Sommaire
GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS
LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU
LECTURE DU RÉCIT DE LUC
L’annonce faite à Marie
La visite à Élisabeth
Le recensement
Couché dans une crèche
Les bergers
Le nom de Jésus
La purification
Un homme appelé Syméon
- Introduction
- L’errance de Marie
- Syméon sans contexte
- Marie, Judith et Dina
- Syméon peut mourir
Le signe de la contradiction
L’épée
Anne la prophétesse
Marie gardait ces paroles
CONCLUSION
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Le cantique de Syméon
Quant au cantique, il est dans une correspondance quasi sacramentelle avec le geste de Syméon, puisqu’il traduit en paroles et manifeste ce mystère dont le geste n’était qu’un signe. Syméon apparaît revêtu d’un caractère sacerdotal, exerçant une fonction qui le situe au-delà de la prêtrise juive. Ainsi, par son action, la cérémonie de la purification se transmue-t-elle en un rite nouveau, la présentation, d’une portée messianique et eschatologique.
En se disant soi-même « serviteur » (doulos), Syméon précise son rôle, qui s’inscrit dans le cadre du message d’Isaïe. Il est ce serviteur de l’Éternel qui, chez le grand prophète, personnifie la souffrance et l’attente du peuple. Et, puisqu’il a vu le Christ du Seigneur, il ne lui reste plus qu’à s’en aller dans la paix. Il faut noter avant tout qu’il ne dit pas « le Christ », ou « le Sauveur », mais « le salut » (soterion). C’est qu’il voit dans l’enfant l’accomplissement de son œuvre de libération des hommes, il ne s’agit donc pas d’une vision physique, mais prophétique.
En raison de la correspondance des paroles et du geste, il s’ensuit que celui-ci aussi se révèle prophétique. En prenant l’enfant dans ses bras, Syméon le soulève comme on élève une lampe pour éclairer et, puisque son geste a une valeur de signe, il se place dans l’espace et dans le temps cosmiques, afin que Jésus soit révélé dans sa puissance libératrice face à tous les peuple, Israël aussi bien que les Nations. Pour Israël, cette libération représentera sa gloire, pour les Nations elle sera une révélation.
Il peut s’en aller en paix ! Il peut bien mourir maintenant qu’il a vu le salut, lui dont l’existence n’était que pour la mort. Mais, fait significatif, le mot « mort » n’est pas repris.
Cette omission nous oblige à rechercher le sens de cette mort dans les multiples significations du verbe « laisser » (apolueis). Verbe étonnant, car il signifie aussi se coucher et naître, répudier et renvoyer, délier et libérer. On peut alors penser que Luc a omis le mot « mourir » pour pouvoir inscrire le départ du serviteur dans le cadre de cette densité sémantique. Il est délié, comme un esclave, des chaînes qui l’attachaient à sa prison ; il est déchargé, comme l’enfant du ventre de sa mère ; il est délivré, comme le regard de l’ombre aussitôt que les yeux s’ouvrent. Le mourir du serviteur est tout cela : mourir à la servitude et à la loi, naître à la liberté et à la lumière.
J’ai dit que ces paroles ont une portée messianique et eschatologique, et qu’elles se rapportent à un événement qui se situe dans le futur. Il s’agit cependant d’un futur par rapport à la scène du texte et non à Luc lui-même ou au lecteur. Pour eux, cet eschatologique était leur présent.
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