ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Le roman inachevé d’un utopiste





Tourcoing (1960-1967) :
expériences nouvelles


Sommaire

Prologue

Introduction

Clermont-l’Hérault

Saint-Quentin

Bruay-en-Artois

Tourcoing
- Introduction
- Le protestantisme à
  Tourcoing
- Communauté vivante
- Sensibilisations
- Parole d’utopie
- L’impasse
- Recherche de structures
   nouvelles
- Expériences nouvelles
  . Tournant théologique
  . Tournant œcuménique
  . Le groupe œcuménique
  . Le groupe pour la paix
  . Le groupe de recherche
    biblique
- Vers la crise

La crise

Épilogue




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Un tournant théologique


   Depuis toujours, dès le début de mon ministère à Tourcoing comme déjà à Clermont-l’Hérault (1), à Saint-Quentin (2) et à Bruay-en-Artois (3), l’ou­verture vers les autres fut la marque majeure de l’évangile et l’expression de la foi de chacun dans la communauté.
   Mais, désormais, cette préoccupation allait revêtir une dimension plus centrale encore, et devenir la condition presqu’exclusive, la chance à saisir pour qu’advienne dans cette cité de Tourcoing, où je prenais conscience que le temps était mesuré, une structure entièrement neuve et fondée sur un « projet » inédit pour lequel, avant d’apparaître comme une organisation visible, elle réclamerait une « révolution mentale », dont nous nous étions montrés incapables au moment de l’échec de la première Commission du secteur des Flandres (4).
   Prenant appui, désormais, pendant ces trois années de sursis qui nous étaient accordées, sur le projet du Centre du Nord, nous allions tenter le pari de la recherche et du dialogue : c’était un véritable tournant théologique, fruit de la relecture de cette affirmation centrale de l’évangile de Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils » (Jn 3:16) et « Dieu est amour » (1 Jn 4:12).

   À travers les conservatismes religieux des Églises (des Églises protestantes, pour ce qui nous concernait), et les rigidités des structures qu’ils engendraient, tenant prisonnière la vérité, nous commencions à découvrir et à affirmer (ô hérésie !) que l’Église ne la maîtrise pas, comme nous l’avions cru jusqu’alors, puisque chaque Église chrétienne prétend, par son institution, son organisation, ses dogmes et ses confessions de foi, la détenir seule. Par cette aliénation religieuse, la vérité se fige dans des formulations idéologiques, demeure enclose dans des rites, des traditions incapables d’évoluer, et dans des structures oppressives de pouvoir.

   « Dieu est amour » ! Cette affirmation rappelle, au contraire, que l’amour échappe à toute emprise, que Dieu seul est souverain dans l’amour, et se dérobe toujours à toute tentative d’encerclement par des dogmes, des confessions de foi et des structures de pouvoir. Au contraire, le dynamisme de l’amour agit librement dans le monde et parmi les hommes, comme un levain qui fait lever toute la pâte humaine et mondaine.
   Dans cette perspective nouvelle, l’Église découvre aux hommes une physionomie différente de celle qu’elle donne à connaître à travers les formes qu’elle peut revêtir ; elle renonce à sa prétention de détentrice de la vérité, car l’ecclesia qui apparaît dans les écrits primitifs devient une communauté (kononia, en grec), c’est-à-dire la genèse et le développement de la relation des uns et des autres grâce à la dynamique de l’amour ; c’est désormais une réalité ouverte, sans cesse en surgissement et en devenir, en attente d’être. L’amour, créateur de communauté, demeure dans le monde le lieu unique de la souveraineté du Dieu-amour.

   Alors, dialoguer c’est quoi ? Quand la vérité n’est plus retenue prisonnière de l’Église et des Églises, le dialogue permet de la rechercher et de la faire surgir, comme acte créateur de vie et d’avenir pour les hommes. Dialoguer sera croire cette utopie (et cette hérésie) que la vérité ne réside pas, en soi, derrière ou au-dessus de soi, mais en avant de soi-même dans un constant « déracinement » vers un nouvel « enracinement », en quête de la rencontre.
   Et Jésus de Nazareth ? Il a été un signe manifeste de la vérité, qui est amour dans le cheminement de l’histoire des hommes. En ce sens, il est « le chemin, la vérité et la vie » ; par la mort du grain de blé en terre, la vie devient possible pour les hommes.
   Dialoguer ne cessera jamais d’être un risque, car la vérité ne se laisse entrevoir, découvrir parfois, que dans le combat sans relâche de l’amour, jamais gagné d’avance dans la trame complexe et les tensions des événements de l’histoire humaine.

   Je crois pouvoir dire aujourd’hui que les expériences qui ont été mises en œuvre à Tourcoing dans ce temps incertain ont été le fruit de ce projet qui supposait une « révolution mentale » fondée sur ce dialogue.
   Au cours des trois années de sursis, de 1964 à 1967, l’ouverture aux autres par le dialogue devint réalité à Tourcoing par la mie en place et le développement de plusieurs groupes de recherche et d’action qui devaient, dans notre projet, jeter les bases des nouvelles structures capables de nous délivrer de l’impasse.
   Pendant cette période, cinq expériences promet­teuses furent lancées : un groupe œcuménique (5), né de l’impact sur la population tourquennoise du colloque œcuménique organisé en janvier 1964 pendant la semaine de l’unité et sous l’influence du concile Vatican II ; un groupe pour la paix (6), formé à partir d’un « Forum pour la paix » en avril 1964 ; en 1965, un groupe de recherche biblique (7), à la demande d’une famille amie détachée du catholicisme, les Perret, que nous avions connue à Clermont-l’Hérault et qui s’était installée par la suite à Tourcoing pour les besoins de leur commerce. En 1967, répondant à un appel du Service social nord-africain, se constitua un groupe d’alphabétisation et d’aide aux femmes nord-africaines. Enfin, à partir de 1966, dans la mouvance de la recherche du Centre du Nord, voyait le jour une tentative originale (mais qui causa un scandale dans les milieux protestants traditionnels) de culte-débat, qui prit la forme de « dialogues du dimanche » ouverts à tous ceux, protestants ou non, qui étaient en quête du sens de leur vie dans le monde contemporain.


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(1) Voir Clermont-l’Hérault (1950 – 1955)   Retour au texte

(2) Voir Saint-Quentin 1955-1956   Retour au texte

(3) Voir Bruay-en-Artois (1956-1960)   Retour au texte

(4) Voir Tourcoing (1960-1967) : à la recherche de structures nouvelles   Retour au texte

(5) Voir Le groupe œcuménique de Tourcoing   Retour au texte

(6) Voir Le groupe pour la paix de Tourcoing   Retour au texte

(7) Voir Le groupe de recherche biblique de Tourcoing   Retour au texte



1992




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tc437100 : 23/07/2019