Ayant trouvé l’unité de base des deux récits, nous sommes à même de mieux mettre à jour leurs différences.

   Les récits évangéliques diffèrent des récits mythiques de la naissance du héros principalement parce que Marie reste vierge tout en devenant mère. Elle n’est pas, contrairement à Io ou Rhéa, une vierge consacrée à Dieu, mais une femme chez laquelle la virginité n’est pas une privation mais une condition de fécondité et de maternité. Évidemment, le sublime de cette virginité dépend de la conception de Dieu qui, pour les évangélistes, est au-dessus du sexe.
   Cette visée a conduit les évangélistes à retoucher le modèle, pas dans la structure de la fable mais dans les motivations et l’accomplissement de ses actions. Marie parcourt donc le même trajet que les héroïnes mythiques, mais sa démarche a d’autres motifs, qui ne découlent pas formellement du fait de sa grossesse. Elle s’enfuit, mais c’est pour rencontrer sa parente, qui est enceinte malgré sa stérilité. Elle voyage vers le lieu de son accouchement, mais à cause de l’édit d’Auguste. Elle accouche dans une étable, mais parce qu’il n’y avait pas de place dans les hôtels. Elle expose l’enfant, mais pour servir d’instrument à la révélation des anges. L’enfant est trouvé, mais pour être reconnu comme fils de Dieu et non pour être recueilli.

   Toutes ces modifications ont été opérées par le recours aux Écritures, dans lesquelles les évangélistes ont trouvé, par voie allégorique, ces énoncés prophétiques de la naissance du Christ.