ANALYSE  RÉFÉRENTIELLE
ET  ARCHÉOLOGIQUE


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Ennio Floris


Sur les bords du Jourdain

(Mc 1:1-13)




Méthode d’approche référentielle :

esquisse du champ référentiel



Sommaire
Prologue

La méthode
- Introduction
- Existence d’une référence
- Interprétation et référence
- Le champ référentiel de
   Marc

   . Systèmes de valeurs
   . Tableau des systèmes
   . Lecture du tableau
- La méthode
- Résumé

Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte



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Lecture du tableau


   La bande M désigne le modèle théophanique d’expression. Elle est constituée de deux axes dont l’un, vertical, correspond au processus de l’action, et l’autre, horizontal, est relatif aux déterminations de cette action, selon l’opposition fondamentale de sens : malédiction et bénédiction. Du croisement des deux axes il ressort que toute action susceptible d’être exprimée par ce modèle se développe selon les oppositions péché–obéissance, jugement–exaltation, malédiction–bénédiction, confusion–extase.

   Quant aux trois colonnes centrales, encadrées par la bande M, les deux latérales désignent les interprétations opposées exprimées par l’anti-texte et le texte au moyen du modèle théophanique, tandis que la colonne centrale indique le fait sous-jacent à ces interprétations et retrouvé par analyse.

   La méthode de lecture doit être à la fois déductive et inductive : déductive en allant des oppositions du modèle aux interprétations et des interprétations au référent ; inductive en allant de celui-ci aux interprétations et de ces interprétations au modèle. Ce qui permet ce passage – le rapport code–signe – n’apparaît pas dans le schéma et sera explicité dans le processus de lecture.

   L’action destinée à être exprimée par le modèle doit être un péché ou un acte d’obéissance à Dieu. Selon l’anti-texte, le péché aurait été la tentative de Jésus d’administrer le baptême ; selon Marc, l’acte d’obéissance aurait été posé par Jésus en se faisant baptiser par Jean. Marc exclut donc que Jésus ait tenté d’administrer le baptême, cette exclusion étant sans doute le fait d’une censure. L’authenticité de l’action est rétablie dans le quatrième évangile, selon lequel Jésus aurait baptisé. Le même fait est donc péché pour les uns et acte méritoire pour les autres. Il est péché parce que, étant bâtard, Jésus ne présente pas les conditions de pureté requises pour un tel acte ; il est méritoire parce que Jésus, étant le Christ, ne fait qu’accomplir par obéissance à Dieu la signification messianique exprimée par le baptême de Jean.

   Les deux récits ne font pas allusion à des paroles prononcées par Jésus à la suite de son acte. Mais le fait que Marc présente Jésus moins comme sujet que comme objet de parole et d’action donne à penser qu’il a voulu écarter, par censure, toute allocution de Jésus, de même qu’il a exclu toute action baptismale de sa part. Ce soupçon paraît confirmé par le récit de Daniel 4, qui est le texte de référence de l’anti-texte, dans lequel Nabuchodonosor a péché contre Dieu précisément par la parole.
   Jésus se serait donc exprimé, peut-être en justifiant son acte, mais ses paroles, comme son geste, auraient été considérées comme péché par les uns et comme acte méritoire par les autres. Pour que les mêmes paroles aient pu être interprétées si différemment on peut supposer qu’elles étaient contestatrices de l’ordre établi. La contestation est un signe équivoque : elle peut désigner l’obéissance ou la désobéissance à Dieu, elle peut s’inscrire dans le cadre d’un système de valeurs défendant l’ordre établi ou annonçant un ordre nouveau.

   L’apparition de la divinité correspond, au niveau de la référence, à un procès. En effet, dans la théophanie, Dieu se manifeste comme un souverain absolu pour accomplir son bon vouloir : la justice ou la grâce. Le modèle paraît tiré d’un acte de jugement, dans lequel on accuse et condamne, on proclame l’innocence et libère.
   Jésus est accusé d’être fils de prostitution, il est exalté comme fils de Dieu. Le signe qui le manifeste comme fils de prostitution et comme fils de Dieu est le même : il est un homme sans père. Il s’agit là d’une condition naturelle qui peut être rapportée à des codes relevant de deux systèmes de valeurs différents : le code éthique et juridique de la Thora, le code messianique. Selon le premier, l’enfant sans père ne peut être qu’un fruit de prostitution ou d’adultère ; dans le second il devient le fils de Dieu, fils d’une femme fécondée par Dieu.

   Jésus est condamné à une peine qui devient, pour ses défenseurs, argument de sa libération et de son exaltation : il est chassé dans le désert. Le désert est considéré par les accusateurs selon le sens qu’il reçoit dans l’expérience de la vie : lieu sans eau et sans végétation, le lieu de la mort. Au contraire, il est assumé par les défenseurs dans un sens théologique : lieu des origines, du retour, le lieu de la délivrance. Il s’agit donc ici d’une équivoque qui relève de codes et de systèmes de valeurs différents.

   Enfin la confusion et l’extase affectent l’homme maudit ou l’homme béni. À l’aboutissement de la théophanie, l’homme ne peut qu’être aliéné, soit que son péché l’ait rendu fou, soit que la bénédiction le situe au-dessus de l’humain. Cette double possibilité d’aliénation s’exprimait par la possession de l’esprit : l’esprit impur, Satan, pour l’homme maudit ; l’Esprit de Dieu pour l’homme béni.
   C’est ainsi que Jésus apparaît comme un homme possédé par Satan ou par l’Esprit de Dieu. Or Jésus n’aurait pu être considéré comme un homme possédé s’il n’en avait présenté les signes. Pour les anciens, les signes de la possession par Satan ou par Dieu étaient équivoques, puisqu’ils coïncidaient avec le symptôme du délire religieux. On penchait pour la possession démoniaque ou divine selon le système de valeurs d’approche. En neutralisant la double interprétation il reste au niveau de la référence que Jésus, à l’issue de sa condamnation, fut atteint de délire religieux.



1984




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u0133000 : 19/05/2018