La fraction du pain
et le processus diachronique de son sens :
premier cycle de textes eucharistiques
Au premier rang, je place des textes qui relèvent tous des premiers chapitres des
Actes. Tout premièrement l’affirmation «
Ils persévéraient dans la coinonie à la fraction du pain » (
Ac 2:42). Dans le mot «
coinonie » je garde le phonème grec, avec le propos de le traduire en français au fur et à mesure qu’on parviendra à en déterminer le sens. Ici, dans cet énoncé, étant un complément en datif,
coinone prend le sens de communion, de participation à la fraction du pain. Le texte précisant que cette fraction avait lieu «
dans les maisons », on peut paraphraser ainsi l’énoncé : des gens se réunissent dans leur maison pour participer à la fraction du pain. Par métonymie, celle-ci désigne sans doute un repas. Mais de plus la
coinonie, étant assumée comme élément déterminant, est prise aussi dans un sens métaphorique exprimant son essence : on se réunit pour participer à la fraction du pain dans la mesure où celle-ci est représentative de l’acte constitutif de l’union permanente entre les participants.
Dans le contexte sémantique du mot «
coinonie », un autre mot de ces mêmes chapitres nous permet de retrouver cet acte, puisque son sens est en rapport d’analogie avec celui de la « fraction » propre au pain : il s’agit de « division » ou « partage ». Ce mot apparaît en deux endroits qui se rapportent à la même
coinonie. C’est l’effusion de
l’Esprit, qui descend sur les hommes réunis sous forme de «
langues (de feu)
partagées » (
Ac 2:3). C’est aussi le partage entre les croyants du prix des biens vendus (
diemerison). On peut donc affirmer que la
coinonie désigne l’union par un partage qui se réalise à deux niveaux, celui des relations entre les personnes et celui des biens mis en commun. La fraction du pain ne serait que le symbole de cette vie en commun, dans la mesure où l’action de la fraction est au pain comme l’acte de partage est aux relations entre les hommes et aux biens mis en commun. Il faut ajouter que ce double niveau de réalité et de signe est soutenu par un axe qui va du
Christ aux « croyants » et qui est déterminé, dans le même champ sémantique, par le verbe « bénir » : le
Christ s’unit aux croyants parce qu’il les bénit.
Il est possible de représenter l’ensemble de ces relations de sens dans le schéma suivant :
– Le cercle (A,D,B,C) désigne la
coinonie ;
– le diamètre (A,B) exprime l’axe de la relation
Christ-croyants par la bénédiction ;
– le triangle (A,C,B), la zone de partage de la vie et des biens ;
– le triangle (A,D,B), la zone du symbolisme du pain rompu ;
– la ligne (C,D), l’analogie entre le pain rompu et le partage de vie.