ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisLes poèmes d’amour
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Lamentations sur la maladie de Béatrice :délire |
Vita Nuova XXIII |
Donna pietosa e di novella etate, adorna assai di gentilezze umane, ch’era là ’v’io chiamava spesso Morte, veggendo li occhi miei pien di pietate, e ascoltando le parole vane, si mosse con paura a pianger forte. E altre donne, che si fuoro accorte di me per quella che meco piangia, fecer lei partir via, e appressarsi per farmi sentire. Qual dicea : « Non dormire », e qual dicea : « Perché sì ti sconforte ? » Allor lassai la nova fantasia, chiamando il nome de la donna mia. Era la voce mia sì dolorosa e rotta sì da l’angoscia del pianto, ch’io solo intesi il nome nel mio core ; e con tutta la vista vergognosa ch’era nel viso mio giunta cotanto, mi fece verso lor volgere Amore. Elli era tale a veder mio colore, che facea ragionar di morte altrui : « Deh, consoliam costui » pregava l’una l’altra umilemente ; e dicevan sovente : « Che vedestù, che tu non hai valore ? ». E quando un poco confortato fui, io dissi : « Donne, dicerollo a vui. Mentr’io pensava la mia frale vita, e vedea ’l suo durar com’è leggiero, piansemi Amor nel core, ove dimora; per che l’anima mia fu si smarrita, che sospirando dicea nel pensero: – Ben converrà che la mia donna mora. – Io presi tanto smarrimento allora, ch’io chiusi li occhi vilmente gravati, e furon sì smagati li spiriti miei, che ciascun giva errando ; e poscia imaginando, di caunoscenza e di verità fora, visi di donne m’apparver crucciati, che me dicean pur : – Morra’ti, morra’ti. – Poi vidi cose dubitose molte, nel vano imaginare ov’io entrai ; ed esser mi parea non so in qual loco, e veder donne andar per via disciolte, qual lagrimando, e qual traendo guai, che di tristizia saettavan foco. Poi mi parve vedere a poco a poco turbar lo sole e apparir la stella, e pianger elli ed ella ; cader li angelli volando per l’are e la terra tremare ; e domo apparve scolorito e fioco, dicendomi : – Che fai ? non sai novella ? morta è la donna tua, ch’era sì bella. – Levava li occhi miei bagnati in pianti, e vedea, che parean pioggia di manna, li angeli che tornavan suso in cielo, e una nuvoletta avean davanti, dopo la qual gridavan tutti : Osanna ; e s’altro avesser detto, a voi dire’lo. Allor diceva Amor : – Più nol ti celo ; vieni a veder nostra donna che giace. – Lo imaginar fallace mi condusse a veder Madonna morta; e quand’io l’avea scorta, vedea che donne la covrian d’un velo; ed avea seco umilità verace, che pare ache dicesse : – Io sono in pace. –
Io divenia nel dolor sì umile, veggando in lei tanta umiltà formata, ch’io dicea: – Morte, assai dolce ti tegno; tu dei omai esser cosa gentile, poi che tu se’ ne la mia donna stata, e dei aver pietate e non disdegno. Vedi che sì desideroso vegno d’esser de’ tuoi, ch’io ti somiglio in fede. Vieni, ché ’l cor te chiede. – Poi mi partia, consumato ogne duolo ; e quand’io era solo, dicea, guardando verso l’alto regno : – Beato, anima bella, chi te vede ! – Voi mi chiamaste allor, vostra merzede ». |
Dame au cœur tendre, dans la fleur de l’âge,
Ornée aussi de gentillesse humaine,Qui était là quand j’appelais la mort, Voyant traits de pitié sur mon visage Et perturbée de mes paroles vaines, Commença, par peur, à pleurer très fort. Des femmes s’apercevant de mon sort, En entendant les pleurs de la donzelle, Firent partir icelle, S’approchant de moi pour me secourir. « Il ne faut pas dormir » Dit l’une, et l’autre : « Plus de réconfort ? »
J’ai donc quitté l’étrange fantaisieEt appelé le nom de ma belle amie. Ma voix était si faible et douloureuse, Aussi brisée par l’angoisse et les larmes, Que j’entendis le nom seul dans le cœur. Et bien que mon visage une vue honteuse Offrait de moi, dépourvu de tous charmes, Amour me fit tourner vers la douleur Des dames qui, à ma blême couleur, Se mirent toutes à parler de mort. « Donnons le réconfort », Disait l’une à l’autre, humblement. Encor disaient souvent : « Qu’as-tu pour n’avoir plus de valeur ? » Je répondis, en me sentant plus fort : « Je le dirai, mesdames, sans effort ». Tandis que je pensais ma frêle vie, Soucieux de sa durée déjà brisée, Pleura Amour au cœur où il demeure. Mon âme égarée et affaiblie Disait, en soupirant, en sa pensée : « Il faudra bien que ma dame aussi meure ».
Je fus si égaré depuis cette heureQue je fermais mes yeux déjà meurtris, Dès lors tous mes esprits Furent si aliénés qu’allaient errants. Puis imaginant Hors de raison, qui est du vrai demeure, Je vis visages de femmes irritées : « Tu mourras » disaient-elles hantées. Et puis je vis des choses très affreuses, Errant en vain dans l’imagination : Il me semblait me trouver en un lieu Où je voyais des femmes coléreuses, Qui en pleurs, qui en lamentation, Qui par détresse décochant du feu. Le soleil m’est paru peu à peu Sombrer, et naître une étoile nouvelle, Et pleurer lui et elle ; Et les oiseaux en vol du ciel tomber Et la terre trembler. Un homme apparut, très pâle et creux, Disant : « Ne connais-tu pas la nouvelle ? Ta dame est morte, qui était si belle. » En soulevant mes yeux baignés de larmes Je voyais, telle une pluie de manne, Monter les anges, chacun vers son étoile, Suivant une nuée pleine de charmes : Tous chantaient derrière elle : « Hosanna ».
Tout ce qu’ils ont chanté ici dévoile.Disait Amour : « Plus ne te le voile, Viens voir ici notre dame qui gît. » Fantaisie me conduisit, Bien que trompeuse, voir ma dame morte. Je vis comme une escorte Des femmes qui la recouvraient d’un voile. En elle brillait l’humilité vraie, Elle semblait dire : « Je suis en paix ». Je devenais si humble en ma douleur, Voyant marquée la douceur de son âme, Que je disais : « Mort, tu es douce, enfin, Devenue désormais gentille fleur Depuis que tu as visité ma dame : Tu as de la pitié, non du dédain. Je n’ai pas désiré, certes, en vain D’être des tiens, unis d’une même foi. Viens car mon cœur te reçoit : il te choie. » Puis je partis, ma douleur consommée. Tout seul, j’ai continué, Tournant les yeux vers le ciel souverain : « Heureux celui, belle âme, qui te voit, Moi je n’étais que votre prix de droit ». |
Sommaire Avertissement au lecteur Capoversi Premiers vers Introduction Aux fidèles d’Amour Les soixante belles de Florence Béatrice, dame du secret d’Amour La dame gentille Béatrice refuse de saluer Dante De l’amour à la louange Lamentations sur la maladie de Béatrice - Les soucis de Dante - Les pleurs de Béatrice - Dante pleure la maladie de Béatrice - Amour mélancolique - Le délire de Dante Mort et glorification La dame gentille La Pargoletta Le refus de la dame gentille La dame-pierre . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . |
C’est dans un délire que le pressentiment de la mort de Béatrice se transforme en expérience tragique. Dante se réfère sans doute à un véritable délire causé par la fièvre, mais est-ce la fièvre qui lui a donné l’expérience de la mort, ou la conviction que Béatrice allait mourir qui l’a fait tomber dans ce délire ? Toujours est-il qu’il expérimente cette mort comme un événement tragique. Il décrit la scène extérieure : la jeune-fille qui s’épouvante, les femmes qui accourent pour la consoler, le récit de sa vision ; mais il présente surtout la tragédie de son esprit, car il entre dans les affres de la mort. C’est la fin de l’existence de Béatrice, mais aussi de la sienne, et surtout la fin d’un monde, celui de l’amour courtois. Il voit cette fin avec les images de l’eschatologie chrétienne : le soleil s’obscurcit, les étoiles tombent, la lune pâlit. Béatrice est la dernière jeune-fille que Dieu a offerte à l’amour courtois, pour qu’elle meure à cet amour et que cet amour meure en elle. Dieu a sauvé les hommes de l’amour courtois par Béatrice. C’est aussi la mort d’Amour, c’est pour cela qu’il avait vu dans Mélancolia Amour en pleurs. Pour exprimer cette vision, un sonnet était trop court, aussi Dante a recours à une chanson. Si elle n’est pas la plus belle ni la plus parfaite, celle-ci est sans aucun doute la plus profonde, la plus lyrique, la plus tragique au sens moderne du mot. Le style en est comme la forêt de l’égarement du poète dans la Divine comédie : « forêt sauvage, et âpre et forte ». Toute la Divine comédie se trouve déjà dans cette chanson, et évidemment la Vita nuova. Mais n’y a-t-il donc plus d’amour pour Dante ? Après Béatrice, ne composera-t-il plus de poésie d’amour ? |
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![]() ![]() ![]() ![]() ![]() th07050 : 16/05/2021 |