ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


Auteurs Méthode Textes
Plan Nouveautés Index Liens Aide





Ennio Floris


Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri




Aux fidèles d’Amour :

Amour et aventure d’amour




Rime XCV
A messer Cino per riposta

  I’ ho veduto già senza radice
legno ch’è per omor tanto gagliardo,
che que’ che vide nel fiume lombardo
cader suo figlio, fronde fuor n’elice ;

  ma frutto no, però che ’l contradice
natura, ch’al difetto fa riguardo,
perché conosce che saria bugiardo
sapor non fatto da vera notrice.

  Giovane donna a cotal guise verde
talor per gli occhi sì a dentro è gita,

che tardi poi è stata la partita.

  Periglio è grande in donna si vestita :
però [l’affronto] de la gente verde
parmi che la tua caccia [non] seguer de’


  Voici d’un tronc sans racine notice :
Il paraît dans sa sève aussi gaillard
Que celui qui dans le fleuve lombard
Vit choir son fils ; feuillage le tapisse

  Sans cependant de fruits, n’étant propice
La nature qui jette son regard
Sur tout défaut. Elle sait que vantard
Serait un goût pas fait pour sa nourrice.

  La jeune-femme en âge encore verte
Souvent dedans nos yeux si longtemps tourne
Qu’on ne sait pas quand elle retourne.

  C’est un danger en femme si couverte.
Je souhaite que ta chasse se détourne
De poursuivre la belle gens verte.

Sommaire
Avertissement au lecteur
Capoversi
Premiers vers

Introduction

Aux fidèles d’Amour
- Noble ou roturière ?
- Bons et faux-jours
- Fidélité, plaisir, désir
- Amour et désir
- Amour et Béatrice
- Le vaisseau des fidèles
   d'Amour
- Désagrégation du
   compagnonnât
- Après Lappo
- Amour et cœur gentil
- Amour, volonté du
   cœur
- Violence et douceur
- Plaisir de cour
- Vengeance d’Amour
- Vision d’Amour
- Douleur d’amour
- La douleur en amour
- Remèdes d’amour
- Amour et aventure
- Déclin du fin amor
- De passion en passion
- Intelligence d’amour
- Poésie d’amour
- Un sonnet comme
   expression d’amour
- Poésie et musique
- Poésie allégorique
- Impitoyable, dédai-
   gneuse et superbe

Les soixante belles de Florence

Béatrice, dame du secret d’Amour

La dame gentille

Béatrice refuse de saluer Dante

De l’amour à la louange

Lamentations sur la maladie de Béatrice

Mort et glorification

La dame gentille

La Pargoletta

Le refus de la dame gentille

La dame-pierre



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

   C’est le premier sonnet de sa correspondance avec Cino da Pistoia. Dante fut sans doute le premier des grands qui ait reconnu le génie lyrique de ce jeune poète, chez qui la douceur rejoignait la plus suave mélodie. Dante ne s’était pas trompé, car aujourd’hui on considère sa poésie comme la médiation entre Dante et Pétrarque… et Dante ne s’était trompé non plus sur le caractère du jeune poète, qui se laissait attirer par le regard des femmes comme un insecte par la lumière.
   Cino envoie à Dante un sonnet fort exquis (R.XCIV), dans lequel il dit rester foudroyé par le regard d’une jeune-fille qui semble s’offrir comme sa « Béatrice de cœur ». Mais il redoute ces regards, car après l’expérience qu’il a eue avec une autre dame qui vient de le quitter il ne devrait que se méfier de l’amour. Et si la « branche verte » était pire que la « branche obscure » ?
   Dante lui répond par un sonnet lourdaud et embarrassé. En prenant le point de départ de la « branche verte », il assimile Cino à deux images qui ne sont pas du même genre. Tout d’abord à Phaéton, fils du Soleil, qui, ne sachant suivre son père à la même hauteur et devenant un danger, tombe dans le Pô brûlé par le soleil, puis à un tronc d’arbre flottant qui, tout en n’ayant pas de racines, se couvre de branches vertes mais ne porte pas de fruits : métaphores équivoques qui exaltent et condamnent en même temps l’ami. Il est comme Phaéton qui veut se tenir près du soleil sans avoir la force de rester à la même hauteur, il est comme un arbre qui, sans racines, peut encore porter des feuilles mais pas des fruits.
   Peut-être Dante a-t-il été surpris et offensé que Cino ait pu croire que la jeune-fille qui l’a séduit est devenue sa « Béatrice du cœur » : Dante n’avait pas osé aller aussi loin avec la sienne, qu’il avait reconnue seulement comme « dame de son esprit » (mente). Non, Cino ne pouvait pas espérer cela, car il lui manquait la hauteur pour suivre l’amour dans toutes ses exigences, il n’avait pas la racine de l’amour. Il valait mieux qu’il cesse de courtiser cette fille-là : au lieu de se leurrer en tentant de la transformer en Béatrice, il devait penser qu’il l’exposait à un grand péril car, une fois qu’une jeune-fille est entrée dans les yeux d’un homme, on ne sait pas quand elle pourra en ressortir.


c 1977




Retour à l'accueil La douleur en amour Haut de page Le déclin du fin amor      écrire au webmestre

th01180 : 07/04/2021