ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri




Introduction :

La traduction



Sommaire
Avertissement au lecteur
Capoversi
Premiers vers

Introduction
- Une œuvre méconnue
- L’esthétique
- La forme
- La traduction

Aux fidèles d’Amour

Les soixante belles de Florence

Béatrice, dame du secret d’Amour

La dame gentille

Béatrice refuse de saluer Dante

De l’amour à la louange

Lamentations sur la maladie de Béatrice

Mort et glorification

La dame gentille

La Pargoletta

Le refus de la dame gentille

La dame-pierre



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

   On estime que la traduction de la poésie est impossible, car la poésie n’est pas dans le sens d’un discours (la « sentence » selon Dante), mais dans la forme de ce discours (« l’orné », selon lui). Il suffit d’ailleurs de jeter un regard sur les traductions françaises de Dante : même lorsque la traduction ne s’est pas bornée à transposer le sens mais l’a exprimé dans une forme poétique française, elle reste en-dehors de la poétique de Dante. Même les chants les plus lyriques ou tragiques de la Divina Commedia, comme ceux de Francesca da Rimini ou du comte Hugolin, ne sont que de la prose, et le lecteur français ne vibre pas à leur lecture. Le problème est encore plus décourageant si on veut entreprendre la traduction des Rime, car leur contenu étant exclusivement lyrique, sans histoire, on risque tomber dans le banal, sauf dans le cas où on ferait une nouvelle poésie sur le même thème, mais dans quelle mesure cette poésie resterait-elle celle de Dante ?

   J’ai alors pensé à tenter moins une traduction qu’une transcription, en donnant à ce mot la même valeur que dans la musique : on connaît, par exemple, les transcriptions de Bach pour pianoforte écrites par Busoni. Dans ce cas c’est l’œuvre lyrique de Dante, ce sonnet, cette ballade, cette chanson, qui doit être transposée en français dans son individualité, c’est-à-dire dans sa forme – de sonnet, de ballade, de chanson – avec son rythme, son agencement des vers en stances, leur accord par la rime.
   Peu importe si la forme de cette poésie n’est pas moderne et si elle ne correspond pas au goût actuel, car l’œuvre d’art est née avec sa forme. De même qu’on ne peut pas dissocier un chant de sa mélodie, on ne pourra pas dissocier un poème de son rythme, de sa rime, de ses accords et de ses assonances, de l’agencement de ses phrases.
   Sans doute que l’on trouve alors des limites et des dangers, mais on trouve des limites et des dangers dans toutes les traductions. On sera contraint de s’éloigner un peu trop du texte pour parvenir à une rime, on raccourcira le discours pour qu’il tienne dans le nombre de pieds propre au vers, on supprimera ou on ajoutera un adjectif, mais tout doit aboutir à exprimer la même intuition lyrique, le même sentiment, dans la même structure.
   Les difficultés sont moins grandes que ce qu’on pourrait penser, en raison surtout de l’homogénéité des deux langues : on traduit en français des poèmes qui ont été composés avec la conviction que l’italien était une langue jumelle du français, une des trois variations de la même langue, le latin vulgaire. Dante avait remarqué qu’une grande partie des mots sont identiques, on peut ajouter qu’on trouve une grande homogénéité dans le code qui fonde la différence des mots. On constate, par exemple, que les désinences en « ezza » (Giovinezza, prodezza, etc.) trouvent une correspondance en « esse » (jeunesse, prouesse…) ; la désinence en « a » correspond à « é » (Belta – beauté), celle en « oise » à « ese » (Courtoise – cortese), etc. Ainsi peut-on souvent garder la même rime, la transcription s’approchant de l’œuvre originelle dans cette relation de complémentarité linguistique.
   En outre, les deux langues se rencontrent dans le thème d’amour. Un poème italien – en langue de si – peut bien être traduit en français – en langue d’oïl – car il aurait pu être composé en français, la poésie d’amour se servant à l’origine des deux langues. Cette traduction serait aussi une invitation au retour, invitation au lecteur français à écouter et lire une poésie italienne dans un esprit d’unité et de compréhension des origines.

   Sans doute existe-t-il une distance entre l’italien et le français dans l’approche du perçu. Je voudrais m’arrêter seulement à l’amour : toute la poésie courtoise étant liée à l’expérience amoureuse, elle est unie à une symbolique de l’amour : Amour est le seigneur, l’amoureux celui qui se lie à son service en aimant une femme comme sa maîtresse.
   Dante avait noté que, dans les trois langues, « amour » est le même mot. Mais à cette époque, on disait « amor », mot qui était lié par assonance à « cor ». Dès lors, dans la rime, amour est mis en assonance avec tout ce qui est censé être expression du cœur : peur, valeur, douleur, ardeur, splendeur. Depuis qu’« amor » est devenu « amour », le grand seigneur d’Amour ne se plie plus à rimer avec le cœur ou les choses du cœur : il est un seigneur qui habite une tour, agit ou se promène dans une cour, appelle au son du tambour, qui court et les gens viennent à son secours des alentours… mais il n’aime pas, car c’est un seigneur qui n’a ni cœur ni douceur. Est-ce que les amoureux français auraient changé de seigneur ? Est-ce que l’amour français n’est plus un sentiment du cœur ? Étant donné que, dans la lyrique de Dante, on trouve presque toujours « Amore » lié à « core » ou avec les sentiments du cœur, j’ai trouvé quelques difficultés dans la rime. J’ai dû convaincre Amour, le grand châtelain, de vivre dans une tour, celle du cœur. D’ailleurs, pour Dante, Amour habite la tour du cœur.



c 1977




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th00400 : 10/04/2021