ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Pierre Curie
Le roman inachevé d’un utopiste
Tourcoing (1960-1967) :
le protestantisme à Tourcoing
Sommaire
Prologue
Introduction
Clermont-l’Hérault
Saint-Quentin
Bruay-en-Artois
Tourcoing
-
Introduction
-
Le protestantisme à
Tourcoing
.
Les origines
.
L’extension
.
1949-1959
.
Sociologie
de la paroisse
.
Une paroisse
sous-
développée
.
Rassembler
et fortifier
-
Communauté
vivante
-
Sensibilisations
-
Parole
d’utopie
-
L’impasse
-
Recherche
de structures
nouvelles
-
Expériences
nouvelles
-
Vers
la crise
La crise
Épilogue
. . . . . . . . - o
0
o - . . . . . . . .
Les origines
«
La communauté protestante est vivante et agissante
» ! Tel est le titre d’un très long article publié le vingt-sept janvier 1966 dans le journal régional
Nord Eclair
, à l’occasion de la semaine de l’unité des
chrétiens, événement impensable quelques années seulement auparavant. Mais le concile de Vatican II, sous l’impulsion du pape
Jean XXIII n’y était pas étranger, et la conférence œcuménique du vingt-et-un janvier 1964 avait été une date « historique » pour la cité de
Tourcoing : le
R. P. Le Guillou et le
pasteur Hébert Roux, respectivement expert et observateur au concile, avaient dialogué devant mille-deux-cents personnes dans la salle du cinéma
Vox
de
Tourcoing
(1)
, qui ne comptait que sept-cent-cinquante places assises ! C’était « l’ouverture » qui devait permettre bien des audaces inédites.
Aussi, en guise de présentation du protestantisme à
Tourcoing, voici l’intégralité de cet article pour lequel nous avions fourni l’essentiel de la documentation à l’auteur, catholique qui se dissimulait (sans que cela ne trompe personne) sous le pseudonyme de « Clio ». Nous nous permettrons seulement d’apporter quelques précisions.
«
L’Église réformée de
Tourcoing, telle qu’elle vit présentement, ne doit rien, historiquement parlant, à celles qui l’ont précédée au XVIème siècle, puis au début du XVIIème. Au temps des Réformateurs, une communauté protestante relativement nombreuse naquit et se développa ici. Mais
Charles Quint, puis le
duc d’Albe qui gouvernait les
Pays-Bas espagnols au nom de
Philippe II, la brisèrent et la réduisirent au silence.
Devenus sujets du roi de
France en 1667, les
Tourquennois furent, de 1708 à 1713, occupés par les
Hollandais (de confession calviniste) en guerre avec
Louis XIV. À la faveur de l’éphémère domination néerlandaise, quelques familles où la foi réformée s’était secrètement conservée reconstituèrent leur Église, en dépit du mauvais vouloir des magistrats locaux. Mais le traité
d’Utrecht, qui rendait la
Flandre wallonne à la
France, sonna le glas de la deuxième Église réformée de
Tourcoing. Ses fidèles furent contraints de s’exiler. Pour la plupart, ils s’établirent en
Flandre zélandaise, au sud de l’embouchure de
l’Escaut, où l’on rencontre encore aujourd’hui des noms du terroir
».
Pendant près d’un siècle et demi, il n’y eut plus guère de protestants à
Tourcoing : au recensement de 1851, sur 27.000 habitants, cinq personnes seulement déclarent être de religion réformée. En 1890, sept familles seulement. L’Église protestante de
Tourcoing réapparaît vers la fin du XIXème siècle.
«
En janvier 1890, on dénombre à
Tourcoing sept familles protestantes (vingt-cinq personnes dont plus de la moitié d’enfants) qui, pour célébrer le culte, se réunissent le dimanche chez
Madame Fallot. Huit ans plus tard, à la demande du
pasteur Gounelle de Roubaix, un poste d’évangélisation y est créé par la Société chrétienne du
Nord. Un lieu de culte est ouvert le trois juillet 1898, onze rue d’Orléans, dans une modeste demeure.
Le poste est confié à un élève de la Société des missions de
Paris,
René Ellenberger qui, en dix-huit mois, regroupe deux-cents fidèles (une pétition pour obtenir un temple recueille cent-soixante-quinze signatures). Cinquante enfants sont inscrits à l’école du jeudi, autant à l’école du dimanche. Des œuvres diverses surgissent : un ouvroir et une école de couture, l’un et l’autre dirigés par
Madame Fallot et
Madame Édouard Rogier, une association antialcoolique à laquelle adhèrent même des catholiques.
Après le départ
d’Ellenberger, envoyé au
Congo, la communauté protestante de
Tourcoing est animée par les pasteurs
Théodore Borel et
Gabriel Debus, puis de 1902 à 1920 par le pasteur
Albert Segond. Il fallait avant tout trouver un autre local que la petite maison de la rue d’Orléans, si mal commode, si exigüe, que le
pasteur Segond doit demander au maire,
Gustave Dron (qui la lui accorda), la salle de l’académie de musique pour les fêtes de Noël.
Mais voici qu’en 1905,
le pasteur découvre et achète, rue de la Malcense, un immeuble rendu libre par le décès de son occupant. C’est une ancienne ferme, convertie ensuite en fabrique de pains d’épice, avec un terrain de dix ares sur lequel en 1907 est construit le temple, ou plutôt la « Fraternité » : « une maison largement ouverte à tous, où tous se sentiront chez eux, où tous se considèreront comme des frères et des sœurs »
».
J’ajoute : le pasteur
Albert Segond écrivait dans le journal régional de l’époque : «
Ce serait un édifice qui parlât notre foi, la manifestât clairement, fût un appel pour les foules et pour nous, constituât une première tentative de pratiquer notre christianisme
». L’inauguration eut lieu le treize octobre 1907. «
Ainsi commença la merveilleuse aventure, inoubliable pour ceux qui l’ont vécue. L’évangile dans sa simplicité et sa magnificence annoncé à toute la ville et trouvant un écho en elle. Par-delà toutes les barrières confessionnelles et sociales, le message de l’amour divin : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » proclamé avec joie et enthousiasme fut entendu et reçu comme quelque chose de tout neuf
». Un anarchiste ayant réclamé, à la séance d’inauguration, un débat sur la non-existence de
Dieu, des conférences contradictoires furent instituées le dimanche soir.
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Voir
le compte-rendu de ce colloque.
1992
tc431100 : 06/07/2019