Sommaire
GENÈSE ET MÉTHODE D’APPROCHE DES RÉCITS
LECTURE DU RÉCIT DE MATTHIEU
LECTURE DU RÉCIT DE LUC
L’annonce faite à Marie
La visite à Élisabeth
Le recensement
Couché dans une crèche
Les bergers
Le nom de Jésus
La purification
Un homme appelé Syméon
Le signe de la contradiction
L’épée
Anne la prophétesse
Marie gardait ces paroles
- Introduction
- Le récit de l’annonciation
- Marie, vierge idéale
- Le cœur de Marie
- La référence à Jacob
CONCLUSION
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Nouvelle lecture du récit de l’annonciation
Revenons au récit de l’annonciation, où pour la première fois la parole est adressée à Marie, en prenant comme point de départ de cette nouvelle lecture le niveau du silence du texte. Des références apparaissent, quoiqu’inavouées, et en premier lieu le passage d’Isaïe 7 concernant la vierge enceinte.
Comme nous l’avons vu, il n’y a pas à proprement parler de vierge-mère, c’est-à-dire mise enceinte sans le concours d’un homme, dans l’oracle du prophète. Cette vierge apparaît dans l’imaginaire si on s’approche du texte comme d’une énigme, mais alors elle n’existe pas au niveau du texte – du dit – mais de l’interprétation créatrice de ce dire. Elle n’a cependant pas encore de nom puisque, n’existant que dans l’imagination, elle n’est pas portée au niveau de la parole. Toutefois elle exige de devenir un personnage, afin d’agir et de parler dans la dimension historique du discours, surtout à partir du moment où l’écrivain met l’oracle prophétique dans la bouche d’un ange.
La parole est soustraite au temps indéterminé du futur, dans lequel elle avait été énoncée : « Voici, une jeune-fille sera enceinte » (Is 7:14). Elle devient parole d’un sujet qui parle à un autre sujet, énoncé abstrait et immuable – dictum – elle devient discours.
Mais qui est ce vis-à-vis de l’ange, sinon la vierge elle-même ? Il ne s’agit plus d’une parole qui parle de la vierge, mais d’une parole qui s’adresse à la vierge pour s’accomplir en elle. La vierge devient alors un « tu », elle prend un nom : Marie. Ce qu’elle demande, c’est de « devenir enceinte », autrement dit d’être vraiment elle-même au niveau de ce discours : pour exister, il ne suffit pas que la parole lui soit adressée, mais qu’elle devienne selon cette parole, qu’elle incarne cette parole en devenant cette parole. La fin du dialogue qui s’engage entre Marie et l’ange marque cet accomplissement, le devenir de Marie comme personnage. « Qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1:38). Le pronom au datif ne doit pas nous tromper au sujet de ce qui se fait : ce n’est pas quelque chose qui appartient à Marie, mais c’est Marie elle-même, l’accomplissement de sa virginité dans la maternité.
Le « fiat » de Marie se répète toutes les fois où il y a création poétique. C’est le personnage qui, demandé et esquissé par le contexte littéraire, demande à exister dans l’espace et le temps imaginaires. Il veut exister tel qu’il est, selon l’existence propre qui le distinguera des autres personnages. Quant à Marie, elle ne peut exister que comme synthèse d’énigme entre virginité et maternité.
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