ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri




Aux fidèles d’Amour :

Désagrégation du compagnonnât
des fidèles d’Amour




Attribution douteuse I

  Amore e monna Lagia e Guido ed io
possiamo ringraziare un ser costui
che ’nd’ha partiti, sapete da cui ?
Nol vo’ contar per averlo in oblio ;

  poi questi tre più non v’hanno disio,
ch’eran serventi di tal guisa in lui
che veramente più di lor non fui
imaginando ch’elli fosse iddio.

  Sia ringraziato Amor, che se n’accorse
primieramente, poi la donna saggia,
che ’n quello punto li ritolse il core

  e Guido ancor che n’è del tutto fore ;
ed io ancor che ’n sua vertute caggia :
se poi mi piacque, nol si crede forse.


  Amour et dame Lagia, moi et Guy
Nous pouvons un certain remercier
Qui nous sépare, savez-vous qui ?
Je veux me taire, voulant l’oublier.

  Puis ces trois sont tombés dans l’ennui
Eux qui étaient servants sachant l’aimer
Si que je ne l’ai plus qu’eux servi
Bien qu’enclin comme dieu l’imaginer.

  Loué Amour qui s’en est aperçu
Premièrement, après la dame sage
Qui à ce point lui a repris le cœur.

  Et Guy encore qui se trouve ailleurs,
Et après moi qui par vertu m’engage.
Et ça m’a plu, mais personne ne m’a cru.

Sommaire
Avertissement au lecteur
Capoversi
Premiers vers

Introduction

Aux fidèles d’Amour
- Noble ou roturière ?
- Bons et faux-jours
- Fidélité, plaisir, désir
- Amour et désir
- Amour et Béatrice
- Le vaisseau des fidèles
   d'Amour
- Désagrégation du
   compagnonnât

- Après Lappo
- Amour et cœur gentil
- Amour, volonté du
   cœur
- Violence et douceur
- Plaisir de cour
- Vengeance d’Amour
- Vision d’Amour
- Douleur d’amour
- La douleur en amour
- Remèdes d’amour
- Amour et aventure
- Déclin du fin amor
- De passion en passion
- Intelligence d’amour
- Poésie d’amour
- Un sonnet comme
   expression d’amour
- Poésie et musique
- Poésie allégorique
- Impitoyable, dédai-
   gneuse et superbe

Les soixante belles de Florence

Béatrice, dame du secret d’Amour

La dame gentille

Béatrice refuse de saluer Dante

De l’amour à la louange

Lamentations sur la maladie de Béatrice

Mort et glorification

La dame gentille

La Pargoletta

Le refus de la dame gentille

La dame-pierre



. . . . . . . - o 0 o - . . . . . . .

   Dante avait-il vraiment espéré composer avec ses amis une communauté affective et poétique telle qu’il l’avait exprimée par le vaisseau sur la mer ? Je pense que oui, contrairement à Cavalcanti qui, lui, l’avait considérée comme une utopie, surtout si leurs dames restaient les femmes qu’elles étaient. Mais les chevaliers d’Amour, eux les poètes, les hommes, avaient-ils songé à changer ? Ce sonnet, qui met fin à la vision du premier, nous donne une réponse.
   Dante l’adresse probablement au même Guy. Il n’y a plus de bateau, mais les personnages sont les mêmes : Dante, sa dame sous le nom d’Amour, Lagia et Guy Cavalcanti. Et Lapo, chevalier de Lagia ? Il est là lui aussi, mais sans être nommé, comme celui que les autres doivent remercier pour les avoir séparés d’Amour. Mais les trois autres aussi sont divisés par l’ennui, parce qu’ils n’ont plus le désir d’aimer.
   Si on cherche à savoir ce qu’avait fait Lapo, on bute contre l’intrigue des textes et il est difficile de connaître le fait avec exactitude. On peut cependant constater que Lapo avait composé une chanson, Amour, nouvelle et antique vanité qui, plus qu’un poème, était un véritable réquisitoire contre Amour, qu’il accuse d’être nu, mendiant, instable, enfant, principe de corruption de laideur et de mort. Il ne se contente pas de se plaindre, mais il accuse, affirmant dans chaque strophe « Et uil tremine » (je le prouve). « Je ne veux pas que tu me possèdes comme un enfant, désormais comme un champion je te défie avec la massue et le bouclier » ! Nouvel Hercule dressé contre Amour, ou peut-être individu qui veut être homme à l’encontre de ses passions et d’une vie sans raison.

   Si on se rapporte à deux sonnets composés par Cavalcanti cette image de l’homme-héros se ternit quelque peu. Ce sont des poèmes adressés à Dante. Dans le premier, Si tu vois Amour, je te prie assay, Dante, il accuse Lupo d’être un homme lâche en amour, puisqu’il ne prend pas soin d’une femme aussi belle qu’adonnée à l’amour ; cette femme est Lagia. Dans le deuxième, Dante, un soupir messager du cœur, il se trouve encore avec Amour, qui lance un trait sur Lagia, l’attirant vers un autre amant. De ces lectures, on peut conclure que Lupo a composé son réquisitoire contre Amour après avoir souffert dans sa relation avec Lagia et en avoir été quitté.
   Mais Dante semble s’amuser de cette histoire, puisqu’il affirme qu’on doit remercier Lapo de les avoir séparés d’Amour, comme on doit remercier tous ceux qui se sont aperçus de la rupture, dont au fond il est content. Mais pourquoi ? Il ne le dit pas. Peut-être y voit-il le commencement de cette crise dans l’amour courtois qui l’amènera à la Vie Nouvelle, puis à la Divine Comédie : il perçoit cette rupture entre les fidèles d’Amour comme le crépuscule du salut par l’amour annonçant l’aube du salut par la grâce. Mais il reste encore fidèle à Amour, comme s’il voulait parvenir à cette aube par le chemin de la souffrance et de la mort.


c 1977




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th01070 : 10/04/2020