Sommaire
Prologue
La méthode
Le bâtard
De Nazareth au Jourdain
La crise spirituelle
La pratique du baptême
Recherche sur le discours
Le corpus du discours
Analyse du discours
Genèse du discours
- Introduction
- La purification
- La crise
- Les références bibliques
- La vision d’Osée
- Le message d’Ézéchiel
- Le Dieu de Jésus
- La personnalité de Jésus
- Le discours
- Résumé
Jésus, le nouvel Élie
Procès d’excommunication
Le délire et le désert
Des événements au texte
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Le discours semble avoir une genèse fort complexe, non seulement en raison des thèmes mis en jeu, mais aussi de sa dialectique de rupture à l’encontre du judaïsme et de la prédication de Jean. L’évolution de la crise de Jésus a dû avoir, elle aussi, une grande importance ; revenons donc à la situation dans laquelle nous avons laissé Jésus, après sa décision d’administrer lui aussi le baptême.
Jésus était devenu disciple de Jean, vivant cependant dans une situation d’infériorité par rapport aux autres disciples à cause de l’illégitimité de sa naissance. Cette situation d’infériorité nous permet d’affirmer que le Baptiste ne lui avait donné la possibilité de résoudre sa crise que dans le cadre d’une perspective ascétique. Né bâtard, Jésus aurait dû assumer sa condition d’homme impur dans un esprit d’obéissance envers Dieu. La souillure de sa naissance ne pouvait être effacée que par le sacrifice d’une vie d’humiliation et de renoncement à soi-même : Dieu l’aurait sans doute purifié, mais à la fin, quand il aurait fait jaillir du Temple le fleuve destiné à assainir la terre des fils d’Abraham. Le baptême donné par Jean était une garantie de cette purification eschatologique.
Dans ce contexte, la tentative de Jésus d’administrer lui aussi le baptême comme les autres, fut un acte de contestation et de révolte contre cet ordre imposé. Il se peut que Jésus ait par la suite interprété la vision d’Ézéchiel comme un événement plus historique qu’eschatologique, dès lors que le baptême de Jean devenait à ses yeux l’événement qui accomplissait la purification universelle par l’eau : il ne devait plus exister d’hommes purs et d’hommes impurs dans la communauté des baptisés. Mais, même s’il a toujours considéré l’événement comme eschatologique, Jésus a peut-être cru que la nouvelle naissance de l’homme par la venue de Dieu rendait sans importance celle selon la chair.
L’attitude de ses condisciples et surtout celle du maître, Jean, brisa sa certitude. Le problème de son existence se posa de nouveau et, je dirais, d’une façon encore plus tragique : Jean le plaçait devant l’alternative de rester pour mener une vie d’expiation consacrée au service des pèlerins ou de s’en aller. Dans ce cas, que pouvait-il faire pour sortir de sa condition d’homme bâtard, sinon suivre l’exemple de Jephté en s’engageant dans la révolte et la lutte contre l’ordre social ?
Pour connaître l’issue de cette nouvelle épreuve, nous n’avons que son discours, qui montre que Jésus avait trouvé la solution de sa crise dans un renversement des valeurs : au lieu d’assumer son impureté originelle pour l’expier par une vie d’humiliation, il l’avait rejetée sur le judaïsme ; au lieu de se lancer, comme le révolté, le bandit Jephté, contre sa génération, il lui avait jeté à la face la colère de Dieu. Il avait trouvé sa voie, synthèse dialectique du chemin d’Ion et de celui de Jephté, autrement dit de la perspective ascétique et de la politique.
Cette voie fut prophétique. Ici se situe l’originalité, la complexité et aussi le tragique de sa personnalité. Jésus n’est pas Jephté, puisqu’il ne s’associe pas à des malfaiteurs pour attaquer ses frères. Mais, dans la mesure où il invoque contre ses frères le jugement de Dieu, il est ce Jephté, un Jephté beaucoup plus fort, plus puissant, plus inexorable, que ne le fut le personnage biblique. En effet, il fait retomber sur ses frères ce jugement de Dieu qu’il aurait dû subir lui-même en tant qu’enfant bâtard. De même, il n’est plus un ascète, il n’est plus Ion. Mais, agissant comme prophète du Dieu de la colère, il s’expose lui-même à recevoir de la part du peuple qu’il condamne ce rejet, ce mépris, cette malédiction, ce jugement de mort qui lui avait été épargné lorsqu’il vivait comme bâtard.
Rechercher la genèse de ce discours oblige à dépasser la lettre du texte. La naissance du discours se confond avec l’enfantement de la personne prophétique de Jésus, d’où la nécessité de rechercher si la période de silence et d’attente qui a précédé le discours a été marquée par quelque fait spécial, et de revenir sur les textes examinés. Peut-on retrouver des passages bibliques susceptibles de nous faire comprendre la solution de la crise et le surgissement de ce discours ?
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