ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisDe la naissance de Jésus-Christ
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Les noms de Jésus |
D’où vient le nom de Jésus ? |
Sommaire Avertissement Introduction La naissance chez Paul L’évangile de Marc Matthieu : naissance du roi des juifs Luc : naissance du fils de Dieu La naissance du héros Jean : le samaritain Marie Joseph Les noms de Jésus - L’enfant sauvé par Yahvé - D’où vient ce nom ? - Champ sémantique et référentiel L’évangile de Thomas Témoignages des juifs Jésus . . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . . |
Si, au sein d’un ménage légitime, le nom était déterminé par la mère ou par le père, il n’en était pas de même dans le cas d’une naissance illégitime. En effet, étant fruit du péché, l’enfant naissait mort au regard de la Loi, sans aucun droit à l’existence. Il n’était qu’un sujet humain dépourvu de la dignité de personne. Sa mère devait l’exposer, comme pour le vouer – par la faim et la soif, par le froid et la chaleur, par les bêtes féroces – à une mort dont il ne pourrait être libéré que par la grâce de Dieu. On reconnaissait le signe de cette grâce au fait qu’il fut trouvé : Dieu lui avait ainsi épargné la mort à laquelle sa mère l’avait exposé. C’est en reconnaissance de ce signe que la piété poussait les gens à accueillir l’enfant, et aussi souvent à l’adopter. L’enfant naissait donc à nouveau en passant par l’épreuve du non-être. Un nom lui était donné à la suite de cette deuxième naissance, nom qui exprimait l’étonnement et la crainte face à cette manifestation de la grande miséricorde de Dieu pour la vie, ou à cette énigme de sa volonté. En italien les noms qui – à l’origine – se rapportaient à des bâtards traduisent ce fait : Proietti (rejeté), Esposito (exposé), Trovatelli (trouvé), Salvati (sauvé), Innocenti (innocent). Ainsi le nom lui était donné par celui qui l’avait trouvé ou adopté, ou par la nourrice qui se chargeait de lui. Le premier texte concernant le nom de Jésus est de Matthieu : « Elle enfantera un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus : c’est lui qui sauvera le peuple de ses péchés » (Mt 1:21). On notera que ce texte se laisse facilement comprendre comme une interprétation christologique d’une naissance bâtarde. Marie, la mère, demeure à l’arrière-plan du récit, plutôt objet que sujet. Elle est la femme enceinte qui accouche, vue par l’homme qui doit justifier son péché et légitimer l’enfant. Cet homme, Joseph, se trouve cependant hors de lui-même, en état de rêve : il ne fait qu’écouter la parole de l’ange qui lui annonce la grâce pour le fils de l’adultère. Cette grâce doit s’accomplir par la légitimation au moyen du nom : « Tu lui donneras le nom de Jésus ». C’est le mari qui impose le nom et non la mère qui doit, elle, être justifiée par son fils. Or le nom de « Jésus », par sa racine « Ischa », signifie « sauvé », ou « Yahvé sauve » ; Jésus serait donc dans le récit un enfant « sauvé » par l’adoption de Joseph. Mais dans l’explicitation du nom, l’évangéliste passe du passif à l’actif : Jésus est le « sauveur ». Le fait « d’être sauvé » du péché de la mère, propre au bâtard, est sublimé dans l’action de « sauver », propre au Christ. L’interprétation allégorique donne au mot un sens spirituel, christologique, sans cependant renier totalement le sens littéral, adhérant ainsi à la condition réelle du nouveau-né. Le deuxième texte est de Luc : « Voici que tu concevras et enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus » (Lc 1:31). C’est toujours un ange qui parle, mais cette fois il s’adresse à la mère, c’est un renversement par rapport à Matthieu. L’interprétation christologique parvient ici à empêcher que le péché ne retombe sur l’enfant, par une purification préventive de la mère : l’enfant lui apparaît avant qu’elle l’ait conçu et afin qu’elle le conçoive. Marie n’est plus une femme trouvée enceinte, mais mise enceinte par Dieu. L’enfant n’a pas besoin d’être légitimé ni d’être purifié, il est légitime et pur, « saint » dès sa conception. Toute possibilité de prétention de l’homme envers la mère est supprimée, puisque la mère est l’unique responsable de l’enfant ! C’est elle qui le conçoit et l’engendre, c’est elle qui lui donne un nom, c’est elle qui l’insère dans une généalogie de David. Jésus est un « fils de femme », au sens total et parfait du mot. Le nom de Jésus apparaît dans le récit de Luc comme l’expression de la joie de Marie le mettant au monde, joie qui éclate dans l’hymne du Magnificat. Mais en-deçà de cette interprétation, le sens original et littéral du nom de « Jésus » demeure : bien que la grâce soit préventive, Jésus reste un enfant « sauvé », et il est sauvé parce que Dieu a jeté un regard de miséricorde sur la bassesse de sa servante, qui était sa mère (Lc 1:48). Toute cette construction théologique n’a été rendue possible que par le refoulement d’une réalité douloureuse et tragique. Le fait même que Jésus soit un fils de Dieu au sens absolu, fils d’une vierge « qui ne connaît pas d’homme » (andramari) le situe, au niveau de l’expérience humaine, comme un authentique fils de prostitution. |
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t792000 : 23/12/2017