ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


L’écriture  des  évangiles




Le tournant historique de l’Église :

Le signe de la destruction du temple




Sommaire

Introduction

La foi en Jésus-Christ

Mort et résurrection

Refoulement et sublimation de Jésus

Tournant historique de l’Église
- Crise de civilisation
- La destruction du
   temple

   . Interprétations
     romaines
   . Interprétations juives
   . Réaction de l’Église
       - L’Église de Jérusalem
       - L’Église des Gentils
- Du kérygmatique au
   narratif

Naissance de l’anti évangile

De l’Évangile aux évangiles

Structure de l’anti évangile

Structure des évangiles

Le Jésus de l’histoire

Genre littéraire et genre référentiel



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La réaction de l’Église :
l’Église de Jérusalem


   En ce qui concerne la communauté de Jérusalem, elle avait quitté la ville bien avant le siège, se refusant à être entraînée dans les conséquences tragiques de la résistance.
   Par un compromis qui nous échappe encore dans ses détails elle avait réussi, dans un premier temps, à se maintenir en équilibre entre les synagogues et les Églises grecques. Mais l’exigence d’autonomie et de rupture de celles-ci à l’encontre du judaïsme l’obligea sinon à se séparer d’elles, du moins à se détacher de Paul, premier responsable à ses yeux de leur antijudaïsme. L’insurrection les mettait maintenant en conflit aussi avec celui-ci : il était plus facile à l’orthodoxie juive d’accepter la cohabitation avec une secte qui croyait que la venue du Christ s’était accomplie, qu’à l’Église de reconnaître l’existence d’une autre secte qui prétendait accomplir l’ère messianique. Christianisme judaïsant et zélotisme étaient irréductibles, le départ de la ville évita donc l’éclatement d’un conflit qui aurait sans doute été tragique pour l’Église.
   Pour peu que nous parvenions à nous faire une idée de sa christologie, tout nous oblige à penser qu’elle ne pouvait pas accepter un engagement politique et militaire de ses croyants, même conçu en vue du retour du Christ, car d’une part ce retour ne revenait qu’à la volonté de Dieu, et d’autre part tout engagement armé contre les puissances aurait diminué le pouvoir du Christ lui-même.

   Mais peut-on connaître l’interprétation que cette Église donna à la destruction du temple ? À mon avis, elle se trouve reflétée dans l’Apocalypse, si toutefois celle-ci s’inscrit dans une tradition qui remonte à l’Église de Jérusalem. En effet sa christologie semble bien se rapporter en dernière analyse à celle de l’Église primitive judaïsante, puisque dans ses visions le Christ est toujours présenté comme le point de rencontre entre la tradition judaïque et l’évangile.
   Les visions concernant la destruction de Jérusalem sont contenues dans le chapitre 11. Sous l’énigme de ses images, il est possible de retrouver les signes relatés par Josèphe. La voix entendue par le sacrificateur est reprise dans les paroles « Et ils entendirent du ciel une voix qui disait : Montez ici. Et ils montèrent au ciel dans la nuée et leurs ennemis le virent » (Ap 11:12). Il convient de remarquer que cette voix lance un appel à la sortie analogue à celle de la vision rapportée par Josèphe, de même qu’elle est suivie par une sortie effective du temple des deux témoins. Aussi est-elle en correspondance avec « la porte ouverte » du temple et le départ de Dieu. On notera encore qu’il y a une allusion explicite au fait que les non-croyants ont été témoins de la voix et de la montée au ciel des deux témoins, comme ils le furent chez Josèphe pour les signes du temple.
   L’image de « la porte ouverte » est aussi reprise dans la vision concernant l’ouverture du temple dans le ciel, qui fait suite à celle de la montée au ciel des deux témoins. La vision présuppose qu’il y a deux temples, un sur la terre et l’autre dans le ciel, dans la mesure où il y a aussi deux Jérusalem, la terrestre et la céleste. Or le temple dans le ciel était resté fermé jusqu’à la prise de possession du royaume par Dieu et son Christ. Son ouverture marque ainsi le commencement de ce règne, et en même temps elle est en correspondance avec l’ouverture de la porte du temple terrestre qui permet aux élus de monter dans le lieu céleste du culte. Mais cette sortie des élus nous oblige aussi à penser que Dieu lui-même avait quitté le temple, pour ne plus habiter que dans sa demeure du ciel.
   On peut affirmer que l’Apocalypse, et par là l’Église de Jérusalem, interprétait le signe à la lumière de l’oracle d’Osée exploité par le judaïsme. Seulement, au lieu de faire fuir Dieu dans le désert et d’impliquer un retour à l’ère deutéronomique, l’Église le fait monter au ciel non pas dans l’intention de renouveler, mais d’accomplir les promesses messianiques.
   Dès lors il apparaît aussi probable que l’Église de Jérusalem comprenait la vision des armées et des feux dans les nuées dans le cadre de la prise de possession du royaume par Dieu après l’ouverture du temple céleste. « Et il y eut des éclairs, des voix, des tonnerres, un tremblement de terre et une forte grêle » (Ap 11:13). C’est la description apocalyptique de la destruction du temple, qui devient symbole de cette « grande puissance » (Ap 11:17) que Dieu a montrée dans sa prise du pouvoir.

   Quelle fut l’attitude de cette Église à la suite de la prise de conscience de l’avènement des temps eschatologiques ? Elle fut conforme à sa situation d’exil et de séparation. Elle ne pouvait qu’attendre l’action du Christ pour l’établissement de son royaume mais, espérant la fin prochaine du monde, dépourvue de toute perspective historique, elle ne pouvait que s’éteindre. L’Apocalypse elle-même, au moins dans les visions qui suivent la destruction du temple, représentait une sortie de cette attente passive et une insertion dans l’Église universelle et œcuménique à laquelle elle apportait un esprit de lutte contre l’empire. Le noyau primitif de la communauté judaïsante devint de plus en plus une secte, dont le destin ne pouvait être que la mort.



c 1980




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tg04231 : 18/06/2016