ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Pierre Curie


Au risque de croire





Itinérance, une quête du sens :
Servitude et libération


Sommaire

Préface
Quittez un monde bon
Vivre la foi dans le siècle

Présence de l’Église au monde

Église en dialogue avec le monde

Itinérance : une quête du sens
- Servitude et libération
  . Accablement
  . Conversion
  . Mission
  . Renommée
  . Discernement
  . L’agneau et le pain
  . Communauté de destin
  . Libérations
  . Chemins de la liberté
  . Dialectique historique
  . Lutte finale
  . Accomplissement
- Dieu contesté par Job

Croire au-delà des perplexités

En écoutant l’Alléluiah d’Hændel




. . . . . . . . - o 0 o - . . . . . . . .

Communauté de destin



   Le rituel précédent (1) repris ici provient, pour une large part, d’une source probablement plus ancienne que la source sacerdotale (Ex 12:1-20). Ce nouveau récit est centré différemment : le premier embrassait un horizon plus vaste : « toute la communauté d’Israël » (Ex 12:3), le second fixe l’attention sur « tous les anciens d’Israël » (Ex 12:21).

   Une analogie est remarquable entre ces deux récits du rituel de la Pâque et les deux récits mythiques de la création, au livre de la Genèse. Le premier récit de la création (Gn 1:2-4) est un texte sacerdotal ; le second (Gn 2:6-25) un texte yahviste. Le même schéma se retrouve entre le texte d’Exode 12:1-20 et celui d’Exode 12:21-36. Cette analogie n’est pas sans signification.
   Dans le texte d’Exode 12:1-20, la Pâque signifie à la fois un commencement (la naissance d’Israël en tant que peuple libéré) et un dynamisme (le mouvement de ce peuple vers une plénitude). De même, le mythe de la création rapporté en Genèse 1 n’exprime pas un simple point de départ de toutes choses dans le monde, mais un « germe » en croissance. Le verbe hébreu « bara » ne signifie pas, en effet, « créer » au sens de fabriquer un objet, mais une action productrice du nouveau ou du renouveau. Ainsi se présente l’analogie avec le texte d’Exode 12:1-20, qui retrace les perspectives de la dynamique d’un peuple libéré, passant de sa situation nomade à une condition sédentaire, de l’exode vers Canaan, de la fête de l’agneau à la fête des azymes, de l’agneau immolé et partagé au « pain sans levain » d’une plénitude sans aliénation – et le texte de Genèse 1 qui développe ce même mouvement par lequel le dynamisme de la création se révèle dans la poussée de croissance du germe du « premier jour » vers la plénitude du « repos du septième jour ».
   Le texte d’Exode 12:21-28 est la version plus ancienne du même récit. Il se situe, au contraire, au « centre » : les « anciens d’Israël » (Ex 12:21), à partir desquels la vie s’exprime, se développe, se ramifie. Cette version du récit pascal est une vue de l’intérieur (Ex 12:12), alors que la première était plutôt une grande fresque. La vie intime du peuple est le foyer de la fête de la Pâque, acte fondamental de la libération (Ex 12:25-27). Un mouvement analogue se discerne dans le texte de Gn 2:4-24 : d’un « centre » (la terre et le couple humain) la puissance de vie se déploie ; du sol germent les plantes, un fleuve surgit de l’Éden et se ramifie pour féconder la terre. L’homme est appelé à faire croître et à atteindre cette puissance de vie sur terre, le couple humain doit exprimer cette plénitude.

   Une tension s’établit entre ces deux récits de l’Exode. Le premier exprime un commencement et une croissance vers un futur dans une vision prophétique. Dans et au-delà de « l’assemblée d’Israël » se profilent tous les hommes de la terre, c’est une image universelle, œcuménique. Le second exprime la situation spécifique d’Israël comme peuple organisé : les « anciens d’Israël » deviennent l’image de l’Église. La tension surgit entre la dynamique prophétique de l’universel et l’épanouis­sement interne de la Pâque dans la communauté particulière. Cependant cette tension devra se résoudre dans, et non hors de, l’histoire, dans une dialectique historique (Ex 12:17 ; 12:24).

   L’évangile de la Cène (Mt 26:17-29) accomplit la Pâque d’Israël. Dans le Christ, « notre Pâque », le mur de séparation a été aboli ; en lui est en effet contenu le germe de renouveau, de « re-création » et de libération de tous les hommes de la terre. Désormais, dans l’histoire des hommes, la tension entre « Israël », peuple replié sur sa vie propre, et « Israël », assemblée en perpétuelle croissance désaliénante, se résout progressivement. De la même manière, dans le « Christ, notre Pâque », la tension entre l’Église, institution, et le monde, la totalité des hommes sur la terre, l’oikouméné, est appelée à se réduire au cours de la marche de l’humanité, progressant de sa vie nomade à son enracinement, de son existence aliénée à sa pleine libération, à travers l’offrande d’amour. En ce sens, l’Église peut demeurer la possibilité toujours offerte dans le cours de l’histoire d’une prise de conscience libératrice.

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(1) Voir.   Retour au texte



juin 1971




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