ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Judas




II- Du Judas de l’histoire
au Judas des récits




4- Raisons christologiques et intrigues épistémologiques de la controverse



PROLOGUE

INTRODUCTION

REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVANGILES

DU JUDAS DE L’HIS­TOIRE AU JUDAS DES RÉCITS
- La mort tragique de Judas
- Accusations réciproques
- Du compagnon au traître
- Raisons et intrigues
  . Le Christ des Écritures
  . Un prophète comme Osée
  . Jésus et le judaïsme
  . Mort et foi
  . Mystère du judaïsme
- Dans le mystère du Christ

ÉPILOGUE

ANNEXES


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Le mystère du Judaïsme


   À l’issue de la controverse, une question se posa dans l’Église primitive sur le salut des Juifs, d’autant plus pertinente et harcelante que l’événement et ses acteurs, Jésus compris, étaient des Juifs. Comment se faisait-il que les Juifs aient pu livrer et tuer le Christ, alors que Dieu leur avait confié par les Écritures la mission de l’engendrer et de l’annoncer ? Dieu les avait-il rejetés ? Et si la bénédiction divine ne leur était pas retirée, pourquoi n’avaient-ils pas cru et leur cœur s’était-il endurci ?

   Pour l’apôtre Paul, ce fut un « mystère », comme celui de la conversion des Gentils (Rm 11:25).
   Pierre a reconnu ce mystère implicitement, puisqu’il a associé l’incrédulité des Juifs ainsi que la trahison de Judas à la « prescience et au dessein arrêté de Dieu » (Ac 2:23), et parce que les Juifs ont aussi accompli le meurtre par ignorance (Ac 3:17). C’est pourquoi il ne les a pas condamnés et leur a annoncé le salut par Jésus-Christ comme à tous.
   Nous avons vu que l’attitude d’Étienne fut différente. Pour lui aussi, sans doute, y a-t-il eu un « mystère », mais il le fait connaître. Les Juifs n’ont pas tué le Christ par ignorance, mais consciemment, comme leurs pères avaient persécuté les prophètes et tué ceux qui avaient annoncé le Christ : leur intention était perverse. Le discours d’Étienne devait persuader ses auditeurs que Dieu avait endurci le cœur des Juifs pour les amener à témoigner de la venue du Christ dans le monde par son meurtre !
   L’attention que Paul a portée au problème est plus théologique et plus équitable. Pour lui, il s’agissait moins de condamner les négateurs du Christ que de comprendre leur négation même dans la foi au Christ. À la question de savoir si le peuple juif a été rejeté par Dieu, il a répondu par la négative. Dieu n’aurait pas pu condamner le peuple juif sans remettre en question l’élection qu’il lui avait concédée. Paul a précisé que le peuple juif recherchait la justice selon la Loi et non selon la grâce. Or, si la Loi parvient à révéler à l’homme le péché, elle est impuissante à le libérer de sa malédiction. Seule la justice par grâce, dans la foi, sauve. Selon cette perspective la majorité du peuple s’est endurcie dans l’observation de la Loi, sans obtenir d’elle ce qu’il en espérait. Seul un « reste », qui a cru par la foi, a été justifié par grâce.
   Mais pourquoi Dieu les a-t-il ainsi endurcis ? Sans doute parce que leur cœur, attaché aux œuvres de la chair, était devenu « insensible » au salut par la grâce.

   Mais Paul a voulu approfondir ce « mystère », et il a reçu la réponse dans un passage d’Isaïe, où le prophète déclare que Dieu l’a envoyé pour endurcir le peuple dans son obstination, « afin qu’ils aient des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas, jusqu’à ce que la punition de Dieu s’accomplisse par la destruction de la ville et par la mort de la plupart de ses habitants » (Is 6:9-13). Paul a interprété cette parole en relation avec la situation des Gentils devant la foi au Christ. Dieu a aveuglé les Juifs afin que les païens croient et soient sauvés : « Une partie d’Israël est tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la totalité des païens soit entrée. Et ainsi tout Israël sera sauvé, selon ce qui est écrit » (Rm 11:25-26).
   Cette conviction n’a pas libéré Paul de la souffrance que l’incroyance des Juifs avait provoquée dans son cœur de Juif. Pendant sa captivité à Rome, il déclara à des Juifs qui restaient incrédules à sa parole : « Sachez donc que ce salut de Dieu a été envoyé aux païens, et qu’ils l’écouteront » (Ac 28:28). Les Juifs s’en allèrent, « discutant vivement » (Ac 28:29). Furent-ils davantage enclins à ne pas croire parce que, selon Paul, Dieu aurait appelé les Gentils à la foi par l’incroyance des Juifs ?
   Dans son ensemble, la solution que Paul a donnée au problème rejoint celle de Pierre. Dans son discours à l’occasion de la guérison du boiteux, Pierre avait exhorté les Juifs à se repentir et à croire à ce Jésus-Christ qui leur avait été destiné. Après avoir rappelé Moïse et Samuel, il avait conclu son discours : « Vous êtes les fils des prophètes et de l’alliance que Dieu a traitée avec nos pères, en disant à Abraham : toutes les familles de la terre seront bénies en ta postérité. C’est à vous premièrement que Dieu, ayant suscité son serviteur, l’a envoyé pour vous bénir, en détournant chacun de vous de ses iniquités » (Ac 3:25-26).
   Remarquons l’impact de cette bénédiction. Dieu conclue une alliance avec le patriarche et le bénit en l’appelant non plus « Abram » mais « Abraham », c’est à dire « père d’une multitude de nations », et aussitôt il annonce que ces nations seront bénies en sa postérité. Or cette « postérité » est ce prophète semblable à Moïse que Dieu a « ressuscité » en Jésus, et qu’il a envoyé « premièrement » aux Juifs, Jésus-Christ. C’est donc Jésus-Christ qui était l’objet des bénédictions de Dieu et non le peuple dans les exploits de ses héros.
   Pierre parlait en témoin, parce qu’il était l’un des Juifs qui avaient cru au Christ, à qui le Christ était apparu pour qu’il l’annonce au peuple. Mais Paul parlait en témoin aussi, parce que le même Christ lui était apparu pour qu’il l’annonce aux païens. Juif, n’était-il pas aussi citoyen romain ?



juillet 1987




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t624500 : 12/12/2017