ANALYSE RÉFÉRENTIELLE |
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Ennio FlorisDe la naissance de Jésus-Christ
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La naissance du fils de la vierge marie et la naissance du héros |
Le modèle littéraire de la naissance du héros |
Sommaire Avertissement Introduction La naissance chez Paul L’évangile de Marc Matthieu : naissance du roi des juifs Luc : naissance du fils de Dieu La naissance du héros - Le modèle littéraire - Matthieu et Luc sur ce modèle - Les différences - Récit et référence Jean : le samaritain Marie Joseph Les noms de Jésus L’évangile de Thomas Témoignages des juifs Jésus . . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . . |
Phénomène social, la péripétie de la femme trouvée enceinte hors de la légitimité du mariage constitue dans la littérature mythique la trame des récits de naissance des héros. Puisque celui-ci doit être le fils d’un dieu, il doit naître d’une femme fécondée par ce dieu. Parfois la femme vit avec un homme dans un mariage légitime, d’autres fois elle est vierge, soit qu’elle soit encore en âge virginal soit qu’elle soit vouée au culte des dieux. En général, les femmes fécondées par Zeus sont des vierges. Quel que soit son état, toujours est-il que la femme, étant enceinte en dehors de toute légitimité, est vouée à la mort avec son enfant, car aux yeux de tous elle a transgressé les lois imposées par les dieux pour régir l’ordre de la vie et de la société. Son histoire découle de cette péripétie : pour échapper à la mort elle doit fuir et accoucher de son enfant clandestinement. Cette fuite est toujours couronnée de succès, car elle est protégée de façon miraculeuse par dieu, son époux et père de l’enfant. La façon dont elle parvient à échapper à la mort varie dans les détails d’un récit à l’autre, mais pour l’essentiel ils s’inscrivent tous dans le cadre d’un paradigme général qui constitue l’infrastructure de tous les récits. En ce qui concerne la mère, 1 – Elle est visitée par le dieu qui, se disant amoureux, lui propose de s’unir avec lui pour accoucher d’un enfant divin. 2 – Elle consent souvent. Dans le cas où elle refuse, elle tombe dans les bras du dieu par violence ou par ruse. 3 – Devenue mère, elle parvient à s’enfuir, car le dieu la cache (par des ombres, ou en la transformant en animal). Cependant son déguisement ne peut pas la cacher à Héra, gardienne de la moralité matrimoniale, c’est pourquoi Héra la poursuit. 4 – Elle parvient au lieu de l’accouchement, fixé par un oracle ou par convention avec le dieu. Il s’agit toujours d’un lieu sauvage et inhospitalier – un bois, une grotte, un enclos – toujours en correspondance avec la forme animale prise par l’héroïne. L’enfantement demeure donc clandestin, hors de l’habitat, en marge de l’humain. 5 – Après l’accouchement elle emmaillote l’enfant, le met dans une corbeille, dans le creux d’un rocher ou d’un arbre, et l’expose, car elle est dans l’impossibilité de le garder. Elle ne cherche pas à le faire mourir, mais à le mettre sous la protection du dieu qui est son père. 6 – Une fois l’enfant exposé, la mère s’enfuit, pour revenir au milieu des hommes vivre sa vie normale de femme. Pour ce qui est de l’enfant exposé : 1 – Il reste en vie parce qu’il est protégé miraculeusement par le dieu son père. Parfois le dieu le cache contre ses ennemis, souvent il lui envoie des animaux pour le nourrir de leur lait (la louve pour Romulus et Remus). 2 – Il est trouvé par des gens qui fréquentent ce lieu : des prêtres, s’il a été exposé près d’un temple (Ion, la prêtresse d’Apollon), ou des bergers s’il a été exposé dans une campagne ou sur une montagne. Il est toujours recueilli car, bien qu’il s’agisse d’un enfant bâtard, le fait qu’il soit emmailloté et toujours en vie dans sa corbeille, comme un enfant offert à la vie et non rejeté, est pris comme signe d’une volonté divine. 3 – L’enfant vit comme enfant sacré au dieu, qui le protège de son anonymat (Ion), ou est adopté par les bergers, pour qu’il reste caché. 4 – L’histoire se termine toujours par le moment où l’origine divine de l’enfant est reconnue. L’enfant sort de son anonymat ou de l’adoption qui le tenaient caché pour être révélé comme fils du dieu, selon l’oracle qui avait annoncé son enfantement. Il convient de jeter un regard sur les histoires héroïques dont les récits de Matthieu et de Luc semblent les plus proches, et dans lesquelles il est possible de trouver toute la gamme du paradigme. Je m’attacherai plus particulièrement à Io, qui devint mère d’Épaphos sous l’étreinte de Zeus, à Créuse, mère de Ion par son union avec Apollon, à Rhéa, qui enfanta les jumeaux Romulus et Remus après s’être unie au dieu Mars. Dans l’histoire d’Io, nous trouvons l’invitation de la vierge à consentir à l’amour du dieu. Dans les textes d’Eschyle, le dieu lui apparaît dans des rêves nocturnes : « Ô fortunée jeune-fille, pourquoi si longtemps rester vierge quand tu pourrais avoir le plus grand des époux ? Zeus a été pour toi brûlé du trait du désir ». Dans Ovide, le dieu invite la jeune-fille par des paroles alléchantes, tout en restant invisible : « Ô vierge, digne de Yppiter et qui fera le bonheur… de celui que tu admettras dans ta couche ». Io, toute craintive, prend le conseil de son père avant de répondre. Inachos, après avoir consulté l’oracle de la Pythie, la convainc de céder au dieu. Selon Eschyle, elle fait l’amour avec le dieu métamorphosée en vache, alors que celui-ci a pris la forme d’un taureau. La métamorphose est la traduction mythique du secret et du mystère de l’union. On trouve chez Eschyle un reflet de l’amour fécondant du dieu lorsqu’il affirme, à propos de l’accouchement de la jeune-fille, que « le dieu libéra la jeune-fille de ses souffrances par ses souffles divins » (theois epipnoiais). Chez Ovide, la jeune-fille prend peur aux paroles du dieu et s’enfuit. Le dieu alors la poursuit, la rattrape et l’enveloppe d’une « épaisse nuée ». Io ne devient pas, à proprement parler, une femme « trouvée enceinte », puisque sa grossesse reste cachée, soit qu’elle ait été métamorphosée en vache, soit que la nué du dieu la cache aux hommes. Cependant son père la chasse de sa maison, sur ordre du même oracle qui l’avait obligée à accepter l’invitation du dieu, de plus, elle ne peut échapper à la persécution d’Héra, gardienne de la moralité, qui voit en dessous du voile de la métamorphose. Elle reste donc une vierge enceinte en fuite, errant de la Grèce à l’Égypte en passant par le Bosphore pendant tout le temps de sa gestation. Créuse non plus, fécondée presque par viol, n’a pas été une vierge « trouvée enceinte » puisque, consciente de son état, elle s’est enfuie avant d’être reconnue. Rhéa, par contre, jeune vestale vouée à la virginité, est découverte enceinte par son père qui, pris de pitié, l’enferme dans une prison au lieu de la condamner à mort. C’est dans cette prison qu’elle accouche des deux jumeaux Romulus et Remus, ce n’est donc pas elle mais son père qui va les exposer : les jumeaux sont placés dans une corbeille qui est jetée dans le Tibre. Io accouche sans peine et sans exposer l’enfant, puisqu’elle se trouve à ce moment-là à Lerne, la terre de Zeus. Créuse, par contre, accouche dans la caverne où elle avait fait l’amour avec le dieu. Elle emmaillote l’enfant avec soin, le couche dans une corbeille et l’expose sur une montagne. Veut-elle la mort de l’enfant ? Certes pas, mais elle l’offre au destin, espérant que le dieu pourra le secourir. Si Épaphos, l’enfant d’Io, va arrêter par sa naissance le cycle prévu dans le paradigme, ceux de Créuse et de Rhéa s’y inscrivent. Apollon en effet envoie Hermès prendre la corbeille où est couché Ion et la poser à l’entrée du temple qui lui est consacré. Au matin la prophétesse passe par là et le découvre. Voyant qu’il ne s’agit pas d’un bébé abandonné puisqu’il est emmailloté et couché dans une corbeille, elle comprend qu’il s’agit d’un enfant voué à dieu. Elle le prend donc et garde l’enfant au temple. Quant à la corbeille des jumeaux qu’Amulius avait exposée « sur la berge » du fleuve, elle fut repoussée par les eaux sur la terre ferme. Les enfants furent allaités par une louve envoyée par le dieu, puis trouvés ensuite par des bergers. Sauvé par le dieu, Ion grandit à l’ombre du temple, comme au service du dieu qui était son père, tout en restant connu comme un bâtard sans père ni mère. Quant aux jumeaux, ils furent recueillis par Faustulus, porcher d’Amulius. |
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t751000 : 21/12/2017