ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri




La fin de la poésie d’amour :

le refus de la dame gentille et de la petite enfant



Sommaire
Avertissement au lecteur
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Premiers vers

Introduction

Aux fidèles d’Amour

Les soixante belles de Florence

Béatrice, dame du secret d’Amour

La dame gentille

Béatrice refuse de saluer Dante

De l’amour à la louange

Lamentations sur la maladie de Béatrice

Mort et glorification

La dame gentille

La Pargoletta

Le refus de la dame gentille
- Le refus
- Les deux amours
- Vous qui savez
- Paroles qui le monde
   parcourez
- Ô douces rimes
- Amour, qui parle en
   mon esprit
- Douces rimes d’amour

La dame-pierre



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

   Étrange sort que celui de la dame gentille, si c’était vraiment cette dame que Dante avait aimée pour cacher son amour envers Béatrice ! Maintenant qu’elle était sure d’être devenue la seule dame et d’avoir détaché Béatrice du cœur du poète, elle découvrait qu’il s’était laissé prendre par un autre amour, d’autant plus véhément que son objet était plus jeune qu’elle. Il ne serait pas difficile de deviner sa réaction, même si la poésie de Dante était restée muette sur ce point, mais elle en parle : la dame gentille réagit de la même façon que Béatrice, elle le rejette.

   Une suite de poèmes, sonnets, ballades et chansons, nous permet de souligner les moments de cette histoire. Dante écrit un poème dans lequel il justifie ce double amour, dans la mesure où l’un est porté vers la vertu, l’autre vers la beauté, dans la mesure où vertu et beauté sont prérogatives d’Amour. Cette distinction est purement esthétique, et presque tragique, car elle amène les deux femmes à se disputer, comme si la vertueuse n’était pas aussi belle ou la belle non vertueuse ! Comme Hermès, Dante ne pouvait pas échapper à la haine des deux déesses, qui lui répondent par un regard hautain et méprisant.

   Nous pouvons suivre l’histoire avec la dame gentille. Dante compose une balladel’a-t-il fait jouer ? – dans laquelle il se plaint du changement de sa dame qui la rend méconnaissable à ses yeux, mais il assure qu’il est patient : son amour sera plus fort que le dédain de son aimée.
   Aucune réponse de la dame gentille. Dante compose alors un sonnet, qu’il feint d’adresser aux autres sonnets qu’il avait composés pour elle, pour leur dire que désormais ils resteront seuls, qu’ils n’auront plus de frères, car leur dame n’a plus d’amour. Ils doivent désormais chercher une autre dame ! Excuse pour justifier son nouvel amour ? Aurait-il aimé la petite enfant parce que la dame gentille ne l’aurait pas aimé ?
   Mais tout de suite, il compose un autre sonnet pour dire aux poèmes auxquels il avait envoyé le précédent de ne pas l’écouter, car il n’a pas dit la vérité : leur auteur ne recherche pas une nouvelle dame mais recherche le désir de ses yeux.
   Vient alors une chanson composée pour elle, Amor che ne la mente mi ragiona, chanson que Dante a confiée à son musicien Casella, puisqu’il la joue aux âmes dans le purgatoire. Mais si nous regardons cette admirable chanson avec des yeux critiques, nous nous apercevons qu’elle est allégorique, au sens où le poète rappelle la perfection de son aimée, mais seulement comme expression quasi picturale non pas d’elle mais d’une autre femme, le modèle de beauté que Dieu regarde quand il met en mouvement les cieux, et les cieux la terre, et la terre les hommes. Dante fait donc pour la dame gentille ce qu’il avait accompli pour Béatrice après son refus : il passe de la poésie d’amour à une poésie métaphysique, en célébrant l’aimée comme reflet du modèle universel de beauté. Il reconnaît la rupture mais reste amoureux de ce que sa dame exprime dans l’ordre de l’univers.
   Pouvait-il continuer dans l’allégorie ? Dans un dernier poème on constate qu’il se lasse car, dans la première stance, il annonce que, désormais, en raison du dédain de son aimée il entend abandonner la poésie douce d’amour pour passer à une poésie « âpre ». La dame gentille disparaît comme incarnation du modèle de perfection, et le poète veut changer de modèle à travers le concept, poésie qui n’est plus poésie d’amour, et même pas allégorique. On peut l’appeler à juste titre « philosophique », mais est-ce encore de la poésie, ou de la philosophie en rimes ?
   Mais pourquoi ne s’est-il pas réfugié dans la petite enfant ? Parce qu’elle est restée plus dédaigneuse encore que la dame gentille : recherchée pour sa beauté, elle lui répond comme la beauté aurait pu regarder un homme désormais mûr. Dante reste lié, mais pour la mort, il comprend qu’il n’y a pas plus grand amour que d’aimer sans être aimé. Combien de souvenirs, en ce moment, entre lui et ses amis, surtout ceux qui l’avaient interrogé sur le double amour et sur la plus grande douleur en amour. Dante n’avait pas alors compris, contrairement à Dante de Maiano, que la plus grande douleur en amour c’est d’aimer sans être aimé.



c 1977




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th11010 : 23/05/2021