ANALYSE RÉFÉRENTIELLE
ET ARCHÉOLOGIQUE
Pierre Curie
Le roman inachevé d’un utopiste
Tourcoing (1960-1967) :
à la recherche de structures nouvelles
Sommaire
Prologue
Introduction
Clermont-l’Hérault
Saint-Quentin
Bruay-en-Artois
Tourcoing
-
Introduction
-
Le protestantisme
à
Tourcoing
-
Communauté
vivante
-
Sensibilisations
-
Parole
d’utopie
-
L’impasse
-
Recherche de structures
nouvelles
.
Préliminaires
.
En sursis
-
Expériences
nouvelles
-
Vers
la crise
La crise
Épilogue
. . . . . . . . - o
0
o - . . . . . . . .
En sursis (1964-1967)
La première Commission des structures avait fait long feu !
Le Conseil régional, sous l’autorité de son président,
Paul Lew, pasteur à
Saint-Quentin, fut saisi d’un appel du
pasteur Ennio Floris
(1)
, directeur du Centre de recherche du
Nord, installé depuis peu à
Lille après avoir occupé plusieurs années le « Petit Château » du
Nouvion dans
l’Aisne, un ancien pavillon de chasse du
comte de
Paris. Pour conforter son équipe,
Ennio Floris souhaitait l’appui d’un collaborateur chargé de mettre en œuvre les activités du Centre régional. Il fut donc proposé que je devienne ce collaborateur, qui assurerait à temps partiel la fonction de secrétaire général.
Cette proposition ne répondait pas au désir profond de
Paul Lew et de l’autorité régionale. Néanmoins le Conseil régional du
Nord décida que je partagerais mon activité entre mon ancien ministère à
Tourcoing et cette nouvelle fonction de secrétaire général. Dans une lettre du 25 mai 1964,
le président du Conseil régional me confirmait que ma collaboration avec
Ennio Floris s’exercerait sur une période limitée à trois années, à partir du premier octobre 1964, et qu’elle prendrait fin le trente septembre 1967 car – poursuivait la lettre – dans le cadre stratégique régional, le poste de
Tourcoing dépendrait, dans la suite, de la paroisse de
Lille. Il me laissait d’ailleurs entendre que je ne serais sans doute pas le pasteur souhaité pour assurer cette transition !
Je considérais, néanmoins, ce sursis de trois ans comme une chance offerte, une ouverture qu’il me fallait saisir pour tenter de « forcer le destin ». En effet, il me semblait permis d’espérer que les expériences en cours à
Tourcoing et les initiatives à venir, menées avec l’appui du Centre du
Nord, seraient reçues et reconnues comme autant de signes d’un renouveau, à l’échéance du sursis accordé.
La communauté protestante de
Tourcoing fut aussitôt informée, le vingt-cinq septembre 1964, que la situation qu’elle allait devoir affronter, si elle limitait la disponibilité du pasteur sur place, recélait l’invitation à une fidélité plus active de chacun, et une occasion providentielle à saisir ensemble pour tenter de sortir de l’impasse où nous nous trouvions.
Pour donner à ce message la meilleure audience, les membres du Conseil de
Tourcoing s’engagèrent à visiter les familles de la paroisse avant Noël 1964. Une cinquantaine d’entre elles, sur les quatre-vingt que comptait alors la communauté, purent ainsi être informées et s’entretenir librement du présent et de l’avenir qui les attendait. Pour faciliter ces entretiens, un questionnaire avait été adressé préalablement à chacune. Il proposait un
aggiornamento
du rythme mensuel des cultes dominicaux, alternant pratique traditionnelle et innovations (nous avions retenu un souhait exprimé par les jeunes quelques mois auparavant). Ainsi, au cours des divers dimanches du mois, furent proposées et mises à l’essai le temps d’un trimestre avant la prochaine assemblée générale, liturgie habituelle, informations sur l’Église et les Églises, étude biblique et questions actuelles que le monde adresse aux chrétiens.
Le 7 mars 1965, l’assemblée générale ne confirma pas pleinement l’expérience engagée, et se rangea à l’avis de certains membres qui souhaitèrent la suppression de cette information sur les problèmes actuels, demandant le maintien du culte tel qu’on l’avait toujours pratiqué, ajoutant cependant que, le dimanche suivant, l’étude biblique se substituerait à la prédication.
En 1965, à l’occasion de la fête de Noël, une manifestation originale suscita un vif intérêt chez beaucoup, une cinquantaine de jeunes et d’adultes étant présents ce jour-là. Sur le thème de « l’invitation », une petite équipe avait élaboré préalablement un programme inédit. Le matin de Noël, le culte revêtit la forme d’un jeu biblique, inspiré d’un texte de
Roland de Pury,
L’invitation au festin
. Adultes et jeunes, au sein de l’assemblée, animèrent ce jeu, acceptant ou refusant, tout à tour, de répondre à l’invitation d’un « serviteur » ; puis, après un jeu d’harmonium, l’assemblée entière répondit à l’invitation de la cène. À l’issue de ce culte singulier suivirent des agapes fraternelles, partageant, dans l’esprit des
chrétiens primitifs, les provisions que chacun, en entrant dans le temple, avait déposées sur une grande table, en « écho » de la table de communion.
L’après-midi se prolongea par des visites en groupe à des amis malades ou isolés. Enfin, la journée prit fin sur un moment d’échange et de reconnaissance au temple, autour de l’arbre traditionnel illuminé. Dans les jours qui encadrèrent la fin de l’année, quelques membres de l’Église accueillirent à leur table familiale des jeunes noirs du Foyer africain de
Roubaix.
Pourtant, je dois reconnaître que cet
aggiornamento
n’eut pas les suites espérées. Il rencontra des résistances, car les habitudes ont la vie dure, même si l’on reconnaît qu’elles sont pesantes et paralysantes. Certains boudèrent l’initiative, qui ne devait pas revêtir à leurs yeux tout le « sérieux » requis pour la traditionnelle fête de Noël ! On dut aussi renoncer à introduire dans le culte l’information sur les problèmes du monde, ce qui nous semblait important pour donner à la foi les couleurs de l’existence quotidienne.
En fin de compte, nous ne sommes pas parvenus à donner au culte une allure plus communautaire !
______________
(1) Voir une
brêve biographie
d’Ennio Floris
par
Jacques Lochard (1986),
l’autobiographie
d’Ennio Floris (2012), et son
autobiografia
(2005).
1992
tc436200 : 23/07/2019