ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


L’écriture  des  évangiles




Le tournant historique de l’Église :

La crise de civilisation




Sommaire

Introduction

La foi en Jésus-Christ

Mort et résurrection

Refoulement et sublimation de Jésus

Tournant historique de l’Église
- Crise de civilisation
   . La crise romaine
   . La tragédie juive
   . La crise de l’Église
- La destruction du
   temple
- Du kérygmatique au
   narratif

Naissance de l’anti évangile

De l’Évangile aux évangiles

Structure de l’anti évangile

Structure des évangiles

Le Jésus de l’histoire

Genre littéraire et genre référentiel



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La crise romaine


   Liée à la personne de Néron, la crise éclata de façon tragique à la suite de sa mort. Peut-être nous est-il difficile de comprendre aujourd’hui l’influence que le jeune empereur exerça dans la conscience populaire.
   On ne le connaît que par ses crimes, et par la folie d’une jeunesse à laquelle le pouvoir impérial semblait ôter toute limite. Mais son attrait sur les foules, le charme de son déguisement en poète, la suggestion émanant de son appartenance à la famille des Augustes nous échappent. Le peuple vit en lui l’accomplissement de l’âge d’or chanté par Virgile, temps de conciliation et de paix, de bonheur et de réjouissance. La première période de son gouvernement semblait correspondre à cette vision idyllique, mais on s’aperçut bientôt que sous le déguisement du jeune chanteur et poète couronné de lauriers se cachait un fauve assoiffé de sang. Les crimes succédaient aux crimes, n’épargnant personne : le patriarcat et le peuple, les amis et les serfs, ses épouses et sa mère elle-même.
   Rome ne prit conscience de ce qu’était Néron qu’à sa mort. Délivrée du « monstre », elle chancela cependant puisque le pilier qui soutenait l’empire – la dynastie des Césars – venait de se briser, puisque Néron fut le dernier de la famille d’Auguste. Le pouvoir impérial devint la pomme de convoitise et de discorde des légions qui défendaient l’empire contre les barbares. Déjà Néron fut tué à la suite de la révolte de Galba, général des armées d’Espagne. Mais Galba succomba dans la mutinerie de ses propres légionnaires, qui l’assassinèrent pour élire Othon. Celui-ci se donna la mort à la suite de sa défaite face aux troupes de Vitellius.

   Rome fut ainsi à plusieurs reprises conquise par ses propres armées, théâtre de guerres fratricides, lieu où furent réglées par le sang les vengeances des factions et des clans. Elle subissait des mains de ses propres citoyens la situation de siège et de pillage à laquelle elle avait soumis les villes de son immense empire.
   La crainte et la stupeur s’emparèrent de tous, peuple dominateur et peuples dominés. On s’interrogea sur la fin de l’empire : Celui-ci n’avait-il pas été fondé sur l’origine divine de la dynastie de César ? N’avait-on pas reconnu dans la principauté d’Auguste l’éclosion d’une ère nouvelle, le retour de l’âge d’or par l’accomplissement du cycle millénaire ? Auguste lui-même n’avait-il pas créé dans toutes les provinces le culte de sa personne et de Rome ? N’avait-il pas ordonné à Virgile de composer une nouvelle épopée sur l’héroïsme des Césars ? Or, par la mort du dernier des Augustes, cet univers paraissait s’écrouler. La pax romana voulue par les dieux ne trouvait plus sur terre le « seigneur », le « sauveur », le « prince » digne d’elle, mais de vulgaires militaires, de vils tyrans, des hommes honteux.

   Dès lors l’image de Néron surgit des consciences angoissées comme un spectre du tombeau. Pour beaucoup, il avait été l’empereur « immolé » par la convoitise du pouvoir ; pour d’autres, il « ressuscita » – et les Parthes le crurent – envoyé par les divins Césars pour régir à nouveau le destin de l’empire. On attendait son apparition et il y eut des gens qui le virent effectivement, comme d’autres qui proclamèrent être le ressuscité lui-même. Ainsi la conscience politique de l’empire sombra-t-elle dans l’imaginaire comme dans un cauchemar, ce qui donnait le pressentiment d’une fin catastrophique, par l’arrêt du vouloir des dieux.

   Or cette crise éclata précisément dans la période entre la fin de la guerre de Judée et le début du siège de Jérusalem. L’interrogation sur le futur de l’empire mettait ainsi en suspens la destinée de la ville sainte, et on pouvait aussi affirmer que les deux villes – Rome et Jérusalem – étaient associées par le même destin à une situation de pillage, d’encerclement et de ruine. Elles s’érigeaient comme signe d’un jugement de Dieu sur le monde.



c 1980




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tg04110 : 01/03/2021