ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Les récits de la naissance de Jésus





Lecture du récit de Luc :

La visite à Élisabeth


Sommaire

GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS

LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU

LECTURE DU RÉCIT DE LUC
L’annonce faite à Marie
La visite à Élisabeth
- Une visite théologique
- Schéma versus données
- Articulation de la visite
- Salutation de Marie
- Louange à Marie
Le recensement
Couché dans une crèche
Les bergers
Le nom de Jésus
La purification
Un homme appelé Syméon
Le signe de la contradiction
L’épée
Anne la prophétesse
Marie gardait ces paroles

CONCLUSION



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La louange à Marie



   Élisabeth et Marie sont si dupes dans leur rôle qu’elles se trahissent aussitôt qu’elles parlent.

   Après la salutation de Marie et sentant le tressaillement de l’enfant dans son sein, Élisabeth s’exclame : « tu es bénie entre les femmes et le fruit de ton sein est béni » (Lc 1:42). Luc met dans la bouche d’Élisabeth les paroles qu’Ozias avait prononcées à l’adresse de Judith, lorsque celle-ci lui avait présenté la tête d’Holopherne (Jdt 13:18). Sans doute emprunte-t-il ce passage avec une visée moins théologique que psychologique : il assimile Marie à Judith dans le but de faire apparaître par l’image de celle-ci cette Marie qu’il est contraint de refouler dans le silence du texte.
   Approchons de plus près les deux récits. Lorsque Judith tire de sa besace la tête d’Holopherne pour la faire voir au peuple, elle montre deux soucis. Elle veut certes en premier lieu donner la preuve que le chef de l’armée ennemie est tué, mais elle veut aussi assurer le peuple que, quoiqu’elle se soit exposée à la convoitise d’Holopherne, celui-ci n’a pas abusé d’elle. « Mon visageaffirme-t-elle – n’a séduit cet homme que pour sa perte. Il n’a pas péché avec moi pour ma honte et mon déshonneur » (Jdt 13:16). Ainsi son exploit fut digne de louange dans la mesure où il avait été par le sceau de la sainteté de Dieu. C’est à la fin des paroles de l’héroïne qu’Ozias lui dit : « Bénie sois-tu, ma fille, par le Dieu très haut, plus que toutes les femmes de la terre, et béni soit le Seigneur Dieu » (Jdt 13:18).
   Marie est faite objet de la même louange parce qu’elle a accompli, quoiqu’à un autre niveau, le même exploit. Toutes deux ont sauvé le peuple, l’une en ayant occis l’ennemis, l’autre en ayant mis au monde le sauveur. Pour atteindre ce salut, elles ont toutes deux exposé leur honneur de femmes jusqu’au risque de se perdre. De même que Judith n’a pas craint de séduire Holopherne et de demeurer seule avec lui, Marie n’a pas refusé de recevoir « chez elle » l’étranger, l’ange, et de croire à sa parole et, comme l’héroïne biblique, elle a accepté d’être soupçonnée de prostitution. Pour Luc, ceux qui l’ont accusée n’ont pas compris que cet étranger était l’ange de Dieu, porteur du message d’amour et de libération de celui-ci. Mais de même que l’héroïne biblique a pu témoigner de sa vertu en tuant l’ennemi, Marie fait appuyer sa virginité par la victoire libératrice du Christ Sauveur.
   À ce point, il convient de remarquer l’efficacité de la polémique de Luc qui, par un processus d’anticipation, charge le témoignage d’Élisabeth de tout ce poids qu’il aurait eu si elle avait vraiment cru à la résurrection du Sauveur. Elle appelle Marie « la mère de mon Seigneur » (Lc 1:43), elle la dit « heureuse » (Lc 1:45) parce qu’elle a cru à la parole, qu’elle voit déjà accomplie.
   La tâche de défendre Marie de toute accusation de prostitution est donc confiée au niveau infra­structurel du texte. En lisant dans ses silences, nous découvrons que Marie affirme, avec Judith, que l’étranger n’a pas péché avec elle, mais comme Judith elle ne porte de sa virginité d’autre preuve que l’exploit qu’elle a accompli, l’enfantement du sauveur, et c’est la gloire et la puissance de celui-ci qui en deviennent les véritables témoins.

   Ce nouvel éclairage du texte nous confirme qu’au niveau du fait il y a eu de la part de Marie des risques et des initiatives qui donnent un fondement réel aux accusations des non croyants. Même si on croit au caractère miraculeux et événementiel de la conception par Marie, on doit convenir qu’elle s’est inscrite dans un contexte humain qui impliquait des choix et des responsabilités, du désir et des risques. L’image de Judith nous offre de ce contexte une interprétation théologique, mais celle-ci est-elle la vraie ?



1982




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