ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Au risque de croire





Itinérance, une quête du sens :
Dieu contesté par Job


Sommaire

Préface
Quittez un monde bon
Vivre la foi dans le siècle

Présence de l’Église au monde

Église en dialogue avec le monde

Itinérance : une quête du sens
- Servitude et libération
- Dieu contesté par Job
  . Introduction
  . Le "Pourquoi ?" de Job
  . Le Dieu des "amis"
  . Job et la "mort de Dieu"
    - Seule la douleur
    - Quel Dieu ?
    - Job, croyant areligieux
    - Le Goël vivant
    - Dieu est mort
  . Dieu... au-delà de Dieu

Croire au-delà des perplexités

En écoutant l’Alléluiah d’Hændel




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Job et la « mort de Dieu » :
Dieu est mort


   Où donc est la sagesse ? Est-ce celle des scribes et des « amis » de Job, dépositaires de la doctrine pure et orthodoxe qui établit que le malheur de l’homme s’explique par sa culpabilité envers Dieu ? Alors, pourquoi les méchants ne sont-ils pas inquiétés et prospèrent-ils (Jb 21:7) (1) ? Pourquoi la « verge de Dieu » les épargne-t-elle (Jb 21:9) ? Les faits contredisent cette doctrine religieuse. Si Job avait été injuste et impie, il aurait dû être heureux et réussir dans la vie. Au contraire, il est malheureux et torturé. La réalité de l’existence de Job condamne l’illusion de l’orthodoxie religieuse, qui bâtit des systèmes dans lesquels elle enferme les hommes, sans se soucier du démenti du réel. Irréalisme des scribes, des « bien-pensants » de toutes les Églises qui affirment, comme au temps de Galilée, que la terre est immobile parce que la tradition l’a toujours affirmé (2), et qui refusent de « regarder dans la lunette » pour s’apercevoir très simplement que la terre tourne !
   Aussi Job possède-t-il seul la sagesse véritable et s’oppose-t-il à la fausse sagesse et au dogmatisme des mauvais théologiens sans âme. Le dernier mot reste à Job, à sa question existentielle qui ne souffre pas de réponse de catéchisme mais qui demeure ouverte, lancinante, lourde de son poids de réel, de chair et de sang : pourquoi Job est-il malheureux ? Le Dieu tout-puissant avec son jugement de culpabilité n’est pas la bonne réponse ; la peur du châtiment de Dieu n’est pas le commencement de la sagesse de l’homme ni sa possibilité de conversion, de renouvellement ou de résurrection de son humanité. Désormais, ce Dieu tout-puissant demeure comme un pantin inutile, un Dieu mort. « Que signifient donc vos vaines consolations ? Et quelle tromperie dans vos réponses ! » (Jb 21:34).
   Ainsi, Job pourrait entrer en contestation avec Dieu, le convoquer au procès : « S’il savait, en effet, comment l’atteindre, parvenir jusqu’à sa demeure » (Jb 23:3), la cause de l’homme serait entendue ; sa parole serait irrésistible, porteuse d’une évidence telle que son adversaire serait contraint de l’écouter. « Jetterait-il toute sa force dans ce débat avec moi ? Non, il n’aurait qu’à m’écouter. Il reconnaîtrait dans son adversaire un homme droit, et je ferais triompher ma cause » (Jb 23:6).

   Mais où est ce Dieu ? C’est le vide partout, l’absence terrifiante du Dieu Shaddaï, trônant tellement haut que cette divinité n’a plus aucun sens pour l’homme ; et le vide crée l’effroi : « Devant lui, je suis terrifié ; plus j’y songe, plus il me fait peur. Dieu a brisé mon courage, Shaddaï m’a rempli d’effroi » (Jb 23:15-16). Vertige et paralysie saisissent l’homme courbé sous son destin comme sous un fatum obsédant. « Mais lui décide, qui le fera changer ? Ce qu’il a projeté, il l’accomplit. Il exécutera donc ma sentence, comme tant d’autres de ses décrets » (Jb 23:13-14). Le poème devient ici une antiphrase du psaume 139 : « Si je vais à l’Orient, il est absent ; vers l’Occident, je ne l’aperçois pas ; quand je le cherche au Nord, il n’est pas discernable ; il reste invisible si je me tourne au midi » (Jb 23:8-9).
   Il est aussi un Dieu sourd. « Des villes, on entend gémir les mourants, les blessés, dans un souffle, crier à l’aide. Et Dieu reste sourd à la plainte » (Jb 24:12) – « Je crie vers toi, et tu ne réponds pas ; je me présente, et tu restes distrait » (Jb 30:20). Sourd, aussi, face à l’oppression sociale des pauvres, des prolétaire indigents, par les puissants (Jb 24:2-12). Soudain, Job devient le type de tous les opprimés, de tous les exploités, de tous les pauvres du monde : ceux qui ont faim ou soif, qui sont nus, blessés ou mourant.
   Un Dieu absent et sourd, quand bien même serait-il tout-puissant, est une divinité impotente, inexistante, qui abandonne l’homme à sa condition inhumaine ou qui, le maintenant dans la crainte religieuse, paralyse ses possibilités de libération. Ce Shaddaï tout-puissant n’est plus qu’une illusion, un mirage ou un opium. Dans le monde, l’homme livre un combat solitaire : « N’en est-il pas ainsi ? Qui me convaincra de mensonge et réduira mes paroles à néant ? » (Jb 24:25).

   Dieu est mort dans le vide de cette absence et sa surdité devant le cri des hommes souffrants, exploités, maltraités ! Ce procès de Job en quête d’un interlocuteur valable n’est-il pas lui-même une chimère, une fausse question ? Job n’a, cependant, à rougir de rien : il est à présent sujet conscient, assuré de son innocence. Telle est la seule question véritable : « Oh ! qui fera donc que Dieu m’écoute ? J’ai dit mon dernier mot : à Shaddaï de me répondre ! Le libelle qu’aura rédigé mon adversaire, je veux le porter sur mon épaule, le ceindre comme un diadème. Je lui rendrai compte de tous mes pas et je m’avancerai vers lui comme un prince » (Jb 31:35-37).

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(1) Voir Jr 12:1-2 ; Ps 73 ; Ml 3:15.   Retour au texte

(2) Voir Jb 25.   Retour au texte



juin 1971




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