Sommaire
Parole de Dieu et recherche historique
Méthode d’approche référentielle
Discours religieux et analyse référentielle
Croire et penser
Esquisse d’un portrait de Jésus
- Objectifs de l’ouvrage
- La méthode
- Quelques traits de Jésus
. Le bâtard
. La vocation prophétique
- La crise
- La vocation
- Dans le désert
- L’époux et les amis
- Le message
. La décision politique
. La Pâque
. La mort
Les évangiles, tombeau de Jésus
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Le message prophétique de Jésus
Le message prophétique de Jésus est à la fois la reprise et l’actualisation de ceux d’Osée et de Malachie, et la traduction en paroles et en actes de la parabole prophétique que Jésus a voulu exprimer dans sa personne en se présentant comme époux de la nouvelle alliance.
Nous pouvons connaître avec plus de précision l’essence de ce message si nous nous rapportons au conflit qui opposa Jésus à son maître Jean Baptiste. Goguel a eu le mérite d’approfondir exégétiquement ce conflit ; pour ma part je le comprend en me référant aux deux passages de Malachie concernant la venue du Seigneur, le premier chez le prophète lui-même, le second dans une apostille apocryphe (Ml 3:1-4 ; Ml 3:23 ou 4:5).
Selon le premier, le Seigneur enverra son messager (ange-Malachie) avant sa venue, et lorsqu’il sera entré dans le temple et aura purifié par le feu les fils de Lévi, l’ange de l’alliance viendra à son tour. Selon le second, le messager qui précèdera sa venue n’est autre que le prophète Élie, dont le rôle est de « ramener le cœur des pères à leurs enfants » (Ml 3:24 ou 4:6), de peur que Dieu ne vienne frapper le pays d’interdit.
Je suis persuadé que Jean s’était reconnu lui-même dans le prophète que Dieu a promis d’envoyer pour préparer sa venue, alors que Jésus s’était compris dans le rôle du messager (Malachie) de l’alliance, envoyé le jour de la purification des fils de Lévi. C’est en effet par rapport à la purification par le feu que prend sens le « baptême de feu » que Jésus opposait au baptême d’eau de Jean dans lequel il avait manifesté le désir d’être lui-aussi baptisé (Lc 12:50). Jean et Jésus se considéraient donc tous deux comme envoyés pour préparer la venue du Seigneur mais, tandis que le premier espérait éviter, par son baptême d’eau, le jugement de Dieu sur les sacrificateurs du temple, Jésus croyait être appelé en fonction de ce jugement, d’où la différence profonde de leurs messages. C’est à juste titre que l’historien Josèphe avait vu dans le baptême et dans la prédication de Jean la fonction de réconciliation.
Toute la prédication de Jésus a été marquée par l’annonce de la condamnation du judaïsme : les expressions « race de vipères » (Mt 13:24 ; 23:33) et « génération adultère et méchante » (Mt 16:4) ne reviennent pas à Jean mais à Jésus. Jésus lance son anathème contre les scribes et les pharisiens, les idéologues du judaïsme, mais aussi contre la tradition judaïque et la loi, sinon dans tous leurs commandements mais dans l’esprit qui les avait dictés.
Son opposition est radicale : il s’agit pour lui d’une tradition et d’une loi qui ont renversé l’esprit de l’alliance première de Dieu, qui n’a pu s’exprimer qu’en tenant compte de la volonté des hommes (Mt 19:7). La loi mosaïque est en effet un renversement de la loi de Dieu, et Jésus entend ramener cette loi de l’Exode à la Genèse, car il abandonne le Dieu de la loi pour celui de la création : retour du Dieu père d’Abraham et Isaac et conditionné au judaïsme au Dieu père de tout être créé. Dans son message il y a une nouvelle révélation de Dieu, comme une nouvelle image de l’homme.
Le royaume de Dieu exprime l’ordre nouveau entre les hommes, dans la reconnaissance de Dieu comme père. Les hommes doivent se comporter entre eux comme Dieu se comporte avec eux : en frères, comme Dieu en père. Il y a un nouveau Dieu parce qu’il existe une nouvelle alliance, un nouveau mariage, scellé par l’amour. Alors que Jean prêche un baptême de repentance pour la réconciliation entre sa génération et les pères, Jésus prêche une nouvelle génération, une génération des fils que Dieu suscite de cette terre d’Israël devenue sol désert et pierreux, une génération d’un père qui a noué un nouveau mariage avec une prostituée qui s’est pleinement convertie à l’amour. Dieu a opéré le miracle qu’une prostituée et adultère aime à jamais l’homme qu’il touche.
C’est pourquoi Jésus ne s’est pas senti appelé à apporter, comme Jean, la paix, mais l’épée, non à concilier les enfants et leur père, mais à les séparer : dans le sillage du message d’Osée, il appelle les enfants d’Israël à plaider contre leur mère.
Et alors qu’il lance des anathèmes contre les tenants du pouvoir religieux, il parle en paraboles au peuple, afin qu’il apprenne par la persuasion des images et des exemples. La parabole adhère à la matière du message, parce que celui-ci est la perfection de l’ordre de la création. L’amour des pères pour leurs enfants, même rebelles, l’amour de chacun vis-à-vis de l’autre comme un frère, les relations entre les hommes sont mesurées par le comportement réciproque, et non plus par la médiation du sacrifice d’animaux mais par le culte de la miséricorde, de l’amour, de la fidélité, dans la foi au Dieu fidèle à sa création.
Toute la prédication de Jésus se résume dans la parabole du banquet des noces, parabole qu’il a exprimée par son mariage avec Marie.
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