Sommaire
GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS
LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU
LECTURE DU RÉCIT DE LUC
L’annonce faite à Marie
La visite à Élisabeth
Le recensement
Couché dans une crèche
Les bergers
Le nom de Jésus
La purification
Un homme appelé Syméon
Le signe de la contradiction
L’épée
Anne la prophétesse
- Introduction
- Le nom du personnage
- Le profil d’Anne
- La prophétesse
Marie gardait ces paroles
CONCLUSION
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La prophétesse
Anne est une « prophétesse ». Elle l’est par son image muette, à laquelle Luc donne une existence de tous temps, à l’imparfait : elle était. Elle le devient maintenant par la parole, mais celle-ci l’oblige à se soustraire à son existence non actualisée pour se rendre présente dans l’instant de l’événement. Elle était, mais dès l’instant où l’enfant est présenté par Syméon, élevé à la reconnaissance de tous, elle accourt afin de prophétiser par sa parole.
Sa prophétie est avant tout un témoignage (antomologia) rendu à Dieu. Ce verbe est un apax dans le nouveau testament. Luc avait sans doute la possibilité de choisir un autre verbe dans le champ sémantique déjà en usage, mais il a trouvé qu’ils n’adhéraient pas tout à fait à la chose qu’il voulait exprimer. Dans ce verbe, il convient de noter deux thèmes : « semblable » (omoios) et « parole » (logos). Leur liaison nous oblige à y retrouver le sens d’une parole prophétique (anti) qui dit le semblable. Mais semblable à quoi ? Sans doute à ce qu’Anne exprimait par son propre personnage, dans la signification muette de l’image. Et puisque cette image n’est qu’une synthèse des deux figures d’ancien testament Anne et Judith, la parole qu’Anne prononce est l’énoncé du sens que Dieu a voulu manifester par ces deux personnages bibliques en tant que figures messianiques. Dès lors cette parole prend la valeur d’un témoignage rendu à Dieu pour la vérité de la parole.
Dans le cadre de ce témoignage, elle est aussi reconnaissance que le fait qui la détermine – la naissance de Jésus – est l’accomplissement de cette parole. Ainsi est-elle une parole qui concerne Dieu en même temps que Jésus.
Qu’on réfléchisse au sens de l’expression « parler de lui » (Lc 2:38). L’accent est moins mis sur ce qu’on dit que sur le fait de parler. En effet, telle qu’elle s’offre au niveau référentiel, la naissance de Jésus était un fait qui ne pouvait pas se dire, puisqu’elle ne pouvait pas être comprise dans le cadre du système des valeurs. Cet enfant naît de façon clandestine, hors de toute loi et de l’éthique du mariage, d’une femme trouvée enceinte, était indicible. Vouloir en parler était le reconnaître comme un fait lié à la parole, par la médiation d’un signe. Ainsi, Jésus existe pour les autres du moment qu’on parle de lui, parler de lui c’est le reconnaître comme homme, et en conséquence comme Christ. Le niveau de son existence n’est pas le monde, mais le discours qu’on fait de lui. Anne est le dernier personnage du récit qui « parle » (lalei) de lui (Lc 2:38). Elle se retrouve à l’aboutissement de ce discours qui, commencé par les anges (Lc 2:17), avait été poursuivi par les bergers (Lc 2:18), et repris par Syméon (Lc 2:34).
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