Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri

  Sonar brachetti, e cacciatori aizzare,
lepri levare, ed isgridar le genti,
e di guinzagli uscir veltri correnti,
per belle piagge volgere e imboccare,

  assai credo che deggia dilettare
libero core e van d’intendimenti !
Ed io, frag gli amorosi pensamenti,
d’uno sono schernito in tale affare,

  e dicemi esto motto per usanza :
« or ecco leggiadria di gentil core,
per una sì selvaggia dilettanza

  Lasciar le donne et la gaia sembianza ! »
Allor, temendo non che senta Amore,
prendo vergogna, onde mi ven pesanza.

   Bien qu’il fût né dans les cours, l’amour courtois marquait une rupture avec la vie de la cour. Le gouvernement et la guerre en étaient l’activité sérieuse et fondamentale, tandis que les loisirs reposaient sur les tournois, le jeu et la chasse ; quant à l’amour, il était l’accomplissement charnel du plaisir. Le fin amor rompait avec cette vie, ne tirant d’autre réjouissance que de la relation amoureuse, c’est pourquoi il restait caché, constituant une vie intérieure dans la vie extérieure mouvementée du château, où le seigneur était Amour, et la dame seule médiatrice. Pour les amoureux, la vie de cour était un non-sens.
   Telle la conçoit Dante dans ce sonnet. Négliger les femmes et leur charme pour se réjouir de la sauvagerie de la chasse ? Embourgeoiser la courtoisie ? Socialement sans doute, mais en se libérant aussi de la pesanteur et du non-sens de la vie de cour ; nostalgie du fin amor et désir de l’insérer dans la ville.