Sommaire
GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS
LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU
LECTURE DU RÉCIT DE LUC
L’annonce faite à Marie
La visite à Élisabeth
- Une visite théologique
- Schéma versus données
- Articulation de la visite
- Salutation de Marie
- Louange à Marie
Le recensement
Couché dans une crèche
Les bergers
Le nom de Jésus
La purification
Un homme appelé Syméon
Le signe de la contradiction
L’épée
Anne la prophétesse
Marie gardait ces paroles
CONCLUSION
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La salutation de Marie à Élisabeth
Arrivée dans la maison de Zacharie, Marie salue Élisabeth. À sa voix, l’enfant que celle-ci porte en son sein tressaille, et Élisabeth « est remplie du Saint Esprit » (Lc 1:41). Marie apparaît dans tout l’éclat propre à la mère du Sauveur, accueillie avec empressement, comme si elle était attendue pour accomplir l’événement de Dieu sur Jean. C’est dans cette rencontre que celui-ci est sanctifié, mis à part pour Dieu, Marie étant l’instrument de cette sanctification.
Il convient de noter le bouleversement que ce récit opère dans la théologie car, selon la tradition de Marc, Jésus reçoit l’Esprit et est déclaré fils de Dieu à l’issue de son baptême par Jean, baptême qui devient le support de son messianisme. Ici, par contre, Jésus possède la plénitude de l’Esprit dès sa conception, et il transmet son Esprit sur Jean par la médiation de Marie. Il serait impossible de trouver une théologie mariale plus décise et mieux définie : Marie est le lieu de la déclaration de Jésus comme fils de Dieu, source du sacré, elle devient aussi le fondement de la sacramentalité de l’Église.
Il est difficile de retrouver dans ce texte les vestiges de l’autre Marie, celle du niveau référentiel qui suit toujours le personnage théologique comme une ombre. Ici l’ombre disparaît, absorbée par la figure lumineuse de la « mère du Seigneur ».
Toutefois, pour peu qu’on s’efforce de revenir à la cohérence structurale du récit, on s’aperçoit que ce personnage se situe à l’aboutissement d’un processus de sublimation dont l’autre Marie est l’image refoulée. En effet, Marie peut se présenter dans la maison d’Élisabeth avec l’éclat propre à la mère du Christ dans la mesure où celle-ci avait assumé sa condition de femme « trouvée enceinte » au sixième mois de sa grossesse et contrainte, par honte et peur, à se cacher.
Mais si on ôte à Élisabeth cette fonction littéraire, Marie ne peut s’approcher de sa maison que comme une jeune-fille craintive, qui n’ose même pas saluer, si grande est sa confusion. La puissance sacralisante de la salutation de Marie au niveau théologique du texte cache donc la présence de l’autre Marie qui, au niveau de l’infrastructure du texte, reste muette, en quête d’un refuge par-delà les lois et la coutume.
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