ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisL’écriture des évangiles |
Genre littéraire et genre référentiel du discours des évangiles :Forme littéraire des récits |
Sommaire Introduction La foi en Jésus-Christ Mort et résurrection Refoulement et sublimation de Jésus Tournant historique de l’Église Naissance de l’anti évangile De l’Évangile aux évangiles Structure de l’anti évangile Structure des évangiles Le Jésus de l’histoire Genre littéraire et genre référentiel - Genres référentiels - Structure référentielle - Dissolution catégoriale - Forme littéraire - Genre littéraire . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
Les discours des évangiles étant différents et aussi en situation de rupture au niveau de leur référence, il convient de rechercher sous quelle forme peuvent-ils être ramenés dans une unité littéraire du récit. La difficulté surgit de ce qu’on doive avoir, en principe, une correspondance entre les mots et les choses auxquelles ils se réfèrent. Rappelons que l’articulation de la parole se détermine au sein de l’énoncé, qui est la cellule primaire du récit ainsi que le premier noyau du sens. Or, dans l’énoncé, les mots, tout en se succédant par contiguïté linéaire, prennent sens dans la mesure où, au niveau de leur signifié, ils se lient sur la base d’un schéma qui est proportionnel à la structure du jugement logique de la pensée. C’est par ce biais que l’énoncé se rapporte à la chose. Mais cela oblige aussi à ce que les signifiés soient tirés des mêmes champs sémantiques, en correspondance précisément avec les champs logiques. Je peux dire, par exemple, d’un chien qu’il aboie, dans la mesure où le verbe et le nom font partie du même champ sémantique. Le même énoncé n’aurait pas de sens s’il était référé au cri d’un homme. Bref, l’ordre sémantique doit correspondre à l’ordre logique pour que la figure résultant de la disposition des énoncés dans le récit soit représentative de la chose. En suivant donc la fonction de signification directe et appropriée selon la suite linéaire de l’ordre syntaxique, les écrivains néotestamentaires n’auraient pas pu trouver une forme susceptible de conférer une unité à des énoncés qui se rapportent à des champs sémantiques différents, à cause de l’hétérogénéité référentielle du sujet de leur discours. Mais ce que la parole ne peut pas atteindre par l’articulation linguistique du discours, elle l’obtient par l’articulation littéraire. En effet, fermé au niveau grammatical et lexical, le discours reste ouvert au niveau sémantique en ce que les signifiés, par-delà leur groupement en champs, demeurent liés par des relations de similitude et de correspondance proportionnelle. Ainsi les mots et les énoncés peuvent-ils s’unir en fonction d’un sens, même s’ils dérivent de champs sémantiques différents. Je peux dire d’un homme qu’il aboie, dans la mesure où ce verbe est pris en substitution d’un autre verbe dont le signifié est une action humaine (crie, hurle, etc.), qui est semblable ou proportionnel à l’aboiement du chien. Unidimensionnel au niveau syntaxique, le discours devient pluridimensionnel au niveau sémantique. Il se passe dans la parole un phénomène analogue à celui du dessin qui, linéaire par nature et destiné à se poursuivre sur une surface, peut, par illusion d’optique, aboutir à des figures tridimensionnelles et perspectives. Dans le langage cet artifice est effectué par les figures rhétoriques. Pour ne m’arrêter qu’aux figures qui concernent d’une façon spécifique les évangiles, je parlerai de l’analogie et de la parabole, de la métaphore et de l’allégorie. Par l’analogie, on met en parallèle deux mots ou deux énoncés de façon à ce que le sens de l’un soit déterminé par le sens de l’autre. L’homme furieux est comme le chien enragé : la furie, propre à l’homme, est donc surdéterminée par la rage, propre au chien, rapprochant ainsi l’homme lui-même du chien. Les signifiés des mots sortent donc de leurs propres limites sémantiques (voir). Par la parabole, un énoncé a la fonction de manifester le sens d’un autre énoncé, qui reste caché et dont il est semblable au niveau de l’intrigue. L’homme furieux est semblable à un chien enragé qui sème la folie et la mort par ses morsures. Tout en s’inspirant de l’analogie, la parabole possède en propre le transfert de sens ainsi que d’être mise en fonction pour la manifestation d’un sens qui reste inconnu, quoiqu’il soit indiqué. Mais si la proposition ne contient aucune indication, la parabole devient énigme (voir). La métaphore transpose le sens de l’un à l’autre, au point d’autoriser la substitution des sujets de l’énoncé : l’homme furieux est un chien enragé. Cela indique que l’on a mis entre parenthèses ce qui distinguait la furie de la rage pour la déterminer par celle-ci. Mais la propriété du chien devenant attribut valable aussi pour l’homme, celui-ci non plus, dans le cadre de cette attribution, ne se distingue plus du chien, permettant d’être nommé par lui (voir). Par l’allégorie, deux sens hétérogènes paraissent liés au même énoncé, dans la mesure où celui-ci est signifiant des deux codes des langages appropriés aux deux sens. L’expression « chien enragé », outre le sens qui lui est propre dans la langue française, peut aussi avoir la signification de « homme hérétique », si on la lit selon le code du langage de la procédure inquisitoriale (voir). Les évangélistes parvinrent à résoudre le problème de l’unité de leur récit par le recours à ces figures rhétoriques. Celles-ci leur offrirent la possibilité de couvrir des éléments de base disparates et hétérogènes par une charpente aussi stable qu’harmonieuse. Certes, s’ils avaient été des aristotéliciens, ils auraient eu des doutes et des scrupules quant à l’emploi de ces formes, puisque pour le grand philosophe l’analogie et les formes qui s’appuient sur elle ne devraient se porter que sur des éléments du même genre. Mais en écrivant sous l’impulsion d’une foi qui les mettait en dehors de l’ordre catégorial, ils donnèrent aux transpositions rhétoriques une ampleur à laquelle rien ne pouvait échapper. Le Jésus de l’histoire put ainsi être relié aux personnages mythiques et littéraires de la Bible par des courbes analogiques, de même qu’ils prirent sens du vécu de l’Église par des transpositions paraboliques. Leur superstructure littéraire fut à l’image de l’Église, qui parvint à retenir dans une unité transcendantale des personnes diverses par leur race et leur langage, leur religion et leur culture. |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() tg10400 : 29/03/20216 |