ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisDe la naissance de Jésus-Christ
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Joseph |
Le fils de Joseph : |
Sommaire Avertissement Introduction La naissance chez Paul L’évangile de Marc Matthieu : naissance du roi des juifs Luc : naissance du fils de Dieu La naissance du héros Jean : le samaritain Marie Joseph - Le fils de Joseph . Les récits de la naissance . La généalogie de Matthieu . Les évangiles de Luc et Jean - Le père de Jésus Les noms de Jésus L’évangile de Thomas Témoignages des juifs Jésus . . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . . |
On pourrait s’attendre à trouver fréquemment l’expression « fils de Joseph » dans les récits de la naissance, or il n’en est rien. Les évangélistes se montrent si rigoureux dans leur terminologie qu’on peut affirmer qu’ils cherchent à tout prix à éviter cette expression. Chez Luc, on ne trouve que l’expression « son père » à propos de Joseph mais dans des circonstances qui en atténuent le sens (Lc 2:33 ; 48). Les évangélistes entendent écarter de la conception par Marie toute intervention de la part de l’homme. En effet le lecteur juif, qui ne trouvait pas dans la Bible d’exemple de naissance virginale, aurait pu comprendre celle de Jésus à la lumière de la conception des mères stériles, fécondées par Dieu dans un rapport sexuel avec leur mari. Le lecteur helléniste, quant à lui, aurait pu croire que, comme dans les mythes des héros, Dieu s’était uni à Marie sous l’apparence de son époux. Pour les évangélistes, la virginité de Marie est absolue : elle n’a pas eu de commerce avec l’homme. D’où, chez eux, le souci d’éviter toute expression qui aurait pu jeter une ombre sur la virginité de Marie. Joseph n’est mis en relation avec Jésus qu’à travers Marie. Remarquons, chez Matthieu, l’expression « le petit enfant et sa mère » (Mt 2:13-14 ; 20-21). Quant aux affirmations de Luc, l’une s’insère dans le récit de la consécration de Jésus au temple, l’autre dans la bouche de Marie à l’adresse de son fils quand elle le retrouve au temple. Ici les expressions « son père » et « ton père » manifestent une situation de fait qui ne peut remettre en cause la naissance virginale. Si nous cherchons à comprendre Joseph tel que les évangélistes le décrivent, sa figure est d’autant plus précise théologiquement qu’elle est vide historiquement. En effet, Joseph ne joue dans le récit que le rôle théologique de père légal et de gardien de l’enfant et de la mère. Il ne parle pas, pas plus d’ailleurs que son épouse. S’il agit, c’est à la suite de songes de sens théologique. Il n’est pas une personne réelle mais un personnage allégorique, qui doit accomplir une action théologique dans le cadre du mythe du héros. S’il fallait le représenter sur une toile, il apparaîtrait comme une figure d’homme sans caractéristiques personnelles, mais déterminé par les propriétés de l’époux de la vierge-mère selon le schéma christologique. Si l’on pouvait lire ces pages de l’évangile comme on lit un mythe, ou une allégorie de caractère moral, elles ne poseraient aucun problème. Mais elles entendent se référer à la naissance de Jésus, dans le cadre d’une perspective historique de l’Église. Dès lors nous devons nous rapporter à l’histoire. Mais comment pouvons-nous situer dans la réalité cette figure d’homme qui s’appelle Joseph ? Une seule voie reste ouverte, celle de la considérer comme l’abstraction d’une personne réelle. En effet, j’ai déjà eu l’occasion de dire que l’allégorie se fonde sur des schémas qui ne sont souvent que des faits formalisés. En ce cas le personnage de Joseph ne serait que l’image de l’époux de Marie, auquel on aurait ôté ses traits personnels pour lui attribuer ceux de l’époux idéal et théologique de la vierge-mère. Il s’agit d’une formalisation allégorique, qui implique un processus de métamorphose par sublimation. Le processus de métamorphose est repérable dans l’intrigue du récit de Matthieu. Cette intrigue va de l’information à l’interprétation, de la femme « trouvée enceinte » à la femme « enceinte par le Saint Esprit ». Elle vise à assimiler dans un seul personnage deux femmes : la mère prostituée trouvée enceinte et la vierge de l’oracle d’Isaïe, considérée par la tradition chrétienne comme mère du Christ. En face de ces deux femmes, deux hommes : l’époux trompé par Marie et l’époux idéal postulé par la théologie pour insérer le fils de celle-ci dans la généalogie davidique. Mais ces deux hommes aussi doivent être identifiés dans un même personnage. Le mari de la femme trouvée enceinte sort de sa condition d’homme bafoué pour entrer dans l’univers du rêve où l’ange lui apparaît. C’est le même ange qui, dans le récit de Luc et selon le schéma mythique, doit apparaître à la vierge pour lui annoncer qu’elle sera mère. C’est dans le rêve qu’une personne peut s’identifier à une autre. Comme il ne se trouve pas devant la femme adultère mais devant la vierge-mère, Joseph aussi se transforme en un autre homme, de mari bafoué et jaloux, il devient l’époux de la vierge fécondée par Dieu. C’est une sublimation par castration : il ne peut devenir époux de la vierge qu’en cessant d’être homme (aner). Il devient un homme qui ne connaît pas sa femme. C’est pourquoi il apparaît dans le texte comme un mari gardien de son épouse et du fils de celle-ci, un eunuque pour le Christ, un homme qui n’a pour actions que des actes d’ange, des tâches théologiques. Devenant personnage théologique, l’époux de Marie doit avoir un nouveau nom. De toute façon, il est légitime de penser que, comme il est refoulé dans le non-dit du récit et dans l’oubli, il ne doit plus avoir de nom. Le nom de « Joseph » est alors celui de l’époux de la vierge : un nom essentiellement théologique, tiré des Écritures, emprunté au grand patriarche de la Genèse. Ce nom correspond au rôle que l’époux de Marie joue dans le processus de sublimation théologique. Or, dans la Genèse, on lit que « Rachel devint enceinte et enfanta un fils et elle dit : Dieu a enlevé mon opprobre. Et elle lui donna le nom de Joseph, disant : l’Éternel m’ajoute un fils » (Gn 30:23-24). Le nom de « Joseph » serait tiré des deux racines « asaph » (ôter) et « yasaph » (ajouter). C’est l’Église qui donne ce nom au mari de la vierge, parce qu’il a ôté l’opprobre de Marie – et de l’Église elle-même – et qu’il a permis d’ajouter un fils – au bâtard, il a ajouté le fils de Dieu. Il existe aussi une analogie profonde entre les deux personnages. Dans la Genèse, Joseph est victime de l’accusation d’une femme (Gn 39:7-20) ; dans l’évangile, Joseph est victime de l’infidélité d’une femme. Dans la Genèse, Joseph acquiert la liberté et le pouvoir grâce à l’interprétation des songes (Gn 41:9-13 ; 25-36) ; dans l’évangile, Joseph devient père du fils de Dieu à la suite de l’interprétation de deux songes (Mt 1:20-21 ; 2:13-15). Là il fait venir ses frères en Égypte (Gn 46), ici il conduit sa femme et le fils de celle-ci dans le même pays (Mt 2:14). Sur ce dernier point, la référence est explicite : Matthieu considère le retour d’Égypte de Jésus comme l’accomplissement messianique du retour du peuple dans le pays d’Israël (Os 11:1 ; Mt 2:15). L’époux de Marie devient donc Joseph dans la mesure où il accomplit le sens messianique du Joseph de la Genèse. |
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t781100 : 23/12/2017