ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


L’écriture  des  évangiles




Le tournant historique de l’Église :

La crise de civilisation




Sommaire

Introduction

La foi en Jésus-Christ

Mort et résurrection

Refoulement et sublimation de Jésus

Tournant historique de l’Église
- Crise de civilisation
   . La crise romaine
   . La tragédie juive
   . La crise de l’Église
- La destruction du
   temple
- Du kérygmatique au
   narratif

Naissance de l’anti évangile

De l’Évangile aux évangiles

Structure de l’anti évangile

Structure des évangiles

Le Jésus de l’histoire

Genre littéraire et genre référentiel



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La tragédie juive


   La tragédie que subissait le peuple juif n’était pas tout à fait indépendante de la crise de l’empire. La guerre de Judée, en effet, avait été ordonnée par Néron lui-même, à la suite d’une révolte du peuple contre les prétentions et les abus du pouvoir qui, quoique relevant du procurateur Florus, n’étaient pas étrangers aux intentions de l’empereur lui-même.

   Entre Rome et le judaïsme avait toujours existé un différend que la mystique de l’empire, par la proclamation du culte de l’empereur, avait transformé en un brasier aux conséquences tragiques. Comme tout peuple soumis à l’empire, les juifs se réjouissaient de la liberté religieuse. Mais il s’agissait d’une liberté qui concernait le culte comme mystère, et non comme acte politique. Le pouvoir politique de Dieu ne pouvait être célébré que par le culte rendu à l’empereur, qui était la personne à laquelle les dieux avaient confié le destin des peuples.
   Le conflit entre les peuples juif et romain surgissait de ce que le premier voyait dans la prétention romaine la négation de Yahvé lui-même, tandis que le second interprétait le refus de ce culte comme un acte larvé et potentiel de révolte contre l’empire. Ils avaient tous deux raison, c’est pourquoi leur relation restait toujours dans une tension tragique !

   Lorsque Florus mit la main sur les deniers du temple et s’opposa à la résistance du peuple avec une telle brutalité qu’il en résulta un massacre, il demeurait fidèle à une tactique qui provoquait afin de justifier la répression, dans le but de faire fléchir les juifs dans leur refus de reconnaître la divinité de l’empereur. Sans doute pensait-il qu’il disposait de forces suffisantes pour briser toute velléité de révolte, si même il croyait qu’elle était possible. Or le petit peuple se révolta, et d’une façon si brusque et si violente qu’elle mit en échec la garnison romaine de Jérusalem en la vouant à l’interdit.

   Aujourd’hui encore on se demande comment la faction des zélotes fut aveugle au point de ne pas comprendre que cette révolte ne pouvait pas ne pas mener à la catastrophe et donc à la ruine du peuple. D’autant plus qu’il y eut des sages qui prirent une conscience politique des faits, les uns cherchant un compromis avec la puissance romaine, les autres – comme l’Église de Jérusalem – se mettant à l’écart.
   Mais en dépit de leur valeur et de leur courage, et même de leur visée nationaliste, les zélotes n’étaient pas des hommes politiques. Ils ne se lancèrent pas dans l’entreprise par une analyse politique de la situation, mais par une illumination religieuse dans laquelle ils prirent conscience de l’impossible tragique de toute solution de compromis. À leurs yeux, les partis qui étaient au pouvoir trahissaient l’attente messianique, puisqu’ils ne pouvaient garder leurs charges et leurs honneurs qu’en collaborant avec l’occupant pour soumettre le peuple à son pouvoir. Quant aux tendances apocalyptiques, elles restaient étrangères et passives face au danger imminent, marquant ainsi leur résignation et leur échec.
   Les zélotes crurent s’inscrire dans le courant messianique le plus respectueux du Dieu qui avait donné naissance au peuple.
   Le passage des Nombres dont ils s’inspirèrent montre que leur messianisme se nourrissait des textes héroïques qui marquèrent l’origine du peuple. Il s’agissait de l’oracle de l’étoile de Juda, que le prophète de Balaam avait prononcé pour le peuple juif en lutte pour la conquête de la terre qui lui avait été promise. Peut-être qu’en lisant leur temps à la lumière de cet oracle ils y trouvèrent des signes qui en indiquaient l’accomplissement et les mettaient dans l’obligation de s’engager : la guerre des Parthes contre Rome, la conduite criminelle de Néron, mais surtout la prise de conscience qu’il était le dernier des Césars donnaient à croire qu’on était parvenus à la fin de l’empire. Cette conviction dût être confirmée par la crise que traversa l’empire à la suite de la mort de Néron. Encerclés dans la ville par l’armée de Titus, ils durent penser que Rome aussi subissait le même siège et le même pillage que Jérusalem : il était nécessaire de résister jusqu’au moment où les romains eux-mêmes auraient détruit leur ville et, par elle, leur empire.

   Cette attente eschatologique et politique fut peut-être à l’origine des luttes intestines entre les factions rivales. En apparaissant au temple comme grand-pontife et roi, Manahem crut sans doute que la royauté messianique lui avait été donnée, en le tuant Éléazar voulut sauvegarder l’origine divine de la royauté davidique.



c 1980




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tg04120 : 01/03/2021