Les récits de la naissance de Jésus

   Étrange et mystérieux personnage que celui de Syméon. Il apparaît au moment où la scène de la présentation se clôt par l’offrande, en accomplissant un geste qui n’était pas prévu par le rituel. De plus, il est étranger au temple, puisqu’il n’y vient pas pour exercer une fonction mais « poussé par le Saint Esprit » (Lc 2:27), ce qui revient à dire par une inspiration personnelle. Et cependant il s’approche de Marie et de l’enfant comme si la cérémonie n’était pas encore terminée, de telle façon que tout ce qui s’est déroulé ne semble qu’une introduction à ce qu’il fait et dit. Quelles sont ses relations avec les personnages du récit ? On pourrait dire qu’elles sont nulles, puisqu’il n’a pas d’attaches au temple et n’est pas parent de Marie ni de Joseph.
   Luc commence à parler de lui à la façon d’une histoire : « Or il y avait à Jérusalem un homme, du nom de Syméon » (Lc 2:25). « Un homme », on n’aurait pas pu en dire moins, car il n’est pas inscrit dans une famille et Luc ne nous renseigne pas sur sa condition sociale, il ne nous dit même pas s’il est marié « aner » mais seulement « antropos », « un tel », sans distinction d’état et sans aucun support concret.

   Ce manque de relation avec le réel nous oblige à ne voir en lui qu’un personnage, qui n’a d’existence que dans le texte, par l’action qu’il accomplit et les paroles qu’il dit : sa personnalité se confond avec le sujet de son discours. Dès lors, il convient de rechercher son origine dans le cadre de la problématique du récit. S’il apparaît, c’est qu’il était demandé par le contexte du discours, porté d’avance par le modèle structural aussi bien que par le niveau référentiel. Il ne surgit pas du souvenir des choses vues, mais de cet univers d’images que Luc crée par son discours. À cet égard, il possède une existence beaucoup plus importante que s’il avait été une personne, puisqu’elle est éternelle et universelle.