Les poèmes d’amour
de  Dante  Alighieri

  Messer Brunetto, questa pulzelleta
con esso voi si ven la pasqua a fare :
non intendete pasqua di mangiare,
ch’ella non mangia, anzi vuol esser letta.

  La sua sentenzia non richiede fretta,
né luogo di romor né da giullare ;
anzi si vuol più volte lusingare
prima che ’n intelletto altrui si metta.

  Se voi non la intendete in questa guisa,
in vostra gente ha molti fratri Alberti
da intender ciò ch’è posto loro in mano.


  Con lor vi restringete sanza risa ;
e se li altri de’ dubbi non son certi,
ricorrete a la fine a messer Giano.

   Le destinataire de ce sonnet reste dans l’ombre, même si on pense à l’un ou l’autre des Brunelleschi vivant à cette époque, mais peu importe. Il s’agit d’un billet que Dante envoie à un de ses amis pour l’avertir qu’il lui a envoyé un cadeau, une « petite pucelle », un petit poème naturellement. Il convient de chercher à connaître les caractères de cette pucelle.
   Étant assimilée à une fille encore adolescente, elle se présente pour la nouveauté de sa forme et de sa beauté, mais il faut faire attention. À première vue elle peut être prise pour une ballade ou un poème courtois d’amour, tellement elle attise la sensibilité et le goût, mais c’est une apparence de forme, pour mieux atteindre l’intelligence. Il s’agit d’une poésie dont la beauté de la forme est destinée à susciter l’intérêt pour la « sentence », c’est-à-dire pour le concept de son contenu. Cela peut être obscur, et exiger une interprétation.
   Par ces caractéristiques on doit conclure qu’il s’agit d’un poème allégorique, c’est-à-dire à double sens, l’un apparent, doux et agréable, l’autre caché, destiné à être découvert par l’image de la forme. Et puisqu’il s’agit d’une fille en très jeune âge et encore inconnue, on doit croire qu’elle constitue la première composition allégorique.

   Peut-on reconnaître ce petit poème allégorique parmi les vers existants de Dante ? Je pense qu’il peut s’agir du petit poème en forme de ballade I’ mi son pargoletta bella e nova (R.LXXXVII). Je situerai ce poème à la fin de la poésie amoureuse et au début des poèmes allégoriques, poème donc qui ouvre au poète le chemin d’une nouvelle forme de poésie.