ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri




Mort et glorification :

les yeux dolents




Vita Nuova XXXI

  Li occhi dolenti par la pietà del core
hanno di lagrimar sofferta pena,
sic he per vinti son remasi omai.
Ora, s’I’ voglio sfogar lo dolore,
che a poco a poco a la morte mi mena,
convenemi parlar treando guai.
E perché me ricorda ch’io parlai
de la mia donna, mentre che vivia,
donne gentili, volentier con vui,
non voi parlare altrui,
se non a cor gentil che in donna sia ;
e dicerò di lei piangendo, pui
che si n’è gita in ciel subitamente,
e ha lasciato Amor meco dolente.

  Ita n’è Beatrice in l’alto cielo,
nel reame ove li angeli hanno pace,
e sta con loro, e voi, donne, ha lassate :
no la ci tolse qualità di gelo
né di calore, come l’altre face,
ma solo fue sua gran benignitate ;
ché luce de la sua umilitate
passò li cieli con tanta virtute,
chef é maravigliar l’etterno sire,
sì che dolce disire
lo giunse di chiamar tanta salute ;
e fella di qua giù a sé venire,
perché vedea ch’esta vita noiosa
non era degna di sì gentil cosa.

  Partissi de la sua bella persona
piena di grazia l’anima gentile,
ed èssi gloriosa in loco degno.
Chi no la piange, quando ne ragiona,
core ha di pietra sì malvagio e vile,
ch’entrar no i puote spirito benegno.
Non è di cor villan sì alti ingegno,
che possa imaginar di lei alquanto,
e però no li ven di pianger doglia :
ma ven tristizia e voglia
di sospirare e di morir di pianto,
e d’onne consolar l’anima spoglia
chi vede nel pensero alcuna volta
quale ella fue, e com’ella n’è tolta.

  Dannomi angoscia li sospiri forte,
quando ’l pensero ne la mente grave
mi reca quella che m’ha ’l cor diviso :
e spesse fiate pensando a la morte,
venemene un disio tanto soave,
che mi tramuta lo color nel viso.
E quando ’l maginar mi ven ben fiso,
giugnemi tanta pena d’ogne parte,
ch’io mi riscuoto per dolor ch’i’ sento ;
e sì fatto divento,
che da le genti vergogna mi parte.
Poscia piangendo, sol nel mio lamento

chiamo Beatrice, e dico : « Or se’ tu
morta ?” ;        
e mentre ch’io la chiamo, me conforta.

  Pianger di doglia e sospirar d’angoscia
mi strugge ’l core ovunque sol mi trovo,
sì che ne ’ncrescerebbe a chi m’audesse :
e quale è stata la mia vita, poscia
cha la mia donna andò nel secol novo,
lingua non è che dicer lo sapesse :
e però, donne mie, pur ch’io volesse,
non vi saprei io dir ben quel ch’io sono,
sì mi fa travagliar l’acerba vita ;
la quale è sì ’nvilita,
che ogn’om par che mi dica : « Io
t’abbandono »,    
veggendo la mia labbia tramortita.
Ma qual ch’io sia la mia donna il si vede,
e io ne spero ancor da lei merzede.

  Pietosa mi canzone, or va piangendo ;
e ritruova le donne e le donzelle
a cui le tue sorelle
erano usate di portar letizia ;
e tu, che se’ figliuola di tristizia,
vatten disconsolata a star con elle.

  Les yeux dolents par la pitié du cœur
Ont souffert en pleurant une telle peine
Que vaincus ils s’estiment désormais.
Or si je veux épancher ma douleur,
Laquelle peu à peu à ma mort mène,
Il me convient que je prononce un lais.
Me souvenant que jadis je parlais
De ma dame quand elle était en vie,
Dames gentilles, je veux volontiers
Parler à vous et non à l’étranger
Si non à cœur gentil de dame amie ;
En pleurant donc je veux d’elle chanter
Qu’elle est montée au ciel subitement
Laissant Amour avec moi dolent.

  Béatrice est montée en haut du ciel,
Dans le royaume où les anges ont paix :
Pour être à eux, vous et nous a laissés.
Nul n’a pu l’enlever : ni le fort gel,
Ni la chaleur, comme en d’autres se fait,
Mais seulement sa grande dignité.
La lumière de son humilité
Fendit les cieux de si grande vertu
Que fit Dieu éternel si ébahir,
Que le plus doux désir
Le saisit d’appeler un tel salut :
Et il la fit d’ici au ciel venir
Voyant que cette vie ennuyeuse
N’était digne d’une chose si précieuse.

  L’âme partit de sa belle personne
Pleine de grâce et au regard gentil,
Et glorieuse demeure en lieu digne.
Qui ne la pleure quand il en raisonne
A cœur de pierre si méchant et vil
Qu’il ne peut concevoir pensée bénigne.
Intellect gentil n’est si indigne
Que bien qu’il imagine d’elle tant
Soit peu, n’est pas saisi de triste peine :
La détresse l’entraîne
À soupirer et mourir en pleurant,
Et de consolation l’âme s’aliène
En qui la voit telle qu’elle fut louée
Et comment nous a été enlevée.

  Tous mes soupirs me laissent sans confort
Quand à l’esprit une pensée vient grave
De celle qui divise encor mon cœur.
Souvent, alors que je pense à la mort,
Naît un désir aussi fort et suave
Que mon visage change de couleur.
Et quand l’imaginer prend épaisseur,
Une peine me vient de toute part
Qui me secoue par le mal que je sens :
Aussitôt je ressens
En moi la honte qui de tous gens part.
Et en pleurant, me plaignant dans mes
sens,      
J’appelle Béatrice : « Es-tu morte ? »

Et elle alors me réconforte.

  Je pleure de douleur et soupire d’angoisse
Mon cœur faiblit partout où je me trouve :
Pourrait le regretter qui m’entendrait.
Quelle a été ma vie, qui or m’harasse
Depuis qu’au ciel ma dame paix retrouve,
Il n’y a pas de langue qui pourrait
Le dire. Et même si je le voulais
Je ne saurais pas ce qu’elle me donne,
Tant elle me chagrine et m’humilie.
Elle est si avilie
Que tout le monde dit : « Je t’abandon-
ne » !      
En voyant ma figure affaiblie ;
Mais tel je suis ma belle dame voit
Et j’attends d’elle pitié par surcroît.

  Chanson compatissante, or va pleurant
Trouver la dame et les autres pucelles
Auxquelles
Tes sœurs donnaient d’habitude allégresse.
Et toi, qui es ma fille de détresse,
Va, désolée, et demeure avec elles.


Sommaire
Avertissement au lecteur
Capoversi
Premiers vers

Introduction

Aux fidèles d’Amour

Les soixante belles de Florence

Béatrice, dame du secret d’Amour

La dame gentille

Béatrice refuse de saluer Dante

De l’amour à la louange

Lamentations sur la maladie de Béatrice

Mort et glorification
- Les yeux dolents
- Au-delà des larmes
- Appel à la mort
- Les pèlerins
- Hélas !
- Outre la sphère

La dame gentille

La Pargoletta

Le refus de la dame gentille

La dame-pierre



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Sans commentaire.




c 1977




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