ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les récits de la naissance de Jésus





Lecture du récit de Luc :

Il y avait un homme appelé Syméon


Sommaire

GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS

LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU

LECTURE DU RÉCIT DE LUC
L’annonce faite à Marie
La visite à Élisabeth
Le recensement
Couché dans une crèche
Les bergers
Le nom de Jésus
La purification
Un homme appelé Syméon
- Introduction
- L’errance de Marie
- Syméon sans contexte
- Marie, Judith et Dina
- Syméon peut mourir
Le signe de la contradiction
L’épée
Anne la prophétesse
Marie gardait ces paroles

CONCLUSION



. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Dina et Judith



   Si on tient compte de la fonction représentative du personnage, on peut bien comprendre que son nom ne pouvait pas être nouveau, mais devait se référer à la figure messianique qui correspondait le mieux au contexte littéraire de l’évangile de Luc : il ne pouvait pas être tout à fait gratuit. Si, dans les temps anciens, on donnait aux hommes un nom visant à exprimer le trait fondamental de leur caractère, à plus forte raison le nom était-il en correspondance avec la fonction et le caractère lorsqu’il s’agissait de personnages littéraires.

   Syméon était un des fils de Jacob. Il est resté célèbre dans l’épopée juive par l’exploit qu’il avait accompli, avec son frère Levi, pour venger sa sœur Dina. Celle-ci en effet, étant sortie de sa maison pour rencontrer d’autres jeunes-filles, fut enlevée par Sichem, fils du roi palestinien Homer, et violée. Quoique Sichem ait manifesté la volonté de l’épouser, et même de se soumettre avec tout son peuple à la circoncision, Syméon, par ruse, profita de l’absence des hommes pour venger sa sœur en passant au fil de l’épée tous les habitants de Sichem. Quoique le fait fut diversement jugé par les écoles rabbiniques, il n’en reste pas moins qu’il restait écrit dans les annales héroïques du peuple, symbole de la vengeance des filles d’Israël contre les déshonneurs subis du fait d’étrangers.
   Cet exploit avait été pris par l’auteur de l’écrit apocryphe Judith comme thème fondamental du drame. Judith, l’héroïne, décide de se rendre chez Holopherne, chef de l’armée ennemie qui assiège sa ville, afin de le séduire et, par ruse, de le tuer. L’auteur inscrit cette trame dans le thème héroïque de la vengeance de Syméon, en créant un personnage de femme dans lequel la honte de Dina s’unit à l’esprit vengeur de Syméon. Ainsi Judith est-elle présentée comme descendante de Syméon.
   Son projet, dangereux et presque insensé, prend un sens précis par son inscription dans la conscience héroïque juive dans la mesure où Holopherne est chargé du crime commis par Sichem, cependant que Judith incarne la honte subie par Dina et la colère de son frère. C’est ainsi qu’avant de faire part de son projet au peuple, elle s’adresse au Dieu de son père Syméon qui, armé d’un glaive, a vengé une vierge dont les étrangers « défirent la ceinture, mirent son flanc à nu, à sa confusion, et profanèrent son sein à son déshonneur » (Jdt 9:2). Sa victoire sera marquée non seulement parce qu’elle aura tranché la tête d’Holopherne, mais aussi parce qu’elle réussira à le séduire sans pécher. Par elle, Dina avait reconquis son honneur.

   Luc avait déjà assimilé Marie à Judith, lorsqu’il avait mis dans la bouche d’Élisabeth les paroles qu’Ozias avait prononcées à l’adresse de l’héroïne après son exploit contre Holopherne. L’apparition dans le texte du personnage de Syméon confirme et approfondit cette assimilation, dans la mesure où il rattache la maternité de Marie au drame de Dina et à l’exploit vengeur de Syméon.
   Nous avons déjà souligné que Judith avait fait sienne la honte subie par Dina, puisqu’en voulant séduire Holopherne elle s’était exposée à sa séduction. Aux yeux des gens, surtout des païens, elle n’était qu’une prostituée. Marie aussi, dans son exploit messianique, avait incarné Dina à sa façon, car pour devenir mère du Christ, elle avait dû passer pour une femme séduite et séductrice. Or ceux qui la considéraient comme telle étaient les juifs, devenus désormais étrangers aux promesses.
   Mais tandis que Judith avait montré qu’elle n’avait pas péché avec l’étranger puisque sa séduction était devenue arme de vengeance, Marie n’avait d’autre moyen que de présenter son enfant. Certes, elle était réintégrée dans son honneur de vierge aussitôt qu’on croyait au messianisme de son fils, mais qui pouvait amener les gens à cette reconnaissance ? Qui aurait pu faire voir dans cet enfant le Christ Seigneur, vengeur du peuple et aussi de l’honneur de ses filles ?
   Syméon apparaît aux côtés de Marie dans ce but. Si, au lieu de Syméon, Luc avait fait apparaître un autre ancêtre, tel que Joseph, celui-ci aurait certes dévoilé le mystère de l’enfant, mais il n’en aurait pas manifesté la puissance de vengeance. La tâche de cette manifestation est confiée à Syméon, qui joue donc un double rôle : personnifier la conversion du peuple juif à l’évangile, et révéler la délivrance par la vengeance sur les ennemis. Conversion et délivrance, événements eschato­logiques, mais que Luc place parmi les faits messianiques dans le but de libérer Marie et l’enfant de toute souillure. Les deux discours de Syméon s’inscrivent dans le cadre de ce double rôle.



1982




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tj22083 : 08/12/2018