Sommaire
GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS
LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU
LECTURE DU RÉCIT DE LUC
L’annonce faite à Marie
La visite à Élisabeth
- Une visite théologique
- Schéma versus données
- Articulation de la visite
- Salutation de Marie
- Louange à Marie
Le recensement
Couché dans une crèche
Les bergers
Le nom de Jésus
La purification
Un homme appelé Syméon
Le signe de la contradiction
L’épée
Anne la prophétesse
Marie gardait ces paroles
CONCLUSION
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Les tensions entre schéma théologique et données référentielles
Dans le récit, cependant, des tensions apparaissent qui donnent à voir que ce schéma théologique ne parvient pas tout à fait à traduire dans une signification cohérente toutes les données référentielles du texte.
Il convient avant tout de s’interroger au sujet de son commencement : « Dans ce même temps, Marie se leva et s’en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Judée » (Lc 1:39). Pourquoi la décision soudaine et hâtée d’un voyage que l’annonce, à son niveau théologique, n’impliquait pas ? Car l’ange Gabriel n’a pas demandé à Marie d’aller quelque part, mais il lui a plutôt indiqué de rester prête à l’événement qui devait se passer en elle. Quelque chose s’est passé entre l’annonce et la décision de cette visite, et ce quelque chose c’est qu’elle est devenue enceinte. Ce n’est donc pas l’annonce qui motive ce départ, mais la prise de conscience qu’elle est enceinte. Or Luc cache cette motivation, cherchant à inscrire le voyage dans le seul cadre de son schéma théologique, qui cependant ne pouvait l’assumer qu’au prix d’une rupture et d’un vide.
Ainsi sommes-nous obligés de quitter le niveau intentionnel du texte pour nous reporter au niveau des structures. En effet, selon le modèle de la naissance du héros, la vierge-mère, aussitôt enceinte, s’enfuit pour se cacher et n’être pas découverte, et d’autre part pour se rendre au lieu décidé par Dieu pour son accouchement. La visite à Élisabeth trouve son fondement dans le premier thème du voyage de la mère du héros.
Il convient alors de conclure que Luc n’a pas abandonné le schéma, mais qu’il a voulu que Marie suive l’itinéraire tracé par l’héroïne du mythe. Marie se rend donc chez Élizabeth – cadre théologique – pour réaliser la fuite et la dissimulation que la structure de son personnage exige.
Mais Luc n’aurait pas fait subir à Marie cette péripétie si cette exigence structurale n’avait pas été en correspondance avec les données référentielles, c’est-à-dire les informations qui lui avaient servi de matière pour son récit. La visite n’est qu’une sublimation de la fuite à laquelle Marie a été contrainte après avoir été trouvée enceinte : éloignée ou chassée de sa maison, elle fut probablement, dans un premier moment, envoyée au loin, chez quelque parent dans les montagnes de Judée. Ainsi, par le truchement du modèle structural, il nous est possible, par-delà le personnage théologique, d’atteindre la Marie réelle.
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