Alors que Jésus-Christ se livre lui-même en sacrifice pour le péché de l’homme, Judas est l’homme qui le livre comme pécheur, afin d’annuler la valeur rédemptrice de sa mort. En effet, pour qu’une mort puisse être le prix du rachat d’un condamné à mort, il faut qu’elle ne puisse pas être fruit du péché.
   Par sa trahison, Judas manifeste qu’il s’estime, comme le premier Adam, l’égal de Dieu et que, loin de se considérer comme un pécheur, il estime pécheur celui qui déclare avoir reçu une fonction rédemptrice, le Christ. On peut donc l’appeler « nouvel Adam », comme Paul appelle le Christ, mais dans un sens opposé, car alors que le Christ joue un rôle de premier homme en vue du salut, Judas le représente au niveau d’un péché accru et mené à son comble : non seulement il a péché comme Adam en s’estimant être égal à Dieu, mais il va jusqu’à livrer au jugement celui qui libère l’homme du péché, en l’accusant de se croire égal à Dieu.
   Judas ne pouvait pas échapper à une condamnation ultérieure et définitive de la part de Dieu. Si l’existence d’Adam restait ouverte à la miséricorde de Dieu, celle de Judas se fermait devant la justice et la miséricorde, puisqu’il niait la possibilité de toute miséricorde en ne reconnaissant pas le péché. Cela nous permet de comprendre les malédictions qui pèsent sur Judas, ainsi que l’absence de toute compréhension ou excuse de son péché, ou de circonstances atténuantes dans sa condamnation. Il est condamné à la mort éternelle, en d’autres termes à la mort dans la mort, à la mort sans résurrection.

   Le drame christologique n’est rapporté par les évangiles que comme objet de foi et il se rapporte moins à des événements historiques qu’à des significations existentielles de ces événements concernant les valeurs qui reviennent à l’homme de sa finalité. La foi n’implique pas seulement la connaissance de ces valeurs, mais leur expérience intérieure ; elles sont donc connues et vécues, en sorte que les personnages du drame vivent à l’intérieur de la conscience.
   Les croyants chargent Jésus-Christ de ce qu’ils croient être l’aliénation fondamentale, à savoir de se considérer comme autonomes dans leur propre conscience de vie, maîtres comme des dieux Se déchargeant dans le Christ, leur conscience aliénante meurt en lui, se libérant du péché et de la mort. L’action du drame passe donc dans l’intériorité des croyants, la foi devenant une expérience du mystère.
   Quant à Judas, il joue un rôle analogue. Car qui est Judas sans ce mystère, sinon le surgissement de l’homme qui se pose en Dieu contre toute parole de salut, qui le voudrait pécheur et le condamne à la mort ? Or le croyant, quoiqu’il ait chargé le Christ de son péché originel, demeure sous son influence par la tentation de Satan qui le pousse à méconnaître le Christ. Il demeure donc un Judas possible. La foi au Christ l’oblige à charger Judas de toute tentation d’autonomie et d’incrédulité, et à refouler Judas loin de lui. Judas devient un bouc émissaire. Il ne rachète pas le péché, mais il porte le péché commis, ou la tentation du péché, pour l’amener à celui qui en est l’auteur, Satan, au désert c’est à dire dans la zone du refoulé de la conscience.



juillet 1987




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