ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris


Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri




Aux fidèles d’Amour



Sommaire
Avertissement au lecteur
Capoversi
Premiers vers

Introduction

Aux fidèles d’Amour
- Noble ou roturière ?
- Bons et faux-jours
- Fidélité, plaisir, désir
- Amour et désir
- Amour et Béatrice
- Le vaisseau des fidèles
   d'Amour
- Désagrégation du
   compagnonnât
- Après Lappo
- Amour et cœur gentil
- Amour, volonté du
   cœur
- Violence et douceur
- Plaisir de cour
- Vengeance d’Amour
- Vision d’Amour
- Douleur d’amour
- La douleur en amour
- Remèdes d’amour
- Amour et aventure
- Déclin du fin amor
- De passion en passion
- Intelligence d’amour
- Poésie d’amour
- Un sonnet comme
   expression d’amour
- Poésie et musique
- Poésie allégorique
- Impitoyable, dédai-
   gneuse et superbe

Les soixante belles de Florence

Béatrice, dame du secret d’Amour

La dame gentille

Béatrice refuse de saluer Dante

De l’amour à la louange

Lamentations sur la maladie de Béatrice

Mort et glorification

La dame gentille

La Pargoletta

Le refus de la dame gentille

La dame-pierre



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

   « En pensant à ce qui m’était apparu (un rêveAmour donne à manger le cœur du poète à Béatrice) je décidai de faire entendre à diverses personnes qui, en ce temps-là, étaient des trouvères fameux. Et comme j’avais déjà appris moi-même l’art de rimer, je résolus de faire un sonnet dans lequel je saluerais tous les fidèles d’Amour, les priant de juger ma vision » (Vita nuova, III).
   Dante commente ainsi le sonnet dans lequel il annonce sa relation d’amour avec Béatrice. L’envoi de ce poème a moins été motivé par un projet de publication que par une raison de partage. En effet, si les poètes ne constituaient pas une corporation, ils se sentaient unis car, exerçant tous le même art de rimer, ils parlaient le même langage. Ils avaient donc besoin de partager leur expérience littéraire, leurs peines et leurs joies, ainsi que de rivaliser, de se piquer, de se consoler. Une correspondance était donc née entre eux, naturellement toujours en vers, la plupart du temps en sonnets ou en courtes ballades, espace ouvert à la technique du vers, à l’esprit, à l’ironie, à la vantardise, mais aussi à la manifestation de sentiments plus intimes et plus douloureux, œuvres d’artisans du verbe rimées en fonction des mouvements de l’âme.

   C’est sous cet angle que ces poèmes nous intéressent car ces rimeurs, s’ils n’étaient pas tous ou toujours des poètes, avaient en commun d’associer leur intuition lyrique à leur expérience d’amour. Ils pouvaient être poètes parce qu’ils étaient amoureux, l’amour étant principe de passion et d’inspiration poétique.
   À ce propos, il convient de prêter attention à l’expression « Fidèles d’Amour ». Dante n’appelle pas ainsi tous les poètes, mais seulement ceux qui s’inspiraient de « la fin amor », selon la tradition de la poésie courtoise. Loin de nous, donc, d’interpréter cette expression comme se rapportant à une secte hérétique, exprimée dans les poèmes d’une façon allégorique par l’image des femmes, cette interprétation est aberrante ! Il s’agissait de poètes qui avaient conscience de continuer l’ancien lyrisme des troubadours, repris en Italie par les « Siciliens », c’est-à-dire par les poètes de la cour de Frédéric II.
   Il n’est donc pas étonnant que Dante appelle ces poètes les « nouveaux trouvères » : trouvères parce qu’ils se mettaient dans le sillage des anciens, nouveaux dans la mesure où ils n’étaient imitateurs que dans un esprit nouveau, aussi bien en amour qu’en poésie. En effet, il s’agissait d’introduire le « fin amor » et l’éthique courtoise d’amour dans la ville bourgeoise. Les nouveaux troubadours étaient des poètes qui ne chantaient plus la « dame » étoile d’une cour, mais les belles filles de la cité de la bourgeoisie naissante, femmes déjà promises ou mariées. Cette nouvelle poésie naissait au moment où la chevalerie cédait la place au faste et au décorum de la richesse, et l’arme au jeu de l’art. C’est peut-être en ce moment qu’on peut trouver le berceau de l’humanisme.

   Dans le recueil que j’établis des poèmes de correspondance de Dante, je m’en tiendrai à ceux qui ont un contenu amoureux. Les poèmes exclus sont peu nombreux, en sorte que j’établis un recueil compact qui nous introduit bien à la poésie d’amour du poète. Je retiens aussi quelques poèmes d’auteur douteux, quoiqu’avec une forte probabilité d’être de la main de Dante : il y a en effet un vide dans la poésie de Dante, car nous ignorons son expérience poétique antérieure au poème sur le rêve de Béatrice, alors qu’il dit lui-même avoir déjà pratiqué l’art de la rime. Trouvant parmi ces poèmes « douteux » des sonnets qui se rapportent à une expérience amoureuse avant la rencontre avec Béatrice, et constatant que les sentiments qui y sont exprimés sont plus conformes à l’âme de Dante qu’à celles des poètes censés en être les auteurs, j’ai estimé que j’étais en droit de les attribuer à Dante.
   Ainsi mon recueil permet de suivre l’expérience amoureuse et poétique de Dante du commencement – avant même Béatrice – à la fin de l’amour, comme de la poésie amoureuse. Le lecteur y trouvera des poèmes concernant les premières tentatives, celui sur Béatrice, d’autres sur l’association avec les « fidèles d’Amour », d’autres encore sur l’Amour, et enfin une série sur la casuistique d’amour : séduction, peur, comportement hautain de la femme, souffrance, lamentations, pitié, adieu à l’amour.
   Nous y rencontrerons des poètes plus anciens que lui, comme Dante de Maiano, Chiaro Davanzati ou Puccio Bellondi, comme ses amis de partage de poésie et d’amour Guy Cavalcanti, Lapo di Gianni et Cino da Pistoia, ces derniers étant avec Dante les piliers de la poésie nouvelle.

   Quant à la forme, le lecteur y trouvera plutôt la technique du vers que la lyrique, car l’écrivain est en général moins poète que versificateur, moins artiste qu’artisan. Il s’agit souvent de vers difficiles, intriqués, motivés plutôt par l’information que par l’inspiration. D’autant plus que la coutume voulait qu’en répondant à un sonnet on doive employer, au moins partiellement, la même rime, ce qui rendait souvent la réponse abstruse et sibylline. Tout n’apparaîtra pas dans la traduction, mais je chercherai, dans la mesure du possible, à traduire un peu ces difficultés.



c 1977




Retour à l'accueil La traduction Haut de page Femme noble, ou roturière ?      écrire au webmestre

th01000 : 10/04/2020