ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Le roman inachevé d’un utopiste





Tourcoing (1960-1967) :
sensibilisation de la communauté aux problèmes contemporains


Sommaire

Prologue

Introduction

Clermont-l’Hérault

Saint-Quentin

Bruay-en-Artois

Tourcoing
- Introduction
- Le protestantisme à
  Tourcoing
- Communauté vivante
- Sensibilisations
  . Quatre Cercles d’étude
  . Manifestations publiques
- Parole d’utopie
- L’impasse
- Recherche de structures
   nouvelles
- Expériences nouvelles
- Vers la crise

La crise

Épilogue




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Les manifestations publiques


   Au cours des années 1961 et 1962, le conseil presbytéral invita la communauté de Tourcoing à s’associer, dans les locaux de l’Église réformée, à d’autres manifestations publiques.



   En 1961, il y eut trois conférences publiques qui connurent un certain écho.

   En avril, le pasteur Maurice Voge, secrétaire général du mouvement du Christianisme social, vint parler au temple de Tourcoing, devant un auditoire malheureusement clairsemé, de « la crise des libertés et la reconstruction du citoyen et de la démocratie ».

   En juin, invités par le conseil presbytéral, les « Compagnons du Jourdain », qui avaient connu un succès éclatant à travers l’Europe, offraient dans la salle du conservatoire municipal de musique, devant cent-trente-cinq personnes, en majorité des jeunes de la ville, un récital de Negro Spirituals, dont la presse locale fit une relation élogieuse.
   Nord-Eclair présentait cette équipe en ces termes : « Ils sont cinq – visages ouverts, blouses claires – cinq comme les doigts d’une main inséparables et pourtant indépendants. Mais ils n’ont qu’une âme lorsqu’ils chantent ensemble les « Negro Spiri­tuals », et c’est ainsi qu’ils nous font partager leur propre communion. Leur sincérité contagieuse donne à leur interprétation une valeur de message… Peut-être a-t-il fallu attendre les années d’après-guerre pour qu’un très large public en France découvre et adopte avec enthousiasme les « Negro Spirituals ». Ainsi naquirent les « Compagnons du Jourdain » sur l’inspiration de l’un d’eux, alors étudiant, profondément impressionné par les chants improvisés dans un camp de Noirs américains cantonnés en Amérique du Nord. Mais, s’imposant très vite par la qualité de leur interprétation, par leur sens du rythme originel, les « Compagnons du Jourdain » allaient bientôt connaître un succès éclatant… En un temps où la question des races est encore trop souvent faussée par de douloureux malentendus, l’hommage ainsi rendu par des hommes d’Europe à leurs frères noirs d’Amérique a une portée humaine qui s’ajoute à sa portée esthétique… »

   En décembre 1961, le pasteur Jean Lasserre, secrétaire général du mouvement international de la réconciliation, venait donner à son tour devant une quarantaine de personnes en majorité catholique (dont deux prêtres) une conférence au temple de Tourcoing sur « les responsabilités des chrétiens et des Églises devant la menace atomique ». Ce thème sera d’ailleurs repris en décembre 1967 au théâtre municipal de Tourcoing par le docteur Alain Bombard (1).



   En 1962, trois autres manifestations publiques signalèrent la présence de l’Église réformée dans la cité de Tourcoing.

   En janvier, de retour d’un séjour en URSS à l’occasion de l’exposition française de Moscou, deux membres de la paroisse, Mademoiselle Marguerite Loutzenko et Monsieur Alexandre Bourmeyster, gendre du trésorier de la paroisse (et tous deux professeurs de russe) présentèrent au temple de Tourcoing, devant une centaine de personnes, leurs « impressions sur la vie quotidienne en URSS », illustrées par des photographies de leur voyage. La presse locale rendit compte, cette fois encore, de l’intérêt de leur conférence. Après trente années et les événements survenus à l’Est de l’Europe dernièrement, ces « impressions » de 1962, époque khrouchtchévienne, prennent un éclairage d’actualité.
   Nord-Eclair (journal régional de centre-gauche) écrivait : « Si le conférencier, le sujet étant vaste, a ignoré ou n’a fait qu’effleurer la situation de la Russie du point de vue spirituel et culturel, en revanche il a serré de près la mentalité du Soviétique et son évolution dans la perspective du défi pacifique lancé par ses dirigeants au monde occidental… L’URSS a grand besoin de l’Occident, du point de vue technique en particulier ; Khrouchtchev pour les Soviétiques est l’homme du rapprochement avec l’Occident. À ce titre, il a beaucoup d’ennemis… Il s’ensuit pour nous la possibilité de connaître un peuple que nous sous-estimons, et pour les Soviétiques une occasion de se confier (ce qu’ils font très facilement) à des étrangers venus d’un tout autre univers que le leur.
   Le soviétique vit dans une économie de pénurie. C’est évident en ce qui concerne les biens de consommation, en quantité insuffisante et assez souvent de mauvaise qualité. Le marché et le travail noir existent. Les élites, à tous les stades de l’économie, expliquent cette situation par le fait que la conscience des gens n’est pas encore suffisam­ment éclairée… En matière de logement, par contre, les réalisations sont colossales. En quatre ans, dit le conférencier, on a construit près de Moscou une ville de six-cents-mille habitants. S’il convient de certains retards sur le monde occidental dans le secteur de l’économie, le Soviétique n’en demeure pas moins très optimiste pour l’avenir… L’ouverture des frontières, la confrontation, s’accompagnent d’une détente sur le plan idéologique. La nouvelle génération, plus cultivée (pendant la guerre, aucun enseignant n’a été envoyé au front), est aussi plus curieuse des courants de pensée et d’idée qui traversent le monde. Le dialogue avec l’Occident n’est pas sans profit. Il n’est pas non plus sans risques pour l’équipe dirigeante en place.
   M. Alexandre Bourmeyster avait été présenté par M. le pasteur Pierre Curie : « Une des raisons d’être de l’Église de Jésus-Christ, avait dit celui-ci, est d’être un moyen de recherche et de contact pour rapprocher les hommes, un témoin de paix »
».

   En mars 1962, un étudiant en médecine, Daniel Prévost, membre actif de la paroisse, assisté d’un responsable de l’Union Nationale des Étudiants de France (UNEF) organisa au temple de Tourcoing un débat sur les problèmes posés par l’université française et le syndicalisme étudiant en 1962.
   La presse locale y fut encore représentée et rendit compte de cette manifestation : Nord-Eclair et aussi La Voix du Nord (organe de presse plutôt à droite). Cette dernière écrivit dans ses colonnes : « M. Formey de Saint-Louvent exposa l’historique du mouvement syndical étudiant depuis sa création à la fin du siècle dernier à Nancy, en passant par ses étapes importantes marquées par trois guerres : le folklore de l’époque 1900-1914, puis le corporatisme de 1918 à 1940, la clandestinité des maquis, enfin la charte de Grenoble reconnaissant aux étudiants le droit d’être des « travailleurs intellectuels »… M. Prévost, pour sa part, a exposé quelles étaient aujourd’hui les revendications essentielles des étudiants : sortir de la condition d’isolés, acquérir les moyens matériels de faire des études dans des conditions décentes, donner aux responsables de demain la possibilité de s’épanouir dans un contexte social normal (famille, logement en HLM, allocations d’études)… Être un jeune-homme comme les autres, pouvoir bâtir son foyer dans une société qui l’aura assimilé comme travailleur et non comme écolier, qui aura compris l’importance capitale pour notre pays de nos futurs administrateurs, savants, techniciens, qu’ils ont des droits et des devoirs égaux à ceux d’un travailleur. Voilà la revendication essentielle de l’UNEF en 1962 ».

   Enfin, en mai 1962, eut lieu à l’initiative de l’Église réformée de Tourcoing, à laquelle s’était associée la municipalité, une conférence au centre culturel de la ville de M. Jean Jousselin, directeur du Centre de Recherches Civiques (CEREC) sur le thème : « Qu’est-ce qu’une politique de la jeunes­se ? ». La presse locale l’annonça au grand public en ces termes : « Poser une telle question peut paraître étrange : la réponse n’est-elle pas, il y a toujours eu une politique de la jeunesse… En effet, la protection des enfants, l’organisation de la santé, l’école, sont des éléments d’une politique de la jeunesse, comme l’établissement récent des centres d’apprentissage, des tribunaux pour enfants, de la rééducation ou des allocations familiales. C’est là une politique pour la jeunesse !
   Toutefois, au vingtième siècle, est apparue une politique par la jeunesse… On utilise leur généro­sité, leur enthousiasme, quand ce n’est pas leur inexpérience, pour en faire une force politique… N’est-ce pas les jeunes qui, tout à la fois, furent les artisans et les victimes du fascisme comme du nazisme ?
   Enfin, depuis quelques années, on voit apparaître de nouvelles formes d’action politique. On peut les caractériser comme se faisant avec la jeunesse, que ce soit en Amérique ou en URSS, dans les pays scandinaves, en Allemagne ou en France, il est de plus en plus fréquent que des organismes nouveaux, généralement composés de représentants des services publics et des associations de jeunesse, soient mis en place. Tantôt ils n’ont qu’un rôle consultatif, tantôt ils reçoivent un réel pouvoir. Ce sont là les structures qui expriment cette troisième forme de la politique de la jeunesse
» (Nord-Eclair du 24 mai 1962).

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1992




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