« SUITE »
Notre compréhension
a-t-elle progressé ?
Thibaud pose des questions essentielles : ces émissions ont-elles «
fait progresser notre compréhension du héros des évangiles ? » ; en particulier, savons-nous mieux si
Jésus a «
lui-même engagé dans sa vie publique le dépassement de la Loi [judaïque]
et la subversion du judéo-centrisme que les chrétiens y ont vu par la suite ? ». Cependant, le « nous » employé ici par
Thibaud semble désigner le petit nombre de personnes qui, comme lui, connaissaient déjà fort bien ces problèmes, car sa réponse est négative.
Pour ma part, malgré certaines interrogations (que je détaillerai dans la
Troisième partie), je pense que le documentaire, pris dans son ensemble, est de très grande valeur car nombreux sont ceux qui n’avaient auparavant presque aucune connaissance de ces questions. Pour tous ceux-ci, non seulement leur savoir s’est accru mais ils ont aussi pris connaissance des méthodes avec lesquelles les spécialistes travaillent. En effet comme le dit
Prieur, «
le texte est tellement subtil, malin, qu’il nous prend au piège... il combine des époques, des visées, des niveaux différents » et par conséquent «
c’est ça qu’il faut démonter » (
Le Monde, 23-24/3/97).
Alain Rémond s’exclame : «
C’est tout un monde qu’on voit s’ouvrir, un monde fascinant, comme redécouvert après des siècles de gloses et d’interprétations ». De même «
l’une des hypothèses évoquées [dans la deuxième partie]
fait particulièrement la lumière dans nos esprits obscurcis par des tonnes de catéchèse » remarquent
Poncet et
Potel (
Libération, 26/3/97). Ainsi, pour beaucoup il s’agit là d’une découverte extraordinaire !
On est bien loin du commentaire égocentrique de
Thibaud (quelque peu méprisant à l’égard des deux réalisateurs, qui se présentent eux-mêmes comme « écrivains-cinéastes ») : «
Il y a un plaisir libératoire à voir ébranler les représentations établies ... mais nos deux téléastes [sic]
ont-ils fait plus que secouer notre routinière mémoire ? ». Pour
Témoignage Chrétien, bien au contraire, «
" Érudit " est l’un des tous premiers qualificatifs qui viennent à l’esprit pour qui aborde Corpus Christi » (21/3/97). Ayant vu et revu
Corpus Christi, l’ayant étudié longuement, je n’ai pas encore le sentiment que tout ce qu’il apporte est déjà dans ma «
routinière mémoire ». Pourquoi
Thibaud fait-il comme si tout cela était déjà archi connu ?
De manière encore plus surprenante mais significative, M
gr Defois, archevêque de R
eims, a déclaré que «
rien n’est absolument neuf » dans
Corpus Christi (deuxième partie de l’émission
Arrêt sur Images, le 30/3/97). Depuis combien de temps les autorités catholiques, si bien renseignées sur tous ces problèmes, stigmatisaient-elles publiquement les D
uquesne et les S
corsese, tout en préparant le tournant actuel qui leur donne rétrospectivement raison ? Malheureux, les catholiques qui ne sauront pas prendre ce tournant assez vite ! L’exégète S
imon Legasse évoque à leur propos «
quelques réactions étonnées, voire effarouchées, de la part de croyants et de pratiquants qui, habitués à entendre les récits de la Passion dans les églises, s’inquiètent quand on leur révèle quelques évidences... L’accoutumance n’est pas toujours bonne conseillère » (
La Croix, 12/4/97). Mais enfin, qui a « accoutumé » ces croyants et ces pratiquants ? Par qui donc étaient-ils lus dans les églises, ces récits de la Passion ? Qui donc, il y a peu de temps encore, défendait leur vérité littérale comme article de foi ?