ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


De la naissance de Jésus-Christ
à la naissance de Jésus




Les témoignages juifs




Un texte de Celse



Sommaire
Avertissement

Introduction

La naissance chez Paul

L’évangile de Marc

Matthieu : naissance du roi des juifs

Luc : naissance du fils de Dieu

La naissance du héros

Jean : le samaritain

Marie

Joseph

Les noms de Jésus

L’évangile de Thomas

Témoignages des juifs
- Un texte de Tertullien
- Un texte de Celse
- Jésus, le fils de Panthère
- Le Talmud

Jésus


. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

   Ce que nous venons de découvrir apparaît de façon ouverte dans un passage du Discours vrai (aletes logos) de Celse, livre dont l’essentiel a pu nous parvenir grâce à la réfutation qu’en fait Origène dans le Contra Celsum. Écrit vers 160, le Discours vrai est à la fois la réponse la plus consciencieuse et la plus sérieuse que la civilisation gréco-romaine ait faite au christianisme, et la cible principale – quoique souvent cachée – de Tertullien, d’Origène, de Minucius Felix et d’Irénée dans leurs apologies. Voici le texte sur Jésus :
   « Tu as commencé par te fabriquer une filiation fabuleuse, en prétendant que tu devais ta naissance à une vierge. En réalité, tu es originaire d’un petit hameau de la Judée, fils d’une pauvre campagnarde qui vivait de son travail. Celle-ci, convaincue d’adultère avec un soldat, Panthère, fut chassée par son mari, charpentier de son état. Expulsée de la sorte et errant çà et là ignominieusement, elle te mit au monde en secret… Plus tard, contraint par le dénuement à t’expatrier, tu te rendis en Égypte, y loua tes bras pour un salaire et là, ayant appris quelques-uns de ces pouvoirs magiques dont se targuent les égyptiens, tu revins dans ton pays et, enflé des merveilleux effets que tu savais produire, tu te proclamas Dieu.
   « Serait-ce par hasard que ta mère eut été belle au point que Dieu, dont la nature pourtant ne souffre pas qu’il s’abaisse à aimer les simples mortels, voulut jouir de ses embrassements ? Mais il répugne à Dieu qu’il ait aimé une femme sans fortune ni naissance royale comme ta mère, car personne, même ses voisins, ne la connaissait. Et, lorsque le charpentier se prit de haine pour elle et la chassa, ni la puissance divine ni le logos, habile à persuader, ne put la sauvegarder d’un pareil affront. Il n’y a rien qui fasse pressentir le royaume de Dieu ».

   Pour la compréhension de ce texte, je rappellerai que l’auteur ne s’est pas limité aux évangiles mais a cherché à se renseigner, aussi bien auprès des communautés chrétiennes que juives. Celse ne réfute donc pas la narration de l’évangile de Matthieu a priori, au nom de préjugés philosophiques et religieux, mais a posteriori, en historien. Ses affirmations peuvent certes être unilatérales et situées historiquement, elles n’en sont pas moins dignes de foi. Il convient aussi de noter que Celse n’est pas rationaliste au point de nier la possibilité d’une naissance virginale, au contraire il y croit, mais comme à un phénomène surnaturel, dont la reconnaissance exige l’accomplissement des conditions requises. S’il critique les évangiles c’est avec une objectivité réelle, quoique relative à son temps.
   On peut affirmer qu’il démythologise le texte parce qu’il n’y trouve pas les conditions requises pour une conception virginale et, qu’en plus, il s’est suffisamment renseigné pour être convaincu que la naissance de Jésus a été d’un tout autre genre : non celle d’un fils de Dieu, mais celle d’un bâtard. Sa critique comprend les points suivants :

a – La mère de Jésus était une femme mariée à un charpentier, originaire d’un petit hameau de la Judée. Celse sait qu’elle était si pauvre et si inconnue, même de ses voisins, que les milieux juifs où il s’était renseigné ne connaissaient même pas son nom. Pour Celse, une telle femme n’était pas une vierge et ne pouvait pas devenir une partenaire d’amour d’un dieu. En effet, les dieux ne s’unissaient qu’à des femmes belles et d’origine royale. En intellectuel honnête, Celse pouvait critiquer le texte de Matthieu, puisqu’il possédait un modèle topique de la naissance du héros. La plume du philosophe ne manque pas d’humour, lorsqu’il affirme « serait-ce par hasard que ta mère ait été belle… ».
b – La femme du charpentier ne s’est donc pas unie à un dieu, mais à un étranger, à un soldat romain. Ce qui étonne c’est que Celse, qui ignore les noms de Marie et Joseph, sait que cet homme s’appelait « Panthère ». On peut ici l’accuser de trop croire aux bavardages du ghetto juif mais, à l’analyse, ce nom n’apparaît pas aussi gratuit qu’on pourrait le croire, je me propose de l’examiner à part.
c – Celse sait aussi que la femme du charpentier a été « découverte enceinte », mais de plus « convaincue d’adultère », et donc chassée par son mari. C’est avec sarcasme que Celse fait allusion au rêve de Joseph et, peut-être, à la parole persuasive de l’ange chez Luc, pour affirmer que, en face de cet adultère, son mari ne pouvait être persuadé ni par la parole ni par la puissance divine que sa femme était enceinte d’un dieu.
d – Chassée, la femme adultère ne pouvait qu’errer ignominieusement. Elle n’est pas cette vierge qui, émue par sa grossesse, court en hâte rendre visite à sa parente Élisabeth, pas plus que la vierge du mythe qui va, sans le savoir, vers le lieu destiné à son enfantement, mais la femme pécheresse qui fuit le jugement des hommes et celui de Dieu.
e – Elle accouche secrètement.
f – Celse ne parlera plus de la mère, il parle seulement de l’enfant qui, une fois grandi, va en Égypte, d’où il revient après avoir appris les arts magiques.

   Ce qui est important dans ce texte, c’est qu’il correspond à l’information que Matthieu a censurée pour s’en servir de canevas au récit de la naissance de Jésus. Celse a donc le mérite d’avoir puisé à la même source que Matthieu, mais il se sépare de lui dans l’interprétation car, alors que Matthieu cherche à la comprendre mythiquement et christo­logiquement, Celse démythise pour rester au niveau du fait scandaleux, plus proche de l’histoire.



2011




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t812000 : 24/12/2017