ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri




De la poésie d’amour à la poésie de louange



Sommaire
Avertissement au lecteur
Capoversi
Premiers vers

Introduction

Aux fidèles d’Amour

Les soixante belles de Florence

Béatrice, dame du secret d’Amour

La dame gentille

Béatrice refuse de saluer Dante

De l’amour à la louange
- L’intelligence d’amour
- Entre printemps et
   Amour
- Douceur et amour
- Béatrice et Amour
- Béatrice et les femmes
- Le portrait de Béatrice

Lamentations sur la maladie de Béatrice

Mort et glorification

La dame gentille

La Pargoletta

Le refus de la dame gentille

La dame-pierre



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

   Avec la chanson Je regrette, Dante avait conscience d’avoir bien défendu sa cause contre l’accusation de Béatrice et devant les dames de la cour d’amour. Accusé d’être incapable de soutenir le regard d’une femme à cause de sa lâcheté dans la fidélité à sa dame, Dante se rachète en retournant l’accusation contre Béatrice, qui s’est servie de l’épreuve d’amour pour s’éloigner de lui, sans doute parce que son cœur était épris d’un autre. Cependant il lui pardonne et ne demande pas sa condamnation, il se contentera d’être reconnu innocent et réintégré dans la communauté de la courtoisie.

   Mais sa consolation n’était que de façade : il était de fait renié par la dame inspiratrice de sa poésie et aussi par la dame de ses relations officielles dans le monde de la courtoisie. S’il restait lié à une femme, cette union suscitait la passion amoureuse mais n’inspirait pas de chant : il se trouvait seul. Était-il vraiment convaincu que Béatrice était coupable ? L’interrogation le menait à penser à la première rencontre, à ce baiser qui avait tant troublé la jeune-fille, jusqu’au scandale.
   La cour d’amour ne suffisait pas à trancher son problème d’amour, il fallait invoquer le jugement divin. Il y avait déjà pensé dans la chanson Le douloureux amour, et il croyait alors pouvoir échapper aux peines du jugement éternel par son image, dont la beauté l’aurait soulagé au plus profond de son cœur. Mais le rire de Béatrice, qui s’était déjà présenté comme un cauchemar, revient à son esprit : l’image de Béatrice ne pourra pas le soulager en enfer, car son rire est la dénonciation de son péché et de sa culpabilité devant Dieu, et Dieu aussi rira de lui avec elle. Il comprend alors que Béatrice s’est refusée à lui dès le début parce qu’elle était convaincue que la relation d’amour courtois était pécheresse et condamnée par Dieu. Son refus est la médiation par laquelle Dieu exprime son jugement sur la question d’amour : par le refus de le saluer et par la fuite, Béatrice condamne l’amour courtois et choisit comme amant Dieu lui-même.
   Dante n’aurait pu trouver le salut qu’en acceptant la mort que Béatrice lui infligeait et en mourant effectivement à l’amour courtois et à sa poésie d’amour.

   Une nouvelle Béatrice naît dans son cœur, non plus celle qu’il décrit dans le sonnet du rêve, jeune-fille qui, dans le sommeil de son adolescence, mange son cœur, mais celle du premier chapitre de la Vita Nuova, la fille habillée de blanc qui révèle une beauté venant du ciel et épouse la vertu. Sa beauté est le reflet de celle à travers laquelle Dieu regarde les choses qu’il crée par amour. Elle ne peut donc pas être inspiratrice de la poésie amoureuse, dont l’accent est la passion, mais d’une poésie qui ne peut être que louange d’une beauté qui nous dépasse et nous transforme. C’est ainsi que, par la même Béatrice, Dante passe de la poésie d’amour à la poésie de louange.

   Dante ne connaissait pas les hymnes homériques, mais il a pu trouver l’exemple d’une poésie de louange aussi bien dans la Bible que dans Boèce et les Odes d’Horace, mais surtout dans les Laudi en l’honneur de la Vierge. Béatrice étant considérée dans une fonction médiatrice de la création, elle était devenue poétiquement comme un être céleste, duquel on ne peut que « dire » ce qu’on voit. Tout ce qu’elle manifeste est objet de chant.
   Plusieurs, aujourd’hui, considèrent cette poésie comme allégorique, estimant que Béatrice a été allégorisée, personnifiée en une idée transcendantale, mais ce n’est pas exact : dans l’allégorie, on se sert de l’image d’une personne comme signe d’une réalité qui lui demeure étrangère alors que, dans la poésie de louange, Béatrice n’est pas une représentation sensible étrangère à une idée, dans la mesure où Dante croyait que la beauté divine se reflétait vraiment sur elle, en sorte que sa beauté, ses traits, son comportement, étaient son image. Béatrice, dans son existence réelle, était censée être une révélation personnifiée du modèle de la beauté divine, il ne s’agit donc pas d’allégorisation mais de sublimation. Béatrice ne sera allégorique que dans la Divine comédie.



c 1977




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