ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Judas




Introduction




4- La reconnaissance de Jésus comme le Christ historique



PROLOGUE

INTRODUCTION
- La narration des évangiles
- Documents d’histoire ?
- Processus phénoméno-
  logique de la foi

- Jésus comme Christ
- Les évangiles entre raison
  et foi

- Les évangiles comme
  anti-histoire

- Fois
- Approche historique de
  Jésus

- Recherche historique sur
  Judas


REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVAN­GI­LES

DU JUDAS DE L’HIS­TOIRE AU JUDAS DES RÉCITS

ÉPILOGUE

ANNEXES


. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

   En affirmant la résurrection de Jésus, les apôtres se trouvèrent dans la nécessité de recourir à des signes de reconnaissance. Tout d’abord, ils devaient se prouver à eux-mêmes que le ressuscité était vraiment ce Jésus qu’ils avaient connu par leur expérience vécue. Dans ce cas, les signes de reconnaissance étaient les mêmes que ceux qu’on retrouvait dans les récits du retour des héros : des indices de sa vie d’antan ; ensuite, ils devaient s’assurer qu’il était bien le Christ. Ils trouvèrent ces signes surtout dans sa mort sur la croix, qui le désignait comme le serviteur de l’Éternel, mort subie après un jugement, mais sans avoir commis de crime.
   Cependant, ce signe était insuffisant pour les éclairer sur la manière dont Jésus s’était manifesté dans sa vie comme étant le Christ. En effet, selon l’expérience des responsables du Judaïsme, Jésus s’était plutôt révélé un Antéchrist, un faux prophète et un transgresseur de la Loi, un homme en connivence avec les démons, un agitateur contre le pouvoir établi et un profanateur du Temple.

   Les apôtres durent rechercher dans les Écritures des déclarations susceptibles d’effacer cette image d’homme, et de retrouver en Jésus, sous la représentation qu’on se faisait de lui par l’expérience, des traits qui l’assimilaient au « Christ ».
   Toutefois, les Écritures ne livrent pas ces signes de prime abord. En effet, toutes les affirmations susceptibles de se rapporter au « Christ » sont équivoques et compréhensibles seulement par le biais d’une interprétation allégorique. C’est pourquoi, les apôtres durent dépasser le sens littéral pour rechercher un sens spirituel. Ils interprétèrent ainsi le « serviteur de l’Éternel », qui fut considéré comme image significative et révélatrice d’un Sauveur qui se charge des péchés du monde. Le peuple juif, auquel se rapportait le Serviteur des oracles, devenait ainsi la parabole du Christ, tant dans son ensemble que dans les personnages de son histoire : Moïse et Aaron, Élie et les autres prophètes, David et Salomon, sans oublier les patriarches du peuple, tous ces personnages étaient des « figures » du Christ.
   Dès lors, il devenait possible de rechercher chez Jésus des faits et des paroles, des trames d’action ou des perspectives qui l’assimilent à ces figures, ce qui permettait d’affirmer qu’il les avait accomplies dans leur sens christique. Double interprétation donc : la première permettait de passer du sens historique au sens spirituel et christique des Écritures, la seconde du Jésus de l’expérience au Jésus-Christ de la foi.
   Mais pour les apôtres, cette interprétation de Jésus ne fut pas aussi aisée que celle des Écritures. Ils transformaient plus aisément les personnages bibliques en figures du Christ, que Jésus à l’image de ces personnages. Car ils se souvenaient que les responsables du judaïsme considéraient Jésus comme un faux prophète, se fondant sur l’ambiguïté de sa personne et de son comportement.

   Pour les apôtres, leur maître avait agi en prophète, mais en avait-il donné les signes ? S’il avait prêché aux pauvres, aux malades, aux délaissés et aux exclus de la société, où souhaitait-il les conduire ? N’avait-il pas cherché, comme l’en accusaient les pharisiens et les sadducéens, à séduire le peuple pour le dresser contre les traditions et le pouvoir sacerdotal, mais aussi contre la Loi elle-même ? Il avait guéri des malades, nourri les pauvres, revendiqué les droits des femmes, des « impurs », de tous les hommes proscrits par la Loi et la tradition. Il avait annoncé à tous la venue du royaume de Dieu ; cependant, la justice romaine l’avait condamné pour avoir tenté de se faire proclamer roi.
   En se rappelant l’image de leur maître, les disciples ne pouvaient pas condamner les pharisiens et les scribes qui, eux aussi scandalisés, avaient mis en doute l’authenticité de son prophétisme. Dans leur esprit, Jésus demeurait une « énigme », dont la tension contradictoire les empêchait de voir en lui intuitivement l’image des figures du Christ des Écritures.
   Énigme ! Cette notion permit aux disciples de retrouver en Jésus les signes du « Christ des Écritures ». Elle ne s’appuyait pas sur des faits ambigus et ambivalents entre bien et mal, mais sur un événement au-delà de l’expérience, et dont l’existence mettait en échec les lois de la nature. En bref, sur le miracle. Jésus était une énigme comme le « serviteur de l’Éternel », qui avait été jugé digne de mort pour ses fautes, alors qu’il était innocent et expiait dans sa chair le péché des autres. Jésus avait été jugé pécheur, parce qu’il avait transgressé la Loi, mais l’avait-il transgressée pour s’opposer à Dieu ou pour manifester la fin de la Loi et son échec devant le salut, qui ne pouvait pas s’accomplir par la justice mais par la grâce ?

   C’est pourquoi les disciples refoulèrent l’image de Jésus reconstituée selon les critères juifs. Pour autant, le Jésus de l’expérience historique ne disparaissait pas ; dépouillé de l’interprétation donnée par le Judaïsme, il se présentait comme un être en quête de sens. Ses actions et ses paroles, ses propos et ses intentions en venaient à subir une réduction phénoménologique, qui les offrait à une nouvelle interprétation. Le « Christ des Écritures », par l’interaction allégorique des personnages bibliques, lui donnait ce sens nouveau. Dans la mesure où Jésus présentait des analogies avec les personnages bibliques, comme David, Moïse, ou certains prophètes, il devenait le Moïse ou le David messianique.
   À titre d’exemple, Jésus était traité de bâtard et de fils de prostitution. Cette affirmation ne relatait pas seulement un fait, mais elle l’interprétait selon la Loi. Réduite au fait, l’information indiquait que Jésus était né d’une femme « trouvée enceinte », et qu’il était donc un enfant sans père. Mais ce fait laissait la place à une autre interprétation : la femme avait été fécondée par Dieu, de façon analogue à la femme stérile, de sorte que son enfant était un fils de Dieu. La vierge avait, selon l’oracle d’Isaïe, accouché d’un enfant.
   Les disciples de Jésus furent accusés par les Juifs d’avoir volé dans le sépulcre le corps de leur maître. Ils contestèrent le vol, pour affirmer que Jésus était ressuscité et glorifié après sa mort, selon l’oracle d’Isaïe sur le « Serviteur de l’Éternel ».

   Ainsi, les informations concernant Jésus étaient déstructurées, pour être réinterprétées selon la parole des Écritures au sujet du Christ.



juillet 1987




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t602400 : 05/11/2017