ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


L’écriture  des  évangiles




Genre littéraire et genre référentiel du discours des évangiles :

La dissolution catégoriale et le Jésus-Christ de la foi




Sommaire

Introduction

La foi en Jésus-Christ

Mort et résurrection

Refoulement et sublimation de Jésus

Tournant historique de l’Église

Naissance de l’anti évangile

De l’Évangile aux évangiles

Structure de l’anti évangile

Structure des évangiles

Le Jésus de l’histoire

Genre littéraire et genre référentiel
- Genres référentiels
- Structure référentielle
- Dissolution catégoriale
- Forme littéraire
- Genre littéraire



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   Rappelons d’abord que Jésus-Christ n’est pas un nom, mais la réduction nominale de la confession de foi de l’Église : Jésus est le Christ. Ce jugement, nous l’avons vu, n’est ni historique, ni logique, ni même esthétique, mais d’ordre symbolique, se rapportant à une visée d’existence. Les deux termes du jugement originel s’unissent en un nom, non pas en fonction de leur signification lexicale mais de leur référence à une expérience vécue. Dans les deux syntagmes la signification a fonction de signifiant.
   Cette perspective repose sur l’idéal d’une essence humaine qui est autre que celle de l’homme historique réel, une essence qui ne serait plus conditionnée par la nécessité de la nature, mais se situerait au-delà du temps et de l’espace, et dont la condition d’être serait sa propre liberté. Elle serait un être éternel cependant que l’homme est temporel, immortel tandis qu’il est mortel, spirituel alors que celui-ci est matériel et charnel. Aussi vit-il dans un univers où n’existent pas de contraintes et où l’unité remplace la division, l’amour la haine. Tout désir est satisfait, cependant que la souffrance est bannie, transformée en une joie qui s’accomplit dans la béatitude. Cet homme idéal est Jésus-Christ : ressuscité, il demeure un être terrestre et céleste, charnel et spirituel, libéré du conditionnement par la nécessité.

   Il n’est pas étonnant qu’une telle essence n’ait pas pu être contenue dans le cadre des catégories. Se situant au-delà du temps et de l’espace comme aussi des oppositions logiques, dépassant aussi bien les lois de convenance de l’imaginaire que le possible d’existence, elle ne peut avoir comme support que la négation de l’ordre catégorial, s’appuyant moins sur l’être que sur le non-être. Mais alors comment peut-elle être atteinte comme possible et réelle par le sujet ? Seulement par le renoncement de celui-ci à l’acte où il se pose comme sujet, c’est-à-dire à son activité réductrice catégoriale. Le sujet devenant passif face à l’objet, celui-ci vient à lui comme un absolu : il cesse à son tour d’être lui-même pour s’offrir au sujet comme autre chose, par une présence qui possède la force d’un acte. Dès lors il y a renversement dans la relation entre sujet et objet, puisque le sujet devient objet et l’objet sujet. L’homme s’est aliéné de lui-même, projetant la conscience de soi dans l’objet qui se pose en sujet transcendant. Ce processus de renversement est celui de la foi : l’impensable devient possible croyable.
   La dissolution catégoriale que nous rencontrons dans les évangiles relève de ce que l’articulation de leurs discours est conditionnée par une visée de foi. Rappelons les paroles du quatrième évangile : « ces choses ont été écrites afin que vous croyez que Jésus est le Christ » (Jn 20:31).
   Mais qu’on ne se trompe pas quant aux moyens employés pour parvenir à ce but, car si les évangélistes recourent à la documentation historique et à l’argumentation, comme aussi à l’imaginaire et à la dialectique de persuasion, ce n’est pas pour prouver la possibilité de leur objet – Jésus-Christ – mais pour conduire le lecteur à renoncer à sa propre conscience transcendantale pour le mettre en situation de foi. C’est dans ce but qu’on ne trouve dans les évangiles que des discours tronqués, qui s’interfèrent réciproquement au point de s’annuler. Les discours sont ainsi mis en relation avec l’objet non pas en raison de leur cohérence, mais de leur rupture. Ils sont moins des signes signifiants que des actes visant à pousser l’homme à sortir de lui-même. La preuve en est que la foi en Jésus-Christ précède le processus d’écriture.
   Les évangélistes ne se rapportent pas à la vie de Jésus ou aux Écritures pour trouver des arguments qui prouvent que Jésus est le Christ, mais pour les interpréter sous l’éclairage de cette confession de foi qui est acquise d’avance. D’ailleurs les dialogues entre Jésus et les juifs, comme aussi toutes les apologies de la littérature chrétienne, butent sur une antinomie : ils se réfèrent aux Écritures pour démontrer le messianisme de Jésus, alors que ces mêmes Écritures ne peuvent être pliées dans ce sens que si on les interprète à partir de la croyance dans ce messianisme. Dialogue de sourds, si on demeure sur une base de rationalité, mais efficace pour le passage à une position de foi.



c 1980




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