ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


De la naissance de Jésus-Christ
à la naissance de Jésus




Marie




La mère de Jésus :
La mère de Jésus dans le quatrième évangile



Sommaire
Avertissement

Introduction

La naissance chez Paul

L’évangile de Marc

Matthieu : naissance du roi des juifs

Luc : naissance du fils de Dieu

La naissance du héros

Jean : le samaritain

Marie
- La mère de Jésus
  . La conception virginale
  . La mère de Jésus chez Jean
    - Approche théologique
    - Approche mythologique
- Qui est ma mère ?

Joseph

Les noms de Jésus

L’évangile de Thomas

Témoignages des juifs

Jésus


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Approche mythologique


   Je ne porterai mon attention que sur la scène de l’apparition de la mère de Jésus auprès de la croix. Une approche mythologique de cette scène est possible, dans la mesure où la rencontre de Marie et de Jésus peut être comprise à la lumière du mythe du héros. En effet, selon ce mythe, la vierge-mère, après avoir exposé son enfant, disparaît de l’histoire de celui-ci. Il ne la rencontre qu’à l’âge adulte, sans d’abord la reconnaître. La rencontre a pour but de permettre leur reconnaissance, et d’ôter à l’une la tache de femme prostituée, à l’autre celle d’enfant bâtard. La péripétie de la reconnaissance s’opère par la manifestation d’un « signe ». Je me rapporterai au mythe d’Ion, en suivant la tragédie d’Euripide du même nom.

   Ion est l’enfant que Créuse avait conçu hors du mariage, alors qu’elle était vierge, puis exposé. Ion est recueilli par la prophétesse du temple d’Apollon, cependant que Créuse devient femme légale de Xoutos. Mais elle est stérile. Les deux conjoints se rendent au temple d’Apollon, pour demander à Dieu un enfant. Le dieu ordonne à Xoutos d’adopter Ion, qui vivait au service du temple. Xoutos accepte, sans savoir qu’Ion est le fils de sa femme. Mais celle-ci, ne reconnaissant pas en Ion son propre fils, se révolte contre cette adoption, ne voulant pas qu’un étranger vienne s’emparer de l’héritage du fils qu’elle a exposé. Elle cherche à faire périr Ion, cependant que celui-ci, qui a découvert le piège qu’elle lui a tendu, se propose à son tour de la tuer.
   À ce moment arrive la prophétesse, portant la corbeille dans laquelle elle avait trouvé l’enfant. Créuse reconnaît que cette corbeille est celle dans laquelle elle a exposé Ion, et que celui-ci est donc son propre fils. Mais la corbeille, en tant que moyen par lequel Apollon, par l’intermédiaire de sa prophétesse, a sauvé l’enfant, devient aussi le signe qu’Ion est le fils d’Apollon et que c’est par lui que Créuse a été fécondée. Désormais Créuse peut bien accepter Ion dans sa maison, mais il y vivra en tant que fils adoptif et non que fils par génération. En tant que fils d’Apollon, Ion se dérobe à sa mère.

   La mère de Jésus se tient auprès de la croix comme une femme sans nom. Elle n’est pas la Marie des évangiles synoptiques, la mère du fils de Dieu, mais la mère refoulée du non-dit des récits, la femme prostituée des accusations juives. Elle est la véritable mère de Jésus, celle qui avait vécu sans mari et sans fils pour ne pas être accusée d’adultère. Elle reconnaît cependant Jésus comme fils, à cause précisément de la croix qui joue le rôle de signe, car la croix est la prolongation de cette crèche où il avait été exposé. Mais cette même croix est aussi le signe par lequel Dieu manifeste que Jésus est son fils unique.

   Cependant que la mère est muette, n’osant pas appeler Jésus « fils », parce qu’elle se sent indigne d’être appelée « mère », Jésus lui parle : « Femme, voilà ton fils ». Il ne l’appelle pas « mère » : en parlant comme fils de Dieu, Jésus renie sa mère en la tuant précisément comme mère. En tant que fils de Dieu il ne vient pas de la chair, sa mère n’est plus qu’une « femme » qui lui a permis de venir au monde. Pour le quatrième évangile comme pour Paul (Ga 4:4), la mère de Jésus n’est qu’une « femme » ; elle n’est plus une femme prostituée ou adultère, mais la femme dans laquelle s’est accomplie l’incarnation de la parole.
   La péripétie du quatrième évangile est donc analogue à celle de la tragédie d’Ion. Tandis que, dans celle-ci, Ion se dérobe à sa mère en tant que fils d’Apollon, ne demeurant chez elle que comme fils adoptif, Jésus échappe à sa mère en tant que fils de Dieu, par substitution de sa personne physique. Sa mère peut bien le retrouver au moment où elle le perd comme fils de Dieu, mais seulement par allégorie. Dans la mesure où la croix accomplit la signification de la crèche, elle sublime l’exposition de Jésus dans son retour à Dieu son père.

   Le quatrième évangile accomplit donc le modèle de la naissance du héros qui avait été repris par Matthieu et Luc. Mais au lieu de parler de l’enfant exposé, il parle de l’enfant reconnu par sa mère. De la crèche il passe à la croix, où l’angoisse de l’exposition se transforme en tragique de mort. Mais, par cette mort, la prostitution de la mère et l’illégitimité de l’enfant deviennent symboles du mystère de la naissance du fils de Dieu.



2011




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t771220 : 22/12/2017