Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri

  Vede perfettamente onne salute
chi la mia donna tra le donne vede ;
quelle che vanno con lei son tenute
di bella grazia a Dio render merzede.

  E sua bieltate è di tanta vertute,
che nulla invidia a l’altre ne procede,
anzi le face andar seco vestute
di gentilezza, d’amore e di fede.

  La vista sua fa onne cosa umile ;
E non fa sola sé perer piacente,
Ma ciascuna per lei riceve onore.

  Ed è ne li atti suoi tanto gentile,
che nessun la si può recare a mente,
che non sospiri in dolcezza d’amore.

   Béatrice était une des dames de la communauté des fidèles d’Amour. Qu’on se rappelle le premier sonnet de Dante, par lequel il annonçait qu’elle était devenue sa dame, et aussi le sonnet à Guido, où il rêvait de voguer avec ses amis et leurs dames dans le vaisseau sur la grand mer. En tant que fidèles d’Amour, tous reconnaissaient en celui-ci leur seigneur, mais aucune dame n’aurait pu être considérée comme reine. Maintenant, avec le passage à la nouvelle poésie, les choses changeaient : Béatrice, étant assimilée à Amour, devenait la dame entre les dames, celle de la nouvelle courtoisie où la beauté épouse la vertu. Les autres femmes n’auraient-elles pas pu en être jalouses ?
   Dante les appelle dans ce sonnet à ne pas l’être. En effet le regard divin ne se reflète pas dans ses yeux seulement pour son union avec un homme, mais pour qu’elle soit le miroir du modèle de la beauté divine dans la création de l’univers. Béatrice est la dame de Dieu, la désirée du ciel, la médiation de l’amour moteur des astres, pour la diffusion de la lumière sur les hommes et les femmes. Les femmes ne peuvent pas en être jalouses, puisque c’est par elle qu’elles ont un rôle en amour.
   Ainsi Dante, après avoir lancé l’appel aux femmes pour qu’elles aient l’intelligence d’amour, les invite à se constituer en chœur pour rendre honneur à la dame des dames.