ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Le roman inachevé d’un utopiste





Tourcoing (1960-1967) :
expériences nouvelles


Sommaire

Prologue

Introduction

Clermont-l’Hérault

Saint-Quentin

Bruay-en-Artois

Tourcoing
- Introduction
- Le protestantisme à
  Tourcoing
- Communauté vivante
- Sensibilisations
- Parole d’utopie
- L’impasse
- Recherche de structures
   nouvelles
- Expériences nouvelles
  . Tournant théologique
  . Tournant œcuménique
  . Le groupe œcuménique
  . Le groupe pour la paix
    - Introduction
    - La force de frappe
    - Premier colloque sur le
      Vietnam
    - Audience du maire
    - Caravane pour le
      Vietnam
    - Second colloque
    - Le Moyen-Orient
    - L’arme atomique
  . Le groupe de recherche
    biblique
- Vers la crise

La crise

Épilogue




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Le groupe pour la paix :
l’homme face à l’arme atomique


   Prolongeant l’appel lancé en avril 1964 lors du forum initial (1) à tous les hommes de bonne volonté, ce fut par un cri d’alarme que le groupe pour la paix (2) devait mettre un terme inopiné à son action de sensibilisation à Tourcoing.

   Alerte à la bombe atomique ! La pugnacité du docteur Alain Bombard et la violence émotionnelle du film anglais La Bombe amplifièrent auprès des Tourquennois ce cri d’alarme face à l’arme atomique. À l’exception de Nord-Matin la presse régionale, qui avait été invitée deux semaines auparavant dans les locaux de la Fraternité, annonça à deux reprises la manifestation du douze décembre 1967.
   « Le groupe pour la paix présente « La Bombe » et le docteur Bombard » (Nord-Eclair et La Croix du Nord) ; « « La Bombe » et Alain Bombard présentés le 12 décembre à Tourcoing, par le groupe pour la paix » (La Voix du Nord) ; « Alerte au danger atomique. Grande manifestation publique au « Vox », mardi 12 décembre à 20 h 15 » (Liberté) ; « L’homme face à l’arme atomique par Alain Bombard » (Nord-Eclair).
   Comme pour donner une plus grande crédibilité, elle annonçait la présence de personnalités tour­quen­noises. « M. le maire de Tourcoing et de nombreuses autres personnalités (notamment l’abbé Lezain, supérieur du collège du Sacré-Cœur, M. F. Tournier, directeur du Conservatoire, Mgr Clarisse, archiprêtre de Tourcoing, Mme Tiberghien, des Foyers de culture) honoreront de leur présence et de leur autorité cette importante manifestation ».

   Présentation alerte de l’orateur : « Barbichette en bataille, ses gros yeux légendaires roulant dans des orbites grossies par la colère, la conviction, la foi, mains dans les poches de son costume gris, veste ouverte sur un pull-over marron, tel apparut le docteur Alain Bombard devant le rideau rouge du cinéma « Vox », mardi soir. La salle était comble, plus une place vide » (Nord-Eclair).
   Puis, relation de la première partie de la soirée, consacrée à la conférence. Citons La Voix du Nord, car elle restitue au mieux l’exposé du docteur Bombard. « Le docteur Bombard, qui a été l’ami et l’hôte de Joliot-Curie, a rappelé que le père de l’énergie atomique s’était engagé à faire de la France une grande puissance de l’atome pacifique et que, connaissant les effets de la bombe, il s’était évanoui à l’annonce d’Hiroshima. Or, dès la quatrième république, la France a voulu se doter d’un armement atomique, dit de dissuasion, qui, affirme le conférencier, est inefficace par rapport aux grandes puissances, mais dont le coût est exorbitant par rapport à ce que coûterait la recherche pour mettre à disposition du monde une énergie nucléaire pacifique. Le docteur Bombard dit encore que demander un fusil pour tuer n’est pas une aventure, mais une perversion. Avec le Vietnam qui a déjà reçu autant de bombes que toute l’Europe pendant toute la guerre, avec le Moyen-Orient, se crée petit-à-petit le « climat d’assistanat généra­lisé » qui a permis la monstrueuse expérience d’Hiroshima et celle plus horrible encore, parce qu’inutile, de Nagasaki.
   Malgré la connaissance qu’on a maintenant des ravages des bombes A ou H, on multiplie la fabrication, et les stocks s’accumulent, ne se démodant que parce qu’on en invente sans cesse de plus puissants. Il n’y a pas de bombes civilisatrices, dit le docteur Bombard, il n’y a que des bombes de droite et de gauche, mais toutes sont des bombes criminelles. Les expériences, si dangereuses, se poursuivent également, or on sait que ça marche et on pourrait anéantir l’humanité entière, à l’exception de quelques Papous qui n’auraient pas bénéficié de notre civilisation scientifique.
   L’orateur a déploré que la France se soit, à son tour, lancée dans la préparation de la bombe, participant ainsi à une course à la dissémination de l’arme atomique que tous les pays possèderont bientôt. L’histoire nous a appris, dit-il, que quand des menaces sont brandies trop longtemps, elles finissent toujours par se réaliser. Qui nous dit qu’il n’est pas déjà né un fou ou un nouvel Hitler, qui n’hésiteraient pas à employer ce moyen s’ils l’avaient sous la main ? Et qui nous dit que la guerre ne se déclenchera pas sur une simple erreur d’interprétation de radar (de telles erreurs se sont déjà produites plus de vingt fois, mais ont pu être stoppées à temps), ou à la suite d’une explosion accidentelle qui ferait croire à une attaque et amènerait une riposte irréparable ?
   Nous sommes tous tragiquement concernés, et c’est de l’action de chacun qu’il dépend que l’arme atomique soit rayée de nos moyens, tout d’abord par une interdiction efficace des expériences nucléaires, ensuite par l’arrêt des fabrications, enfin, lorsqu’on aura trouvé le moyen d’exploiter pacifiquement le contenu des ogives, par la destruction des stocks ».
   « Comment agir ? Nous avons un poids électoral. Groupons-nous ! C’est le vrai roman de l’énergie atomique que l’on commence à écrire » (Nord-Eclair, Liberté).

   Enfin, de l’écran a jailli l’alarme ! La Bombe (titre anglais, The war game, c’est-à-dire « le jeu de la guerre »), du cinéaste anglais Peter Watkins, qui reçut l’Oscar 1967 pour son film. Commandé en 1966 par la télévision anglaise BBC, il ne fut jamais diffusé : « Si un téléspectateur prenait l’émission en cours de diffusion, il pourrait croire que la guerre atomique est déclarée » a-t-on dit !
   De quoi s’agit-il ? « Les Chinois attaquent au Vietnam ; les forces de l’OTAN d’Allemagne sont autorisées à faire usage des armes nucléaires tactiques. Les Russes occupent Berlin-Ouest, et commencent à bombarder la Grande-Bretagne avec leurs missiles. Une bombe atomique tombe sur l’Angleterre. Voici sur l’écran ce qui se passerait » (Nord-Eclair).
   Ce qui se passerait ? « Il faut deux minutes au maximum entre l’alerte et l’arrivée de la fusée ; trente secondes si elle part d’un sous-marin. À quarante-huit kilomètres du point de chute, l’éclat peut rendre aveugle ; les globes oculaires fondent. Les victimes périssent carbonisées et les sauveteurs de la défense civile meurent dans les tempêtes de feu qu’ils veulent combattre. Les survivants sont encore plus à plaindre que les morts : transferts de populations, rationnement, terreur, nourriture rare, contaminée, qu’on dispute aux rats ; une bassine d’eau pour dix et pour tous les usages ; la police donnant le coup de grâce aux blessés trop atteints pour être soignés ; pillages, assassinats, il n’y a plus de loi, l’instinct commande. Pendant ce temps, les autorités civiles et religieuses, les techniciens, font des déclarations ridicules, qui prescrivent de ne pas oublier, surtout, d’emporter dans l’abri son livret de Caisse d’épargne. On demande aux orphelins, brûlés eux-mêmes, ce qu’ils veulent devenir plus tard ; ils répondent « je ne veux rien devenir » ! » (Liberté).
   « Les images étaient authentiques, précisa La Voix du Nord, provenant de villes rasées par les bombardements en Allemagne, et surtout des villes cobayes d’Hiroshima et Nagasaki ».

   Devant une telle horreur, on comprit ce soir-là qu’un événement venait de se produire chez les cinq-cents personnes de l’assistance. La presse s’en fit le témoin.
   « Il fallait voir ces visages graves à l’issue de la projection ; le public sortait lentement, doucement, tristement. Quelque chose allait changer. Quand on a vu un tel film, il n’est pas possible de refuser une responsabilité quelconque dans le grand désir de paix qui étreint tout homme. Peter Watkins et le docteur Bombard n’ont pas eu à imaginer : derrière eux, des visages brûlés au deuxième degré, des globes oculaires fondus, des leucémiques, des fous, disent à quel point le Japon a souffert et souffre encore de la bombe d’Hiroshima. Ce genre de bombe sert de simple détonateur aux bombes actuelles. Le Japon prépare sa propre bombe atomique, et avec lui d’autres pays. Resterons-nous assis ? » (Nord-Eclair, La Croix du Nord, Liberté).

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(1) Voir le compte-rendu du premier colloque.   Retour au texte

(2) Voir la présentation du groupe pour la paix.   Retour au texte



1992




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tc437470 : 27/07/2019